Le Sommet de Nouakchott s’est clôt il y a quelques jours. Les pays du G5 Sahel ainsi que la France ont présenté leur bilan. Concernant le Mali, les perspectives sont moins sombres qu’il y a six mois et de vrais efforts, notamment militaires, ont été consentis. Toutefois les participants au sommet ont aussi rappelé au Mali les progrès que le pays doit accomplir en termes de gouvernance pour faire tenir dans la durée ses progrès militaires et faciliter le déploiement de l’aide au développement.
Malgré la crise du coronavirus, le G5 Sahel est parvenu à se réunir, preuve de sa volonté de combattre. Outre le bilan, la rencontre a permis d’identifier les enjeux de la coalition pour les mois à venir. Le Mali a accumulé des résultats substantiels ces derniers mois et les a fait valoir lors du sommet. Personne ne conteste les progrès militaires du G5 en général et du Mali en particulier et, en effet, les groupes armés terroristes (GAT) ne sont plus en mesure de menacer l’intégrité du pays on constate au contraire la reprise de plusieurs postes : Labbézanga au Mali Tillabiri et Inates au Niger ou Tanwalbougou et Oursi au Burkina, etc. La menace n’a toutefois pas disparue et la nécessité d’une amplification des efforts militaires fût rappelée à Nouakchott. Toutefois, les victoires militaires ne suffisent pas.
Cibler l’effort de développement
Prévus par Pau et confirmés par Nouakchott, les objectifs de développement vont s’intensifier et font dorénavant partie intégrante de la stratégie. Harmoniser les objectifs militaires et civils, tel est le nouveau leitmotiv de la coalition pour le Sahel qui a été officiellement lancée le 12 Juin. Non seulement les initiatives liées au développement seront harmonisées afin de rationaliser leur action via le partage de l’information et la facilitation des procédures de subventions, mais elles s’accorderont intimement avec les effets militaires. C’est le continuum sécurité/développement conceptualisé à Pau et concrétisé à Nouakchott.
Si le sommet n’a pas accouché de décisions fracassantes, l’essentiel ayant été déclaré à Pau, la feuille de route s’est précisée. En outre les pays du G5 ont rappelés leur attachement à certaines mesures qui avaient été selon eux négligées depuis quelques mois et que la crise de la Covid 19 a contribué à faire ressortir. C’est le cas de l’annulation de la dette dont le service pèse de manière très lourd sur les budgets étatiques, les pays du G5 n’ont certes obtenu pour l’instant qu’un moratoire mais c’est déjà un premier pas dans ce sens. Il est vrai que cette annulation, couplée avec les efforts actuels de l’Agence Française de Développement (AfD) et de l’Alliance pour le Sahel en termes de gouvernance financière, pourrait contribuer à donner une impulsion importante au redéploiement de l’Etat dans les zones concernées. C’est précisément là où la coalition veut agir, et notamment dans la zone des trois frontières.
Les projets, tous coordonnés par la coalition, iront des missions CIMIC (missions civilo-militaires) opérées par l’armée française en coopération avec des agences civiles, en passant par les programmes de développement d’urgence (PDU) mis en œuvre par l’alliance pour le Sahel (pilier développement de la coalition) ou bien les Cadre d’Actions Prioritaires Intégré (CAPI) du G5 Sahel. Tous ces projets de nature très variée (agriculture, électrification, infrastructures scolaires, transports routiers voire ferroviaire, employabilité des jeunes…etc.) servent une politique de développement bien précise et très voisine dans ces modalités des principes opératifs employés ces derniers mois, à savoir le ciblage des besoins et concentration géographique des efforts. L’aide sera déployée dans la zone des trois frontières afin de s’accorder au mieux avec l’armée française. L’Etat malien devra en revanche consentir à de grands efforts de transparence afin de ne pas dissuader, à terme, les investisseurs internationaux.
Insister sur la sécurité et la bonne gouvernance [judiciaire]
La gouvernance sera en effet l’enjeu central qui permettra de dénouer la situation à long terme. Si la gouvernance ne s’améliore pas et si l’administration de l‘état ne réinvestie pas les zones contestées, les efforts militaires ne seront pas durables et le développement économique et infrastructurel sera sans lendemain. L’Islam n’est pas le problème, c’est peut-être d’ailleurs le principal ciment social de pays sahéliens marqués par des différences ethniques importantes et des conflits millénaires. Un ciment que les GAT empêchent de se solidifier en jouant sur les vieilles rivalités et rancœurs communautaires tout en prétendant se battre au nom de l’Islam. Or, le désengagement progressif de l’Etat, ou sa partialité, dans plusieurs régions a jeté des membres de certaines communautés dans les bras des islamistes. On précisera qu’il ne s’agit pas de savoir qui est coupable, toutes les populations étant soumises à des exactions, mais bien de dresser un constat.
Si les suspicions d’exécutions sommaires qui pèsent sur les FAMa se confirment, elles doivent être sévèrement punies. Elle sont tactiquement contre-productives et ne font que jeter plus de recrues dans les bras des djihadistes. Surtout, elles empêchent de reconstituer la moindre unité nationale. Enfin, elles rendent méfiants les partenaires du Mali (dont la France) qui ne cautionnent pas ce genre de pratiques, au nom de leur principes moraux. Des enquêtes sont d’ailleurs en cours, jusqu’au Parlement français à Paris. Les autorités maliennes ont commencé à œuvrer en ce sens, dans le nord, via le déploiement d’un bataillon des FAMa à Kidal, marquant le démarrage du processus DDR (Désarmer, Démobiliser, Réinsérer). Un succès à mettre au crédit des autorités maliennes et françaises, mais qui ne doit pas rester sans lendemain.
Pour parvenir à stabiliser les régions conflictuelles, la méthodologie est déjà connue. Les armées françaises, et on l’espère bientôt les FAMa, tentent de regagner les cœurs via les missions CIMIC (Puits, canaux, maraichage, dispensaires, fourniture d’emplois…). Mais c’est sur l’aspect de la sécurité post-conflit, sur le long terme, qu’un vrai effort sera demandé. L’Union européenne joue le jeu via les formations des forces de polices maliennes (missions EUCAP) ou bien la France, via les projets de gouvernance judiciaire avec l’Afd. A noter également les formations dispensées par Barkhane visant à créer une force de gendarmerie prévôtale : pour la surveillance légale des actions militaires. A terme le Mali devrait disposer dans les zones contestées de forces de polices bien formées s’articulant avec des institutions judiciaires impartiales.
De nombreux efforts sont encore à fournir. La montée en puissance militaire ne fait aucun doute et plusieurs éléments ont été confirmés lors du sommet tel que la continuation des opérations françaises, des missions de formations (PMO ou EUTM), l’arrivée d’un contingent de 3000 hommes de l’Union africaine ou l’opérationnalisation de la Task Force Takuba…. Mais ce n’est que dans plusieurs mois que la capacité de la coalition à ancrer définitivement son effort pourra être évalué. L’engagement international est bien là mais les Maliens devront faire des efforts bien plus conséquents que ceux qui leur sont demandés, pour le moment, sur le volet militaire. En effet, une guerre se gagne politiquement. Un fait bien rappelé par tout le G5 au Mali, dont l’instabilité politique inquiète fortement. Il a d’ailleurs été expressément demandé au Président Keita de redresser la situation tout en faisant un effort de transparence dans la gouvernance générale des institutions maliennes.