Législatives au Sénégal : à Touba, qui a encore besoin de son marabout pour voter ?

Législatives au Sénégal : à Touba, qui a encore besoin de son marabout pour voter ?

Deux candidats issus de familles mourides s’affronteront le dimanche 31 juillet pour le siège de député de la ville sainte. Jeune Afrique est allé à leur rencontre.

Abdou Lahad Kâ n’est pas un maire bien élu. Loin s’en faut. À l’annonce des résultats des élections locales de janvier dernier, il fut même surnommé « Bulletin blanc ». Le sobriquet est un peu dur mais colle à la réalité : à Touba, où il présentait une liste unique, le candidat n’a obtenu que 23 % des voix… contre 77 % de bulletins blancs. Ce vote de contestation inédit sonne comme un nouveau geste de défiance envers Macky Sall.

À Touba, il est d’usage de ne présenter qu’une seule liste : celle du khalife général des mourides

Exception dans le paysage politique sénégalais, il est d’usage dans la cité religieuse de ne présenter qu’une seule liste lors des élections locales : la liste du khalife général des mourides. Une anomalie qui permet au khalife de choisir lui-même le maire de la ville, dont la victoire est ensuite comptabilisée pour la majorité.

Si la coalition au pouvoir a donc pu recenser une victoire dans la ville sainte le 23 janvier dernier, l’illusion ne trompe personne. Depuis son arrivée à la tête de l’État en 2012, Macky Sall ne parvient pas à remporter l’adhésion des électeurs mourides. Lors du scrutin présidentiel de 2019, Idrissa Seck avait raflé la mise dans la région de Diourbel, avec 48,5 % des suffrages contre 40,2 % pour Macky Sall et seulement 6,5 % pour Ousmane Sonko.

Porte-parole de la ville

Pour les législatives du 31 juillet, tous les jeux sont ouverts. Et Serigne Abdou Bara Dolly Mbacké, le principal candidat de l’opposition, entend bien profiter de cette défiance. « Les mourides n’ont pas de penchant pour Macky Sall. Ils ont compris qu’il n’avait pas de considération envers les familles religieuses de Touba », affirme le parlementaire. Les religieux semblent n’avoir pas digéré que le chef de l’État les traite de « citoyens ordinaires », leur retire certaines faveurs (véhicules, passeports diplomatiques), ni même qu’il fasse emprisonner Karim Wade, une décision vue comme un acharnement contre son père. Abdoulaye Wade, talibé mouride, bénéficie toujours d’un capital sympathie non négligeable dans la ville sainte.