Au Soudan, un « Conseil révolutionnaire » pour chapeauter les sit-in contre la junte militaire

Au Soudan, un « Conseil révolutionnaire » pour chapeauter les sit-in contre la junte militaire

L’organisation devrait compter 100 membres, pour moitié des représentants des comités de résistance et pour l’autre moitié des représentants de partis, de syndicats, de mouvements rebelles.

Les groupes prodémocratie au Soudan ont annoncé, jeudi 7 juillet, former un « Conseil révolutionnaire » contre le général Abdel Fattah Al-Bourhane, refusant son offre de gouvernement civil, alors que les manifestants maintiennent leurs sit-in pour réclamer le départ du chef militaire. Ce Conseil « va regrouper les forces révolutionnaires sous les ordres d’une direction unifiée », a expliqué Manal Siam, l’une des coordinatrices de cette coalition.

Il devrait compter « 100 membres, pour moitié des représentants des comités de résistance » – les groupes de quartier qui organisent les manifestations – et pour l’autre moitié des représentants de partis, de syndicats, de mouvements rebelles ayant refusé la paix avec le régime militaire, ainsi que des proches de manifestants tués dans la répression, a ajouté Mohammed Al-Jili, un autre coordinateur.

Depuis le putsch du 25 octobre 2021, 114 manifestants ont été tués et des milliers blessés – pour nombre d’entre eux par des balles des forces de sécurité – selon des médecins. Jeudi 30 juin encore, neuf manifestants avaient péri dans la répression, provoquant une volée de critiques à l’étranger.

« La violence doit cesser », avait martelé l’émissaire de l’ONU Volker Perthes avant même ces défilés. Depuis, il ne s’est plus exprimé sur la situation au Soudan malgré le coup de théâtre du général Al-Burhane lundi soir.

« Tactique » pour garder la main sur le pays

Ce jour-là, le chef des putschistes a proposé de laisser les civils former un gouvernement – mais a annoncé que les militaires continueraient à jouer un rôle dans la politique soudanaise via un Conseil suprême des forces armées. En l’absence de détails sur son rôle exact, les civils estiment que c’est une « tactique » pour garder la haute main sur le pays.

Si officiellement, le général Al-Burhane accepte l’idée d’un nouveau gouvernement civil, le gouvernement actuellement en place, nommé par lui, continue de siéger. Jeudi, le chef de la diplomatie par intérim, Dafallah Al-Haj Ali, a ainsi rencontré M. Perthes pour lui « rappeler son devoir de neutralité », a indiqué un communiqué du ministère soudanais des affaires étrangères.

Régulièrement, des partisans de l’armée l’accusent de partialité et de nouveau, le ministère l’a exhorté jeudi à être « précis dans la formulation de ses communiqués pour éviter de faire dérailler la transition démocratique ». Pour le syndicat des médecins soudanais, la transition a déraillé il y a huit mois avec le putsch du général Al-Burhane.

Agoras nocturnes

Aujourd’hui, assure-t-il, en affirmant laisser les civils discuter seuls la formation d’un gouvernement, le général Al-Burhane « a tenté de renvoyer la balle, en faisant comme si elle était maintenant dans le camp des civils (…), mais il a échoué ».

Car, pour le camp civil – dont le front uni de 2019 a volé en éclats à l’épreuve du pouvoir –, il n’est pas question de discuter d’un cabinet tant que le chef des putschistes est encore au pouvoir et maintient l’influence des militaires au sein du pouvoir.

S’il n’y a pas eu de morts depuis une semaine dans les rangs des manifestants, selon un syndicat de médecins prodémocratie, la répression continue. Ainsi, un jeune blessé a été arrêté jeudi à l’intérieur même de l’hôpital où il se trouvait pour des analyses, ont rapporté des médecins.

Pas de quoi décourager ses camarades qui, assis sur des barricades de pierres ou des poteaux électriques abattus et placés en travers des rues, veillaient jeudi pour le septième jour d’affilée sur les sit-in à Khartoum, dans ses banlieues et désormais dans au moins une autre province, Al-Jazira, au sud de Khartoum.

Une inflation qui dépasse les 200 %

Toutes les nuits, la place se transforme en agora populaire, on y discute politique et économie, dans un pays où l’inflation dépasse les 200 % ou encore patriarcat et dictature après le « défilé des femmes » organisé mercredi.

Ici, proclame en jaune fluorescent une immense banderole rouge, siège le « Parlement révolutionnaire », alors que plus loin musiciens et chanteurs reprennent les hymnes de la « révolution » de 2019 qui força l’armée à déposer la dictature islamo-militaire d’Omar Al-Bachir.

Sous des drapeaux du Soudan ou même du mouvement rastafari agrémenté du portrait de Bob Marley, la foule n’en démord pas : elle restera jusqu’à ce que leur pays soit dirigé uniquement par des civils.

Une gageure au Soudan, l’un des premiers producteurs d’or d’Afrique et pourtant l’un des pays les plus pauvres au monde, resté sous la coupe de l’armée quasiment sans interruption depuis l’indépendance en 1956.