Ngozi Okonjo-Iweala : quelle place pour l’Afrique dans l’accord arraché à l’OMC ?

Ngozi Okonjo-Iweala : quelle place pour l’Afrique dans l’accord arraché à l’OMC ?

Après cinq jours d’intenses négociations entre ses 164 États membres, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est parvenue à s’accorder sur plusieurs mesures. Un résultat « sans précédent », d’après sa directrice générale, Ngozi Okonjo-Iweala. Trois points pour comprendre leur impact à l’échelle du continent.

La douzième Conférence ministérielle aura duré de très longues heures, pour se terminer au petit matin ce vendredi 17 juin. Mais son issue a été jugée « historique » dans sa « réponse aux urgences de notre époque », selon les mots de Ngozi Okonjo-Iweala, à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Les délégations se sont notamment accordées autour de textes régissant la suppression des subventions à la pêche, la levée temporaire des brevets sur les vaccins anti-Covid, et la lutte contre l’insécurité alimentaire. Des sujets très importants en Afrique.

Régulation de la pêche

Pour lutter contre la pêche illégale, l’OMC veut interdire certaines formes de subventions pouvant encourager cette pratique. L’Afrique est particulièrement concernée par le sujet. Ainsi, le Sénégal, la Mauritanie, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Guinée et la Sierra Leone perdent 2,3 milliards de dollars chaque année suite aux prélèvements faits dans l’illégalité.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la pêche non déclarée et non réglementée sur la côte ouest du continent représente quant à elle 37 % des captures. Cette surexploitation, favorisée par la corruption et le manque de surveillance, accélère la raréfaction des ressources halieutiques dans la zone. Le nouveau texte adopté par les 164 États membres de l’OMC entend freiner cette tendance.

En parallèle, l’organisation propose de mettre en place un fonds permettant d’apporter une assistance technique et d’aider les pêcheurs des pays en développement à se tourner vers une pêche plus durable.

Lutte contre l’insécurité alimentaire

Le document adopté souligne l’importance « de ne pas imposer de prohibitions ou de restrictions à l’exportation » qui soient contraires aux règles de l’OMC. Toute mesure d’urgence introduite pour répondre à des préoccupations en matière de sécurité alimentaire, comme un gel des exportations, adoptée de manière « temporaire, ciblée et transparente », devra désormais être notifiée à l’organisation. Un autre texte vise la protection des achats de nourriture du Programme alimentaire mondial.

Ces accords étaient particulièrement attendus dans la mesure où la guerre en Ukraine prive l’ensemble de la population mondiale de céréales et d’engrais, fait flamber les prix et menace de faim des millions de personnes dans le monde.

En Afrique de l’Ouest notamment, la situation est d’autant plus tendue que la plupart des pays ne disposent pas de stocks suffisants pour pallier aux besoins des populations et atteindre l’autosuffisance. Et ce malgré les efforts de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui a établi une stratégie en la matière (avec trois niveaux de stock et de proximité, national et régional). Mais celle-ci tarde à la mettre en œuvre. Lancée en 2013, la réserve régionale (utilisée par les pays membres) n’a, pour l’heure, atteint que 40 000 tonnes de céréales, soit 10 % du volume total visé.

Levée temporaire des brevets des vaccins Covid-19

Arrivée à la tête de l’OMC en mars 2021, Ngozi Okonjo-Iweala a fait de la réponse à la pandémie du coronavirus une priorité. Comme la haute dirigeante nigériane le rappelait en février dernier dans les colonnes de Jeune Afrique, « un compromis sur les droits de propriété intellectuelle ne suffira pas. Nous avons besoin de capacités de fabrication sur le continent africain et dans d’autres régions en développement. Aujourd’hui, 80% des vaccins du monde sont exportés par dix pays. Cette production doit être décentralisée. »

Le sujet, objet de discussions houleuses entre deux groupes distincts parmi les États membres, les lobbies pharmaceutiques mais aussi de nombreuses ONG, a finalement débouché sur un accord ce 17 juin. Une levée temporaire des brevets protégeant les vaccins anti-Covid destinés aux pays en développement a été adoptée.

En attendant la publication des textes finaux, la directrice générale de l’OMC a fait savoir en conférence de presse que cet aboutissement « fut un long combat, mais c’est fait ». Seule ombre au tableau : les débats ont cristallisé de nombreuses divergences entre les pays membres, ce qui « confirme que l’organisation a besoin d’être réformée en profondeur », selon Valdis Dombrovskis, commissaire européen chargé du Commerce. Il salue toutefois « un résultat important et de portée mondiale. »