Russie : Evgueni Prigojine, la machine Afrique de Vladimir Poutine

Russie : Evgueni Prigojine, la machine Afrique de Vladimir Poutine

Financier du groupe Wagner, fer de lance de la stratégie d’influence russe sur le continent, ce skieur ayant fait fortune dans la restauration est l’un des oligarques les plus importants de l’entourage de Poutine.

À chacun, on a fait jurer le secret. La réunion qui se déroule à Khartoum n’aura jamais eu lieu. Depuis des mois, pourtant, des tractations secrètes ont permis de la préparer. Des émissaires se sont envolés en hélicoptère vers des coins reculés de la Centrafrique pour en dessiner les contours. D’autres rendez-vous ont été organisés au Soudan. Chaque pas a coûté du temps et de l’argent. Et, en ce mois d’août 2018, la réunion finit par se tenir.

Le patron des renseignements soudanais, Jamal Aldin Omar, se charge de l’accueil. Il a mis à disposition une salle climatisée à l’abri des regards. Ali Darassa, Abdoulaye Hissène, Mahamat al-Khatim et Noureddine Adam, principaux chefs de groupes armés qui contestent le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, sont présents. Face à eux : un groupe d’hommes blancs.

Certains sont en uniforme. D’autres en costume, comme Evgueni Prigojine. L’oligarque, chef de la délégation qui fait face aux rebelles, se rend de temps à autre au Soudan. Le groupe Wagner, qu’il finance, y mène des activités depuis plusieurs années en lien avec le pouvoir. Son entreprise Concord y soutient également des sociétés dans l’extraction minière. Prigojine pose régulièrement ses avions sur le tarmac de Khartoum.

Cette fois, il est accompagné par une quinzaine de gardes menés par son bras droit, Dmitri Utkin, chef de Wagner. À leurs côtés, deux spécialistes de la Centrafrique : Dmitri Sytyi, traducteur francophone, et Valery Zakharov.

À la conquête de Bangui

La réunion dure deux heures. Prigojine parle beaucoup. Il évoque, au nom du gouvernement centrafricain, dit-il, un partenariat gagnant-gagnant et un partage des ressources préfecture par préfecture. « Une part pour Bangui, une part pour le groupe armé de la région, une part pour Wagner », explique un participant ayant rompu sa promesse de silence. Les hommes se séparent avec, pour les Centrafricains, des valises de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Six mois plus tard, le gouvernement centrafricain et les rebelles signent les accords dits de Khartoum. Evgueni Prigojine vient de conquérir Bangui.

En 1981, il est condamné à douze ans de prison pour vol en bande organisée et participation à un réseau de prostitution