Guerre Russie-Ukraine : L’Afrique appelée au front économique

Guerre Russie-Ukraine : L’Afrique appelée au front économique

Certes, en Afrique, la guerre Russie-Ukraine est loin, très loin d’ailleurs, mais les effets économiques sont quand-même très proches, voire même déjà présents. En effet, la combinaison de la hausse du prix du pétrole avec la baisse drastique de l’offre mondiale de produits de première nécessité offre un cocktail détonnant à l’Afrique ainsi appelée à faire la guerre à sa manière, notamment au front économique, pour faire face à la menace de l’aggravation de la pauvreté car la plupart de nos Etats ont une économie trop sensible aux variations des cours mondiaux du pétrole, du blé et autres.

Au Mali, les pouvoirs publics confrontés aux rigueurs des sanctions imposées par la Cédéao des chefs d’Etat, étaient déjà en train de déployer un trésor d’ingéniosité pour contenir une éventuelle hausse des prix de denrées de première nécessité, à l’approche du mois de Ramadan. C’est donc malheureux que leurs efforts soient en partie annihilés par les conséquences économiques de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Le Premier ministre mauricien, Pravind Kumar Jugnauth, ne savait donc pas mieux dire, lui qui s’exprimait ainsi lors d’une allocution télévisée : “Il est regrettable qu’au moment où le ciel se dégage après la Covid-19, d’autres nuages soient apparus”. En filigrane, comment des économies africaines déjà fragilisées par la pandémie de Covid-19 pourront-elles faire face à ce nouveau front de lutte contre l’aggravation de la pauvreté ?

La question qui se pose au Mali, c’est comment le gouvernement de Transition va-t-il s’y prendre pour faire face à cette tendance mondiale de renchérissement du coût de la vie afin d’abréger efficacement les souffrances des populations ?

A l’heure actuelle, les pays africains souffrent déjà des retombées économiques de l’invasion russe en Ukraine, notamment avec les hausses des prix des produits de première nécessité et de ceux du pétrole, obligeant les gouvernements à sonner le tocsin de la mobilisation des énergies et des intelligences en vue de faire face à la menace d’aggravation de la pauvreté dans tout le continent. C’est pourquoi, il faut prendre très au sérieux l’avertissement de Mme Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) qui déclarait dimanche dernier, 13 mars 2022 : “La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique”. En effet, les cours mondiaux du pétrole ne cessent de grimper et ont déjà atteint leur plus haut niveau depuis dix ans. Conséquence directe : augmentation significative des prix des hydrocarbures à des degrés divers selon les pays. Au Mali, les professionnels du secteur des hydrocarbures ont dû se départir d’une partie de leur marge bénéficiaire pour permettre à l’Etat, qui a déjà renoncé à certaines charges fiscales, de fixer des prix, certes à la hausse, mais loin en deçà de ce qui est pratiqué dans d’autres pays africains, comme chez le géant économique africain, le Nigéria, où les prix du carburant ont doublé, trois semaines seulement après le début de la guerre en Ukraine.

Rappelons que le Nigéria, premier producteur de pétrole et première économie d’Afrique, doit importer la majorité de son carburant à cause de ses capacités insuffisantes de raffinage, ce qui rend le marché intérieur très vulnérable.

Mais il n’y a pas que la montée des prix du carburant qui inquiète, même si cela devrait entrainer ipso facto un renchérissement du coût de certains produits de première nécessité. Surtout le coût du transport. Il y a aussi les pénuries qui mettront à l’épreuve les dispositifs de sécurité alimentaire déjà trop fragiles dans la plupart des Etats d’Afrique parce que trop dépendants de l’approvisionnement extérieur.

Hausses prévues pour le pain, le transport, les produits manufacturés…

Cette crainte est plus accentuée au niveau du blé et des céréales, si l’on sait que l’Ukraine et la Russie sont d’importants producteurs de blé et de céréales et aussi de grands fournisseurs pour l’Afrique. Une augmentation du cours mondial du blé entraine de facto une augmentation du prix du pain. L’on se demande déjà comment les boulangers maliens vont-ils réagir, eux qui ont du mal à tourner avec la stabilité du prix du pain, telle qu’imposée par l’Etat, malgré de nombreux débrayages pour obtenir une augmentation.

Qu’en sera-t-il aussi du prix des transports avec la hausse effrénée des prix du carburant ? Beaucoup de compagnies aériennes ont le blues actuellement et des plans de restructuration sortent des pipelines, avec notamment la suppression de vols et de dessertes. Evidemment, lorsque la rentabilité est en chute libre, l’un des premiers réflexes est de comprimer les charges et certainement celles du personnel n’y échapperont pas. Des conséquences sociales énormes !

Toujours pour les transports, c’est une lapalissade de dire que les compagnies maritimes charges de transporter du fret vont répercuter les charges supplémentaires de carburant et autres sur les factures de leurs clients et ce sera la raison de la flambée des prix des produits importés.

Quid des campagnes agricoles nationales? Avec les sanctions prises contre Moscou pour restreindre au maximum ses activités de commerce international, le prix des engrais va monter en flèche. Ce qui est source de menace sérieuse pour les récoltes de beaucoup de pays africains et la conséquence directe en sera la spéculation, voire la montée fulgurante du coût des denrées alimentaires.

Même des pays avancés dans le domaine industriel devront se préparer à amortir les effets économiques de cette guerre Russie-Ukraine car même si les produits de base sont produits localement, des ingrédients essentiels sont importés et leurs prix sont dictés par les lois du marché, ce dernier étant régulé par la loi de l’offre et de la demande.

Comme on le voit, l’Afrique ne peut rester inactive concernant cette guerre Russie-Ukraine car même si elle n’y participe pas directement, ce conflit lui ouvre un nouveau front, celui de la guerre contre l’aggravation de la pauvreté. Une guerre déjà déclarée.