Tourmente sécuritaire

Tourmente sécuritaire

Alors que les FAMa faisaient état de la neutralisation d’au moins 155 djihadistes depuis fin décembre 2021 dans le centre du Mali, alimentant les accents de triomphalisme notamment chez le premier ministre Choguel Maïga, la situation a subitement viré à la tourmente, à partir de début mars.

-Relayant de prétendus témoignages d’individus se présentant comme des Peuls, le Haut Commissariat de l’ONU aux Droits de l’Homme, Human Rights Watch et Rfi ont attribué un charnier de 35 corps calcinés, découvert près de Diabaly (cercle de Niono) aux militaires maliens. Le gouvernement y a vu « la synchronisation d’un matraquage médiatique » induisant « une stratégie savamment préméditée » pour » déstabiliser la transition, démoraliser le peuple malien et discréditer les vaillantes FAMa « . La radio française est accusée en particulier de « semer la haine et d’ethniciser l’insécurité au Mali« . Elle et sa consœur France24 font l’objet d’une suspension.

-En réplique à ce « massacre de Peuls » le GSIM affilié à Alqaïda, dont la composante dans le centre du Mali, menée par le prédicateur radical Amadou Koufa, est à dominante peule, a lancé l’attaque du 4 mars contre le camp militaire de Mondoro, faisant 27 tués, 33 blessés dont 21 grièvement, 7 portés disparus ainsi que des pertes matérielles considérables si l’on se fie à deux vidéos diffusées par le mouvement islamo-terroriste en la circonstance.

-A partir du mardi 8 mars, une deuxième attaque d’envergure, venant cette fois-ci de l’EIGS, l’autre grande organisation djihado-terroriste, mais toujours en lien avec la découverte du charnier de Diabaly (il compte lui aussi en son sein de nombreux combattants peuls) a frappé la région de Ménaka, limitrophe du Niger. En trois jours elle a fait entre une quarantaine et une centaine de victimes mortelles civiles selon les sources, plusieurs dizaines de combattants tués au sein du Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA) et du GATIA, tous deux signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation du 20 juin 2015 et se dédiant à la sécurisation de cette partie du territoire national en l’absence de l’armée.

-Dans la foulée de l’offensive des FAMa visant à libérer le centre du pays de l’emprise terroriste, qui a conduit au charnier de Diabaly, plusieurs dizaines de Mauritaniens auraient été tués ou seraient portés disparus. Une situation assurément mal venue en ce qu’elle a généré une tension diplomatique entre le Mali et la Mauritanie dans un contexte où le port de Nouakchott est l’unique débouché fiable pour les marchandises maliennes à l’importation et à l’exportation.

-Sur un autre registre la rencontre qui se tient, depuis mardi dernier à Gao, pour tenter de sauver le processus de paix et épargner au pays la résurgence d’une rébellion sécessionniste, a peu de chance d’aboutir au regard de deux facteurs. Le premier est l’incapacité de la partie gouvernementale à traduire en actes concrets ses engagements, notamment la création des unités de l’armée reconstituée ou l’implantation de polices territoriales. Le second est l’option prise par elle de relire l’accord « de façon intelligente « . Une dérobade qui ne plaît ni à la CMA (l’ex-rébellion kidaloise qui a boycotté les Assises nationales de la refondation ayant validé cette option) ni à la communauté internationale qui a accompagné et parrainé l’accord.

L’on observe donc une détérioration de la situation sécuritaire à la fois en matière de lutte contre le terrorisme et pour la préservation du processus de paix dans un contexte marqué par le retrait des forces françaises et européennes et leur remplacement par un dispositif russe. Les sanglants épisodes de Mondoro et Ménaka amènent à s’interroger sur l’efficacité de ce dispositif à ce stade. Le rôle qui lui est prêté dans la double tragédie du charnier de Diabaly et de la tuerie-disparition de Mauritaniens sur le sol malien renvoie à des griefs d’exactions entendus ou documentés sous d’autres cieux. Ce n’est pas rassurant.