L’emprise des mercenaires russes Wagner en Centrafrique

L’emprise des mercenaires russes Wagner en Centrafrique

Alors que le Président Faustin Archange Touadéra tente de donner des gages à la communauté internationale, la Russie, au travers notamment de la société de mercenaires Wagner, intensifie les pressions sur l’appareil d’État et mène une intense campagne de désinformation contre la France, la Minusca et l’opposition politique centrafricaine. Depuis le début de l’année en RCA, la société Wagner, c’est une hydre à deux têtes avec d’un côté Dimitri Sytyi, chargé des affaires politiques, et de l’autre, Vitali Perfilev, coordinateur des activités militaires.

Perfilev, ancien légionnaire, s’entretient régulièrement avec Claude Rameaux Bireau, le ministre de la Défense, il rencontre aussi le général Sakama en charge des opérations. Vitali Perfilev veille en particulier à ce que les notes blanches des services de renseignement destinées au président Touadéra ne ternissent pas l’image du groupe russe.

Si jamais certains rapports font état de tensions entre les combattants de Wagner et les forces armées centrafricaines, Perfilev n’hésite pas à les censurer.

Car sur le terrain tout ne se déroule pas sans accroc. Les rebelles privilégient une stratégie d’évitement et Wagner n’est pas en mesure de contrôler de vastes zones. Les mercenaires russes se contentent de tenir les principaux axes et les sites miniers les plus rémunérateurs.

Leurs méthodes génèrent également de vifs ressentiments, comme lors de l’opération menée la nuit du 13 novembre dernier dans la ville de Bria où de nombreux civils ont été maltraités et des magasins pillés. Si la société Wagner, pour s’imposer, fait flèche de tout bois, elle n’est, semble-t-il, pas si sereine : par crainte d’une offensive rebelle, des ponts ont été dynamités au nord de Paoua à proximité de la frontière avec le Tchad.

Par ailleurs, des mouvements seraient en cours sur le terrain. Alexandre Ivanov « chef » de la communauté des officiers pour la sécurité internationale (COSI) qui se dit représentant des officiers russes présents en Centrafrique, explique publiquement qu’il s’agit de « rotation ». Il assure que ces hommes sont « remplacés » et que leur présence – 1 135 personnels – ne sera pas modifiée.

Guerre de l’information

L’action de terrain s’accompagne d’une véritable guerre de l’information débutée il y a déjà plusieurs mois. Alors que les publications de médias occidentaux tentant d’éclairer sur les actions de l’organisation paramilitaire privée ainsi que sur sa structure se multiplient, l’appareil de communication de Wagner est lui aussi en action.

Il y a quelques jours, le coordonnateur du groupe UPC est arrêté à Bangui alors qu’il rencontre des militaires français. Très vite, une vidéo est diffusée sur une chaine télévisée favorable aux intérêts russes et largement diffusée sur les réseaux sociaux. Mahamat Abdoulaye Garba, y est interrogé par une personne hors champ, sur ses rencontres avec les officiels français et sur les relations supposément entretenues avec le groupe armé. Certains observateurs de la politique centrafricaines y voient une simple diversion ainsi qu’une volonté de décrédibiliser l’action française.

Parallèlement, depuis fin décembre, Alexandre Ivanov multiplie les publications et communiqués publiques. « La machine de propagande occidentale est allumée au maximum et prête à inventer les mensonges les plus terribles contre la Russie », s’insurge-t-il. Des prises de paroles à la gloire de l’action des dits « instructeurs » : « Aujourd’hui, la Centrafrique est un état véritablement libre, dont les habitants ont la foi en un avenir durable. La paix et la sécurité, établies notamment grâce au soutien de la Russie et des instructeurs de la COSI. »

Des propos particulièrement optimistes malgré les différents rapports officiels sur la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays. Il y a quelques jours, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires alertait sur « les violences armées cycliques affectent sévèrement la protection et la survie de milliers de personnes à Ippy. » À la fin de l’année, l’organisation onusienne recensait près de 700 000 déplacés internes, un chiffre record depuis 2017.