Soudan: une nouvelle mobilisation anti-putsch sous forte tension

Soudan: une nouvelle mobilisation anti-putsch sous forte tension

Des médecins confirment au moins un mort dans les manifestations, ce dimanche 30 janvier, contre le coup d’État au Soudan. Un homme de 27 ans touché à la poitrine. Le bilan de la répression s’élève désormais à 79 manifestants tués en trois mois, alors que ce dimanche après-midi s’élançaient dans tout le pays des cortèges pour la 16ᵉ « marche du million » organisée depuis le 25 octobre à l’appel des comités de résistance et de nombreuses organisations de la société civile.

À Khartoum, les révolutionnaires ont tenté de se diriger vers le palais présidentiel malgré l’interdiction de manifester dans le centre de la capitale. Ils ont été accueillis par d’intenses tirs de gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles. La mission intégrée de l’ONU pour la transition au Soudan (Unitams) ainsi que de nombreuses chancelleries étrangères avaient pourtant appelé les autorités à la retenue, indiquant que les violences contre les manifestants pacifiques doivent cesser.

Ils sont toujours des dizaines de milliers à défiler à travers le pays contre la junte militaire.

Houda al-Tayyib, masque sur le visage, s’éloigne d’un nuage de gaz lacrymogène. Cette professeure de 50 ans brandit un drapeau à l’effigie d’un martyr de la révolution : « La situation empire de jour en jour. Nous vivons un effondrement de l’économie du pays. C’est déprimant. Le peuple soudanais est effondré. C’est pour ça que je descends dans la rue avec ma mère et ma fille pour demander un gouvernement 100 % civil et pour que les putschistes arrêtent de tuer nos enfants. »

«Notre mouvement est arrivé à un point de non-retour»

Un balai de motos chargées de blessés traverse la foule à toute vitesse. La police, les milices et l’armée ont ouvert le feu sur les manifestants. Un membre d’un comité de résistance organise la levée des barricades. Il a le bras en écharpe après avoir été touché par plusieurs balles, il y a quelques semaines : « Les putschistes sont dans une impasse. Ils n’ont pas de soutien à l’étranger. Ils n’ont pas de légitimité, ici. Alors ils tirent à balles réelles pour essayer de faire peur aux gens. Ils visent particulièrement les leaders des comités de résistance, ceux qui sont en première ligne. Mais plus ils tuent, plus les gens descendent dans la rue. Je connais des centaines de gens blessés. Moi-même, mon bras ne répond plus. Notre mouvement est arrivé à un point de non-retour. Si on recule, on mourra en prison. Ils nous arrêteront tous. Alors mieux vaut mourir en héros au milieu de la rue. »

À la nuit tombée, les cortèges se dispersent dans la panique. À leurs trousses, les véhicules des forces armées qui chargent la foule. Certains hommes en uniforme tabassent les quelques irréductibles encore dans les rues.

Les manifestants demandent également la libération des dizaines de militants toujours sous les verrous. Le général al-Burhan a récemment donné des pouvoirs élargis au Service de renseignement intérieur qui bénéficie d’une totale immunité, alors que l’état d’urgence est toujours en vigueur.

J’étais dans le cortège et j’ai reçu un tir de grenade lacrymogène directement dans la jambe. La police ne tire pas en cloche, elle vise et tire sur les manifestants directement.