Burkina Faso : Nadiagou se vide de ses populations

Burkina Faso : Nadiagou se vide de ses populations

C’est un silence bruyant autour de Nadiagou, village situé dans l’est, à la frontière du Togo et du Benin, et sous le contrôle de groupes armés. Témoignage.

Richard Tiéné, notre correspondant, a rencontré à Ouagadougou deux ressortissants de Nadiagou qu’il a délibérément appelé Ali Bernard et Moussa Michel pour préserver leur identité.

A Nadiagou les agents des forces de sécurité et de défense, sous la menace de plus en plus forte de groupes armés non identifiés, ont dû quitter le village.

“Quand ils sont venus, il y avait juste deux gendarmes qui étaient en poste. Ils ont fui. Ils étaient deux contre plusieurs. Même s’ils avaient des chars, ils ne pouvaient rien.”, raconte Ali Bernard.

Nadiagou est sans gendarmerie, sans commissariat, sans poste de douane. Le récit de Moussa Michel au sujet de l’assassinat d’un policier, atteste que les forces de défense et de sécurité sont la cible des terroristes :

“Un jeune policier résident à Pama et qui se rendait à Fada a été égorgé. Ils lui ont coupé la tête. Il venait de temps en temps à Nadiagou. J’étais de passage. J’allais à Fada. Je l’ai vu. Il venait d’être tué. C’est la seule fois où nous avons vu les autorités qui sont venues prendre le corps. Après rien… “

Populations résignées

Face à ces atrocités, les populations resignées de Nadiagou se soumettent aux injonctions de ces hommes armés. Ceux-ci paradent dans leur village en tirant en l’air ou en brûlant des motos et des voitures en stationnement au poste de douane.

Selon Moussa Michel, “On voit des jeunes qui laissent pousser leur barbe ; même les agents de sécurité. De nombreux musulmans ont coupé leurs pantalons. Tu représentes un danger pour les terroristes quand tu sais lire et écrire. On te prend pour un informateur.”

Ce dimanche sur le plateau de la télévision BF1, le ministre de l’enseignement supérieur, Alkassoum Maïga, évoquant la communication du gouvernement en cette période de crise, était plutôt remonté contre ceux qui relatent pourtant les faits dans leur localité :

“Au jour d’aujourd’hui chacun pense que s’il ne parle pas aux journalistes, aux communicateurs ; s’il ne fait pas de bruit par rapport à sa situation, rien ne changera. Le plus urgent c’est de saisir la porte qui est la meilleure par laquelle les leviers peuvent être activés.”

Un avis qui tranche avec les multiples démarches de la DW auprès de deux ministres contactés récemment et qui à ce jour sont restés bien silencieux.