Nouvelle offensive de l’armée fédérale dans le nord de l’Ethiopie

Nouvelle offensive de l’armée fédérale dans le nord de l’Ethiopie

Les nouveaux combats surviennent alors que la situation humanitaire au Tigré s’est considérablement aggravée.

Mouvements de troupes, tirs d’artillerie, frappes aériennes… Les grandes manœuvres militaires ont repris dans le nord de l’Ethiopie, alors que la saison des pluies s’achève à peine. Depuis le samedi 9 octobre, un regain d’activité a été constaté dans les régions Afar, Amhara et du Tigré, trois provinces au centre de la guerre que se livrent le gouvernement fédéral et les rebelles des Forces de défense tigréennes (TDF), structurées autour de l’ancien parti du Front populaire de libération du Tigré (FPLT), depuis un an. Si les autorités, à Addis-Abeba, n’ont pas confirmé de nouvelle offensive d’ampleur, celle-ci semble bien à l’œuvre avec un important déploiement de soldats de l’armée et de miliciens amhara alliés.

En novembre 2020, le premier ministre, Abiy Ahmed, avait envoyé l’armée pour renverser les autorités régionales issues du FPLT. Après plusieurs mois d’enlisement, le conflit avait connu un nouveau tournant, fin juin, lorsque les rebelles ont repris la quasi-totalité du Tigré. Les combats ont ensuite gagné les régions voisines Afar et Amhara. Les rebelles se sont notamment emparés de plusieurs parcelles de territoire et d’une poignée de villes stratégiques dans le nord de la région Amhara.

L’actuelle offensive gouvernementale contre les positions des rebelles tigréens a d’abord commencé dans les airs en région Amhara. Un porte-parole des TDF assure que leurs positions ont été pilonnées par des barrages d’artillerie, des frappes aériennes, ainsi que par des tirs de drone les 8 et 9 octobre. Puis, lundi, d’importants mouvements de troupes ont été rapportés au sein des régions Amhara et Afar, faisant penser à une opération coordonnée sur plusieurs fronts, avec des combats, notamment près des villes de Weldiya, Chifra, Abala et Gashena. « L’offensive d’Abiy Ahmed pour envahir de nouveau le Tigré a officiellement commencé », affirme un communiqué du FPLT.
Demande de cessez-le-feu

Le silence du gouvernement fédéral ne permet pas d’avoir une idée précise de la progression des combats. Certains leaders du FPLT parlent d’une contre-attaque immédiate de leurs forces. Dans cette guerre qui s’éternise et a déjà fait des milliers de morts, la reprise des hostilités fait craindre le pire, notamment en raison du recours intensif à des miliciens par chaque partie et de la généralisation des discours de haine. « Dans la mesure où les combats actuels sont surtout des confrontations entre infanteries, on peut s’attendre à un nouveau bilan très lourd », commente William Davison, analyste au sein de l’International Crisis Group (ICG).

Au cours des trois derniers mois, les deux camps se sont consacrés à regrouper leurs forces et à recruter de nouveaux combattants. Un diplomate occidental évalue ainsi à 50 000 le nombre de jeunes ayant rejoint l’armée fédérale éthiopienne, à la suite de l’appel à la mobilisation générale lancé par l eprmeier ministre au mois d’août. « Les recrutements conjoints aux niveaux fédéral, régional et local en font un chiffre crédible, estime M. Davison. Certaines sources avancent des chiffres allant au-delà des 100 000. Mais la vraie question est celle de l’efficacité militaire de ces nouvelles recrues. »

L’autre sujet de préoccupation concerne la situation humanitaire qui s’est largement aggravée dans le nord de l’Ethiopie. Le Tigré est pratiquement coupé du monde et privé d’essence, d’argent liquide et d’électricité depuis trois mois. Au moins 400 000 personnes y ont « franchi le seuil de la famine », selon les dernières estimations des Nations unies. « Avec la reprise des combats, il paraît peu probable que le gouvernement fédéral restaure les services de première nécessité au Tigré et autorise un accès humanitaire sans entraves, ce qui va aggraver les conditions extrêmes que connaît la province », prévient l’analyste de l’ICG.

Observant la reprise des hostilités, la France, les Etats-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont, une nouvelle fois, réclamé des négociations et un cessez-le-feu. Des demandes que continuent d’ignorer les deux parties. Dans une énième tentative de hausser le ton, Washington brandit la menace de sanctions. Un porte-parole du département d’Etat américain assure que l’administration Biden « considère toute la palette d’outils à sa disposition ». Parmi ceux-ci figurent « les sanctions économiques ciblées pour tenir responsables ceux qui sont coupables, ou complices, de prolonger le conflit, d’entraver l’accès humanitaire, d’empêcher un cessez-le-feu ». Une menace qui n’a jamais été mise à exécution jusque-là.