La justice internationale accorde à la Somalie une zone maritime revendiquée par le Kenya

Nairobi et Mogadiscio se disputent depuis des années une zone maritime de l’océan Indien de 100 000 km2, riche en poissons et en hydrocarbures. La Cour internationale de justice a tracé, mardi, une nouvelle frontière proche de celle revendiquée par la Somalie. Le Kenya a rejeté cette décision.

La Cour internationale de justice (CIJ) a mis un terme à une procédure qui dure depuis sept ans en accordant, mardi 12 octobre, à la Somalie la majeure partie d’une zone maritime de 100 000 km2 de l’océan Indien, riche en poissons et en potentiels hydrocarbures, également revendiquée par le Kenya.

La plus haute juridiction de l’ONU, qui siège à La Haye, a statué qu’il n’y avait “pas de frontière maritime convenue” et a tracé une nouvelle frontière proche de celle revendiquée par la Somalie.

La CIJ a rejeté le tracé de la frontière réclamée par le Kenya à partir de la côte, affirmant que celle-ci aurait eu “un grave effet de coupure” pour la Somalie. Le Kenya conserve toutefois une partie du triangle d’eau contesté entre les deux pays.

“La Cour considère donc que la ligne ajustée qu’elle a établie en tant que frontière maritime (…) aboutit à une solution équitable”, a déclaré la juge-présidente Joan Donoghue.

Enfin, la CIJ a rejeté toutes les demandes de dommages et intérêts de la Somalie en réparation des travaux d’arpentage et de forage des sociétés pétrolières et gazières que le Kenya avait autorisés.

Le Kenya ne reconnaît pas la juridiction

Une fois le jugement rendu, le président de la Somalie a aussitôt demandé au Kenya de “respecter le droit international” et d’abandonner “son ambition”. Qualifiant cette dispute maritime d’”épicentre” des tensions, Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, a appelé dans un discours télévisé à ce que la décision de la CIJ soit “une opportunité pour renforcer la relation des deux pays et la collaboration entre leurs peuples voisins”.

Mais, sans surprise, le président du Kenya, Uhuru Kenyatta, a directement rejeté cette décision, estimant qu’il “ne reconnaît pas les conclusions” de la CIJ. Dans un communiqué, il a qualifié la décision de la CIJ de “jeu à somme nulle, qui mettra à mal les relations entre les deux pays” et “aggravera potentiellement la situation de paix et de sécurité dans la fragile région de la Corne de l’Afrique”, réitérant l’appel de Nairobi à œuvrer à la place à un règlement négocié.

En amont de la décision, le Kenya avait accusé la juridiction de partialité et a d’ores et déjà fait savoir qu’il ne reconnaissait plus la compétence de la Cour, créée en 1946 pour régler les différends entre États membres.

Les décisions de la CIJ s’imposent aux parties et sont sans appel, mais la Cour ne dispose pas de moyens contraignants pour les faire appliquer. Un État membre jugeant que l’autre partie ne se conforme pas à un arrêt de la Cour peut toutefois réclamer des sanctions au Conseil de sécurité de l’ONU.

Un différent qui s’éternise

Nairobi et Mogadiscio s’opposent depuis des années sur le tracé de leur frontière maritime, revendiquant tous deux la souveraineté sur une vaste zone maritime susceptible d’abriter des gisements de pétrole et de gaz.

La Somalie, située à l’est du Kenya, affirmait que sa frontière maritime avec ce pays devait être délimitée dans le prolongement de sa frontière terrestre, en direction du sud-est. De son côté, le Kenya voulait que la frontière en mer soit tracée en ligne droite vers l’est, lui donnant ainsi plus de territoires maritimes.

Il maintient avoir la souveraineté sur la zone disputée depuis 1979, quand il a fixé les limites de sa zone économique exclusive (ZEE). Le Kenya a notamment accordé trois permis d’exploration pétrolière dans la zone concernée à la compagnie italienne ENI, contestés par la Somalie.

En 2009, les deux pays avaient convenu de régler leur différend par des négociations bilatérales. Mais ces dernières n’ont pas abouti. La Somalie avait donc saisi en 2014 la CIJ qui, malgré les contestations du Kenya, s’est déclarée compétente en février 2017. Les tensions entre les deux voisins ont atteint un pic en février 2019 lorsque Nairobi a rappelé son ambassadeur à Mogadiscio, accusant la Somalie d’avoir mis aux enchères des gisements pétroliers et gaziers dans la zone contestée.