Libye: profondes divergences après l’adoption des lois pour les élections

Libye: profondes divergences après l’adoption des lois pour les élections

Le Parlement libyen a annoncé ce mardi 5 octobre qu’il souhaitait maintenir l’élection présidentielle à la date prévue du 24 décembre prochain, mais qu’en revanche, les législatives seraient reportées à la fin janvier 2022. Cette décision rebat de nouveau les cartes des élections, qui semblent de plus en plus hypothétiques. Des tensions ont surgi récemment entre les institutions dirigeantes, en raison de divergences survenues après l’adoption des lois électorales.

Conformément à la feuille de route établie sous l’égide de l’ONU, pour aider la Libye à sortir de la crise politique, le double scrutin, présidentiel et législatif devait avoir lieu le 24 décembre. Le Parlement libyen a donc créé la surprise en annonçant unilatéralement le report de la date des législatives.

La pression de la communauté internationale sur les dirigeants libyens en vue de l’organisation de ces élections est énorme. Mais cette volonté se heurte, selon le chercheur Jalel Harchaoui à une forte résistance de la classe politique libyenne : « Ce qui est intéressant, c’est ce qui est en train de se passer entre l’Est et l’Ouest. D’un côté le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah avait expliqué d’une manière claire qu’il allait quitter le pouvoir en décembre, mais évidemment dès qu’il a pris le pouvoir, il a été presque franc dans sa volonté d’y rester. Il a envoyé des signaux selon lesquels, il aimerait rester plus longtemps. Il a multiplié les accords économiques et les visites à l’étranger. La situation à l’Est est intéressante aussi. D’abord, il ne faut pas présumer que le maréchal Khalifa Haftar et le chef du Parlement Aguila Saleh soient alignés, ils ne le sont pas. Mais disons qu’ils ont remarqué tous les deux que Dbeibah voulait rester. Donc leur rhétorique consiste à dire que les gens de l’est, souhaitent de manière authentique des élections le plus vite possible selon le désir des internationaux. Mais ce n’est pas tout à fait sincère ».

La communauté internationale en attente

Depuis l’annonce du report des législatives, aucune réaction ne s’est fait entendre de la part de la communauté internationale. Jalel Harchaoui analyse les raisons de ce silence : « Si jamais les internationaux commencent à critiquer ce qu’Aguila Saleh est en train de présenter ils se retrouvent beaucoup plus tributaire du Premier ministre Dbeibah, qui lui, ne veut pas du tout d’élections. Donc ils sont dans une situation où ils n’ont pas vraiment le choix. Ça explique en partie la timidité des Nations unies et des États-Unis d’Amérique. Ce qui est intéressant, c’est que la France est très en faveur de ce que fait le Parlement par rapport à la loi électorale portant sur l’élection présidentielle et aussi probablement sur les législatives. Si jamais des élections il y a, elles seraient encore plus confuses qu’en 2014. Il peut y avoir beaucoup de risques dans tout ça, Et il y a évidemment la possibilité qu’il n’y ait pas d’élections du tout. »

La Libye a connu en 2014 des élections législatives qui ont conduit à l’actuel Parlement, mais cela n’a pas empêché la division et une nouvelle guerre d’éclater cette même année. Les élections espérées sont-elles capables de stabiliser le pays ? Éléments de réponse avec le politologue Hasni Abidi : « La conjoncture régionale et internationale a changé. D’abord, nous avons une demande, une exigence de la part des Libyens de tourner la page de ces instances provisoires et de doter le pays d’un président élu d’une manière démocratique. Mais aussi d’une chambre de représentants qui mette fin à la chambre contestée. On s’aperçoit que malgré l’insistance de la communauté internationale, malgré des conditions favorables, contrairement à 2014, il y a une autonomie des acteurs internes libyens. Et l’on sait très bien que si à l’Ouest, on rejette la loi électorale et on rejette ce qui a été produit à Tobrouk, puisque évidemment, c’est la porte ouverte à une candidature sans fanfare du maréchal Haftar. Ça veut dire que même pour la communauté internationale, il est très difficile de maintenir les élections et de demander aux Libyens de l’ouest d’y participer ».

Mettre fin au chaos

À moins de trois mois de l’échéance du 24 décembre, des doutes subsistent sur la date, la tenue, mais aussi sur l’accord entre les deux plus importantes entités politiques libyennes qui s’opposent sur le texte de lois régissant les élections.

L’initiative de Paris qui organise en novembre, avec l’aide de Rome et de Berlin, une conférence internationale sur la Libye pourrait peut-être amener les acteurs libyens à trouver un terrain d’entente. Mais selon plusieurs observateurs, les chances de maintenir les élections à la date du 24 décembre semblent minimes.