Au Nigeria, des combats meurtriers entre Boko Haram et l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest

Au Nigeria, des combats meurtriers entre Boko Haram et l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest

Les deux groupes djihadistes se disputent le contrôle du lac Tchad, sur les îles duquel ils importent armes et vivres et prélèvent les revenus des pêcheurs locaux.

Des combats meurtriers ont opposé des djihadistes de Boko Haram et de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap) sur une île stratégique du nord-est du Nigeria, prémices d’une « bataille intestine » entre ces groupes rivaux pour le contrôle du lac Tchad.

Lundi 27 septembre, de nombreux combattants de Boko Haram lourdement armés ont attaqué l’île de Kirta Wulgo, située sur les pourtours nigérians du lac et tenue par les djihadistes de l’Iswap. Après des heures de combats, ils ont réussi à prendre le contrôle de cette île, qui servait de port à l’Iswap pour importer des armes et des vivres dans les territoires sous son contrôle, selon des sources sécuritaires et des pêcheurs locaux.

« C’était un combat mutuellement destructeur qui a duré plus de neuf heures, de 16 heures hier aux premières heures de ce matin », a déclaré, mardi, un pêcheur de la région. Une source sécuritaire locale et deux autres pêcheurs ont confirmé les affrontements à l’AFP.

Selon la source sécuritaire, Boko Haram a mobilisé ses combattants des camps de Gegime et Kwatar Mota, du côté nigérien du lac, et de Kaiga-Kindjiria, côté tchadien. « Ils se sont rassemblés sur l’île de Tumbun Ali, du côté nigérian du lac, et ont délogé six postes de contrôle de l’Iswap avant de s’emparer de Kirta Wulgo, affirme cette source. C’était un combat mortel. On parle de plus de 100 morts. » Ces sources ne sont pas en mesure de donner un nombre précis de djihadistes tués ou blessés lors de ces combats, même si elles font état d’un lourd bilan.
« Ce sera une bataille jusqu’au bout »

Depuis le début de la rébellion du groupe islamiste radical Boko Haram en 2009 dans le nord-est du Nigeria, le conflit a fait près de 36 000 morts et 2 millions de déplacés. En 2016, le groupe s’est scindé, avec d’un côté la faction historique et de l’autre Iswap, reconnu par l’organisation Etat islamique (EI). L’Iswap a consolidé son contrôle dans cette région depuis la mort, en mai, du chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, lors d’affrontements entre les deux groupes rivaux.

Après la mort de Shekau, les insurgés de Boko Haram dirigés par Bakoura Buduma, un de ses anciens lieutenants, ont fui leur ancien bastion enclavé de Sambisa pour rejoindre les territoires sous son contrôle sur les rives nigériennes du lac Tchad, selon des sources de sécurité. Le mois dernier, Boko Haram a subi de lourdes pertes lors d’une tentative ratée d’invasion de Kirta Wulgo, où ses combattants ont été repoussés par l’Iswap.

« Ce n’est que le début d’une bataille intestine entre les deux factions. Ce sera une bataille jusqu’au bout », estime une source sécuritaire locale. Renforcer sa présence sur la rive nigériane du lac permettrait notamment à Boko Haram de prélever sa part des revenus de la pêche, jusque-là perçus par l’Iswap auprès des pêcheurs nigérians.

Avec ce revers, l’Iswap pourrait chercher à se venger de Boko Haram, qui représente une menace sérieuse. Boko Haram est désormais à portée de main des principaux fiefs de l’Iswap, Sabon Tumbu, Jibillaram et Kwalleram, selon une source bien renseignée de la région. « On sait que le chef de l’Iswap, Abou Musab Al Barnaoui, réside à Sabon Tumbu, où sont détenus d’importants commandants de Boko Haram qui ont été capturés », a précisé cette source.

L’adjoint d’Al Barnaoui vit à Jibillaram avec certains de ses lieutenants. Et les îles Sigir et Kusuma, proches de Kirta Wulgo, abritent de nombreux autres responsables du groupe. « Toutes ces îles sont désormais sous la menace de Boko Haram, observe la même source. L’Iswap va tout faire pour assurer la sécurité [de ses hommes] contre les combattants de Boko Haram, qui veulent à tout prix en prendre le contrôle. »