Ethiopie : après les meurtres de trois de ses employés, MSF suspend ses activités dans une partie du Tigré

Ethiopie : après les meurtres de trois de ses employés, MSF suspend ses activités dans une partie du Tigré

L’ONG réclame l’ouverture d’une enquête sur le « meurtre brutal » de ses trois employés dans cette région en guerre et appelle à ce que les « travailleurs humanitaires puissent intervenir en toute sécurité ».

Médecins sans frontières (MSF) a annoncé mercredi 7 juillet la suspension de ses activités dans certaines parties du Tigré, une région éthiopienne en guerre. L’ONG a demandé une enquête après le « meurtre brutal » de trois de ses employés le 24 juin. « MSF annonce la suspension de ses activités à Abi Adi, Adigrat et Aksoum, dans le Tigré central et oriental. Les équipes de MSF dans d’autres régions du Tigré continueront avec prudence à porter assistance aux personnes qui en ont un besoin urgent », a déclaré l’ONG dans un communiqué.

Au moins douze travailleurs humanitaires ont été tués au Tigré depuis le début des combats en novembre. L’armée éthiopienne y affronte les forces soutenant les autorités régionales dissidentes, issues du Front populaire de libération du peuple du Tigré (FPLT).

MSF avait annoncé le 25 juin la mort de trois de ses employés, une Espagnole et deux Ethiopiens. « Près de deux semaines après le meurtre de nos collègues, personne n’en a revendiqué la responsabilité et les circonstances de leur décès restent floues », déclare Teresa Sancristoval, directrice des opérations de MSF, dans ce communiqué. « C’est pourquoi nous demandons une enquête immédiate des parties concernées pour établir les faits (…) et nous fournir un compte rendu détaillé de ce qu’il s’est passé et qui en est responsable », a-t-elle ajouté, qualifiant d’« extrêmement douloureuse » la décision de suspendre les activités.
Urgence humanitaire

Selon l’ONU, plus de 400 000 personnes ont « franchi le seuil de la famine » dans cette région du nord de l’Ethiopie. 1,8 million d’habitants supplémentaires « sont au bord de la famine ». Le Tigré est le théâtre de combats depuis que le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, y a envoyé, début novembre, après des mois de tensions, l’armée pour renverser le gouvernement local. Le prix Nobel de la paix 2019 accusait ces dirigeants d’avoir orchestré des attaques sur des bases militaires, ce que ces derniers avaient démenti.

Après une contre-offensive lancée le 18 juin, les forces pro-FPLT (Forces de défense du Tigré, FDT) ont repris le contrôle de la capitale régionale, Mekele. Le gouvernement fédéral éthiopien a alors proclamé un cessez-le-feu unilatéral. Les FDT ont depuis repris le contrôle d’une grande partie de la région.

La communauté internationale s’est indignée de la destruction la semaine dernière de deux ponts menant au Tigré, réduisant l’acheminement de l’aide humanitaire dans la région. Les autorités éthiopiennes ont nié toute responsabilité et réfuté les accusations selon lesquelles elles voulaient affamer la population tigréenne.
« Un siège » du gouvernement éthiopien

Le commissaire européen chargé de la gestion des crises, Janez Lenarcic, a encore dénoncé mardi « un siège » mené par le gouvernement éthiopien. « Il y a un embargo sur les vols vers le Tigré. Internet et les télécommunications ont été coupés. Les équipements de télécommunication indispensables aux opérateurs humanitaires ont été confisqués », a-t-il déclaré devant le Parlement européen, à Strasbourg.

« Ce n’est pas un cessez-le-feu, c’est un siège, et la famine est utilisée comme une arme de guerre », a accusé le responsable slovène. Le gouvernement éthiopien a déclaré mercredi qu’il avait autorisé les vols humanitaires dans la région, mais un responsable de l’ONU sur place a déclaré qu’aucun n’avait décollé.