Les Forces de défense du Tigré prennent Makalé, l’Ethiopie décrète un cessez-le-feu

Malgré la victoire proclamée après la chute de la capitale de cette région du nord de l’Ethiopie, les combats n’ont jamais cessé entre les Forces de défense du Tigré et l’armée fédérale éthiopienne.

C’est un tournant. Après près de huit mois de combat, les forces loyales aux anciennes autorités dissidentes du Tigré sont entrées, lundi 28 juin, dans Makalé, la capitale de cette région du nord de l’Ethiopie.

Le gouvernement fédéral n’a fait aucun commentaire, se contentant de décréter en début de soirée un « cessez-le-feu unilatéral », selon plusieurs médias d’Etat. « Afin que les agriculteurs puissent cultiver paisiblement, que l’aide humanitaire puisse être distribuée en dehors de toute activité militaire, que les forces résiduelles du [Front populaire de libération du Tigré, TPLF] puissent reprendre le chemin de la paix (…), un cessez-le-feu unilatéral et inconditionnel a été décrété à compter d’aujourd’hui, 28 juin, jusqu’à la fin de la saison des cultures », a annoncé le gouvernement dans son communiqué.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a jugé ces événements « extrêmement préoccupants ». « Ils démontrent, une fois de plus, qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise », a-t-il déclaré, disant avoir « bon espoir qu’une cessation effective des hostilités aura lieu ».

Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) a aussi condamné cette attaque, accusant l’armée éthiopienne d’avoir « démantelé son équipement satellitaire VSAT » dans son bureau à Makalé. « Nous ne sommes pas et ne devrions jamais être une cible », a souligné l’agence onusienne dans son communiqué.

Les Etats-Unis, l’Irlande et le Royaume-Uni ont demandé une réunion d’urgence publique du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Tigré, ont rapporté des sources diplomatiques. Cette réunion pourrait se tenir vendredi. Depuis le déclenchement du conflit en novembre, les Occidentaux n’ont jamais réussi à tenir une session publique sur le Tigré, les Africains, la Chine, la Russie ainsi que d’autres membres du Conseil jugeant que la crise est une affaire interne à l’Ethiopie.
Exactions des forces éthiopiennes

Makalé avait été prise par l’armée fédérale le 28 novembre 2020, trois semaines après le lancement par le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, d’une offensive pour renverser les autorités locales dissidentes, issues du TPLF. Cette opération de « maintien de l’ordre » avait été décidée après que les forces pro-TPLF eurent attaqué des bases militaires, avait justifié le prix Nobel de la paix 2019.

Annoncée comme brève, l’opération militaire lancée par M. Abiy s’est transformée en conflit de longue durée, marqué par de nombreux récits d’exactions sur les civils (massacres, viols, déplacements de population…) qui ont suscité l’indignation de la communauté internationale.

Mardi, une frappe aérienne de l’armée éthiopienne qui a touché un marché fréquenté dans la localité de Togoga, à une trentaine de kilomètres de Makalé, a fait au moins 64 morts et 180 blessés. L’armée éthiopienne a affirmé avoir visé dans cette opération des forces pro-TPLF habillés en civil, jugeant « inacceptable » d’affirmer que des civils étaient ciblés.

Offensive des Forces de défense du Tigré

Malgré la victoire proclamée après la chute de Makalé, les combats n’ont jamais cessé entre les forces pro-TPLF, qui se font appeler Forces de défense du Tigré (TDF), et l’armée fédérale éthiopienne, épaulée par des troupes des autorités régionales voisines de l’Amhara et l’armée de l’Erythrée, pays frontalier du Tigré. Les TDF ont lancé une offensive la semaine dernière, au moment où se tenait dans une grande partie du reste du pays des élections nationales très attendues dont les résultats n’ont pas encore été annoncés.

L’entrée des TDF à Makalé a déclenché des scènes de liesse, des soldats tirant en l’air en signe de célébration, des habitants sortant dans la rue en brandissant le drapeau tigréen, de couleur rouge frappé d’une étoile. Face à l’avancée rebelle, les fonctionnaires de l’administration intérimaire régionale avaient quitté la ville durant la journée de lundi. Des témoins ont rapporté que des soldats et des policiers fédéraux fuyaient également Makalé, certains pillant des banques et réquisitionnant des véhicules appartenant à des particuliers.

Un responsable de l’ONU a déclaré à l’AFP que les soldats avaient démantelé les équipements satellites de plusieurs agences de l’ONU à Makalé, tentant visiblement de réduire au maximum les communications. « Cet acte viole les privilèges et l’immunité de l’ONU ainsi que les règles du droit international humanitaire sur le respect des biens de l’aide humanitaire. Je condamne cette action dans les termes les plus forts », a déclaré la directrice exécutive de l’Unicef, Henrietta F. Fore, sur Twitter.

Depuis le début des combats, au moins 350 000 personnes sont en situation de famine dans la région, selon l’ONU, ce que conteste le gouvernement éthiopien.