Au Mali, le colonel Assimi Goïta enfile le costume de président dans un Sahel meurtri

Au Mali, le colonel Assimi Goïta enfile le costume de président dans un Sahel meurtri

Le leader de la junte a quitté, lundi, son treillis des forces spéciales pour revêtir les habits de chef de la transition. Il a affirmé sa volonté d’organiser « des élections crédibles, justes, transparentes, aux échéances prévues ».

Le colonel Assimi Goïta a troqué, lundi 7 juin, son habituel treillis militaire contre le costume de « président de la transition » au Mali, qu’il s’est taillé en menant à bien deux coups d’Etat en moins d’un an, alors que le Sahel reste plus que jamais en proie aux violences djihadistes.

La cérémonie d’investiture à la tête de cet immense pays, pauvre et instable, de cet officier de 37 ans s’est tenue à partir de 10 heures (heures GMT et locale) au Centre international de conférence de Bamako (CICB). « Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain (…), de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national », a déclaré le colonel Goïta, en uniforme d’apparat.

Le colonel a prêté serment alors que la France et les autres partenaires du Mali réclament aux militaires des garanties que des élections auront bien lieu en février 2022, en vue d’un retour des civils au pouvoir. Le colonel Goïta a affirmé sa volonté d’organiser « des élections crédibles, justes, transparentes, aux échéances prévues ». Il a ajouté :

« Je voudrais rassurer les organisations sous-régionales, régionales et la communauté internationale en général que le Mali va honorer l’ensemble de ses engagements pour et dans l’intérêt supérieur de la nation »

Le Mali, un pays crucial pour la stabilité du Sahel, vient d’être le théâtre de deux coups de force en neuf mois de la part d’Assimi Goïta et de son groupe de colonels. Lors du premier, les officiers ont renversé le 18 août 2020 le président Ibrahim Boubacar Keïta, affaibli par la contestation menée depuis des mois par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), un collectif d’opposants, de religieux et de membres de la société civile.

La junte s’était alors engagée, sous la pression internationale, à une période de transition limitée à dix-huit mois et conduite par des civils. Le 24 mai, le colonel Goïta, resté le véritable homme fort, a foulé aux pieds cet engagement en faisant arrêter le président et le premier ministre de transition, deux civils. L’officier s’est depuis fait déclarer président de la transition par la Cour constitutionnelle.

Choguel Maïga, vétéran de la politique, nommé premier ministre

M. Goïta a nommé également premier ministre, lundi 7 juin, Choguel Kokalla Maïga, un vétéran de la politique nationale, selon un décret lu à la télévision publique. En la personne de M. Maïga, âgé de 63 ans, le colonel Goïta a choisi l’un des chefs de file du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), collectif qui a mené en 2020 la contestation contre le président Ibrahim Boubacar Keïta. En choisissant M. Maïga, le président Goïta accède à la demande des partenaires du pays quant à la nomination d’un premier ministre civil.

Fort d’une carrière de plus de trente ans, Choguel Maïga aura dans un premier temps la délicate tâche de former une nouvelle équipe gouvernementale aussi consensuelle que possible. Ancien supporteur du dictateur Moussa Traoré (1968-1991), aujourd’hui allié des militaires, Choguel Maïga aura soutenu le président Keïta avant d’en devenir un détracteur virulent. Depuis vingt ans, il a été de toutes les luttes de pouvoir, souvent à la marge : candidat aux présidentielles de 2002, 2013 et 2018, il ne recueille qu’entre 2 et 3 % des voix.

Entre-temps, il a soutenu le président Amadou Toumani Touré (2002-2012), dont il a été ministre de l’industrie. En 2013, il se rallie au second tour à Ibrahim Boubacar Keïta, dont il sera le ministre de la communication de 2015 à 2016, avant de s’ancrer dans l’opposition. Ces dernières années, M. Maïga a aussi régulièrement critiqué l’accord de paix signé en 2015 entre l’ex-rébellion du Nord et le camp pro-Bamako, dont l’application reste très partielle.

Avant même d’accéder à ses nouvelles fonctions, il a cherché à rassurer les signataires de cet accord et les partenaires du Mali, affirmant que son pays respecterait ses engagements internationaux, tout en avertissant que « les invectives, les sanctions, les menaces ne feront que compliquer la situation ».

Rassurer les anciens rebelles

Echaudée par le nouveau coup d’Etat, la France a annoncé la suspension de ses opérations communes avec l’armée malienne, après huit ans de coopération étroite contre les djihadistes. Jusqu’à nouvel ordre, sa force « Barkhane », qui intervient dans plusieurs pays du Sahel, ne sortira plus de ses bases pour des opérations sur le terrain au Mali, même si elle continuera à frapper, si l’occasion s’en présente, les chefs djihadistes. La situation dans la zone d’action de « Barkhane » reste pourtant préoccupante.

Au Mali, au moins onze membres d’une communauté touareg ont été tués jeudi par des inconnus près de Ménaka (nord-est). Le Burkina Faso voisin a, pour sa part, subi dans la nuit de vendredi à samedi l’attaque la plus meurtrière menée par des djihadistes présumés depuis 2015. L’effroyable bilan s’établit à au moins 160 morts, selon des sources locales.

Les militaires maliens s’emploient aussi à rassurer les ex-rebelles indépendantistes du nord, réunis dans la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), signataire d’un accord de paix à Alger en 2015. Après avoir exprimé des réticences, ses dirigeants se sont dits prêts à accompagner ce nouveau chapitre de la transition, et plusieurs d’entre eux sont attendus à l’investiture.