Le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu jeudi sa première réunion consacrée au risque d’une dispersion des mercenaires présents en Libye dans les pays de la région, illustrée par les évènements au Tchad qui ont conduit à la mort de son président.
Cette session, à huis clos, avait été demandée par les membres africains du Conseil de sécurité (Kenya, Niger et Tunisie) bien avant le décès il y a dix jours, dans des conditions toujours imprécises, du président Idriss Déby Itno, monté officiellement au front après une offensive de rebelles tchadiens venus de Libye.
Selon des diplomates, le nombre de mercenaires étrangers en Libye est estimé à “plus de 20.000, dont 13.000 Syriens et 11.000 Soudanais”. Leur départ est demandé par les nouvelles autorités libyennes, et depuis plusieurs mois par l’ONU et les grandes puissances.
Lors de la réunion, personne n’a évoqué un début de retrait de ces hommes surarmés dont une dispersion représente une nouvelle menace pour les armées de la région, souvent en manque d’équipements et mal entraînées, ont indiqué à l’AFP plusieurs sources.
Réclamer au plus vite un départ, dans des déclarations ou des résolutions, a un “impact” sur les pays de la région et la paix et la sécurité au Sahel, relève un diplomate sous couvert d’anonymat. Attention à ne pas régler un problème en Libye en en créant un autre dans les pays voisins, ont plaidé certains de ces Etats, ajoute un autre diplomate.
Aujourd’hui, les 15 membres du Conseil de sécurité ont tous établi un lien direct entre le retrait de Libye des mercenaires et combattants étrangers avec ce qui s’est passé au Tchad, selon deux sources diplomatiques.
“Avec un lien de cause à effet comme celui-là, les lignes vont changer dans les jours et semaines à venir”, prédit l’une d’elles. Avec ce qui s’est passé au Tchad, on ne parle plus “dans le vide”, relève-t-elle.
“Scénario hollywoodien fascinant”
“Unanimement ils ont reconnu ce lien” et la nécessité de “faire quelque chose”, ajoute la deuxième source. Reste à savoir quoi.
Selon des diplomates, il y a un consensus à l’ONU pour parler de la nécessité d’un retrait qui soit coordonné, d’une réforme du secteur de la sécurité en Libye, d’un processus de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants et du besoin d’accompagner ce processus de retrait.
Le Kenya a réclamé d’étendre le mandat de la mission politique de l’ONU en Libye à un contrôle de sa frontière sud, a précisé un diplomate, mais il s’agit d’une idée plutôt difficile à réaliser et qui lui ferait changer de dimension.
Le Conseil de sécurité a récemment ajouté à cette mission onusienne une composante de surveillance du cessez-le-feu, limitée à 60 personnes, un format bien insuffisant pour superviser un retrait de mercenaires comme pour organiser une démobilisation et un désarmement de groupes armés.
“Sans un bon contrôle, sans un accompagnement efficace, ce qui s’est passé au Tchad pourrait se répéter à nouveau dans ce pays ou s’étendre du Sahel à la corne de l’Afrique, au Soudan, au Sud-Soudan, au Niger, en Ethiopie, en Centrafrique, au Mozambique”, mettent en garde des diplomates.
Lors de la réunion, des frictions ont opposé les Etats-Unis et la Russie à l’évocation du groupe Wagner, réputé proche de Moscou et dont l’implication dans l’offensive récente des rebelles tchadiens a été avancée de source américaine, ont indiqué à l’AFP plusieurs sources diplomatiques.
Lors d’une conférence de presse tenue juste avant la réunion, l’ambassadeur russe adjoint à l’ONU, Dmitry Polyanskiy, a balayé ces accusations. “C’est vraiment un scénario hollywoodien très fascinant. Cela n’a rien à voir avec la réalité. Il n’y a pas de faits, seulement des rumeurs”, a-t-il dit.