Algérie : Karim Tabbou, figure du Hirak, libéré sous contrôle judiciaire dans un climat de répression accrue

L’opposant algérien avait été mis en garde à vue pendant 24 heures à la suite d’une plainte déposée par un officiel.

Karim Tabbou est un visage très populaire en Algérie depuis le début du Hirak, mouvement d’opposition au régime politique en place qui s’est déclenché il y a plus de deux ans. L’opposant algérien de 47 ans a été libéré jeudi 29 avril sous contrôle judiciaire, selon le Comité national de libération des détenus (CNLD), une association qui vient en aide aux prisonniers d’opinion. Au cours de sa garde à vue de vingt-quatre heures consécutives, il avait dû être évacué dans la matinée à l’hôpital Mustapha d’Alger à cause d’un malaise, d’après la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH).

Sa garde à vue s’inscrit dans un climat de répression accrue contre des militants, des opposants politiques et des journalistes à l’approche des élections législatives convoquées par un pouvoir impopulaire. Karim Tabbou, emprisonné de septembre 2019 à juillet 2020 et figure du mouvement pour la démocratie, avait été convoqué mercredi au commissariat pour répondre d’une plainte déposée contre lui par Bouzid Lazhari, le président du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), un organisme officiel. Ce dernier avait été conspué par l’opposant lors des funérailles de l’avocat Ali Yahia Abdenour, vétéran du combat pour les droits de l’homme en Algérie, lundi dans un cimetière algérois. Parmi les huit chefs d’accusation retenus contre lui figurent « la calomnie, l’insulte et l’outrage à un employé dans l’exercice de ses fonctions ». Il est également accusé d’avoir « violé le caractère sacré des défunts dans les cimetières ».

Mardi, pour la première fois depuis la reprise à la fin de février des marches du Hirak, la police a empêché des étudiants de manifester comme ils le font chaque semaine à Alger. Elle a procédé à des dizaines d’interpellations et à des perquisitions, selon le CNLD. La presque totalité des personnes interpellées a été ensuite relâchée.

« Escalade de la répression »

Mais un activiste connu, Kaddour Chouicha, responsable de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH) à Oran, et son épouse, Jamila Loukil, journaliste et militante, ont été arrêtés mercredi à leur sortie du tribunal où venait d’être reporté leur procès en appel dans une affaire remontant à 2020. Ils ont été libérés en début de soirée mais devront se présenter jeudi au commissariat central d’Oran (nord-ouest), a précisé le CNLD. Leur domicile a été perquisitionné et des ordinateurs et des téléphones ont été saisis, a-t-on appris auprès de leur entourage.

Le domicile d’un autre militant arrêté, Hicham Khiyat, cofondateur de Nida 22, une initiative indépendante de dialogue au sein du Hirak, a également été perquisitionné mercredi à Blida, près d’Alger, et son ordinateur confisqué, a précisé le CNLD. Ce dernier a été soumis jeudi à un contrôle judiciaire, tout comme un autre militant, Slimane Hamitouche.

Dans un communiqué publié mercredi, la LADDH a exprimé son inquiétude devant « l’escalade de la répression, qui vise toutes les voix de l’opposition et du Hirak ». Elle a exhorté le pouvoir à « l’arrêt immédiat du harcèlement et des arrestations arbitraires des militant·e·s pacifiques du Hirak, de la société politique, civile, et des journalistes ».

Selon les associations algériennes de soutien aux détenus d’opinion, quelque 65 personnes sont actuellement derrière les barreaux, poursuivies pour leurs liens avec le Hirak et/ou les libertés individuelles. Né en février 2019 du rejet massif d’un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, le Hirak réclame un changement radical du « système » politique en place depuis l’indépendance du pays, en 1962.