Ethiopie : les Etats-Unis dénoncent des « actes de nettoyage ethnique » au Tigré

Le secrétaire d’Etat Antony Blinken demande aux forces sur place de cesser de « violer les droits humains » et réclame un accès humanitaire sans entrave à la région.

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a dénoncé pour la première fois, mercredi 10 mars, des « actes de nettoyage ethnique » au Tigré, région d’Ethiopie où Addis-Abeba a lancé une opération militaire contre le pouvoir régional. Lors d’une audition parlementaire, il a estimé que les forces sur place devaient « s’abstenir de violer les droits humains des habitants du Tigré ou de commettre des actes de nettoyage ethnique comme nous en avons constaté dans le Tigré occidental ».

Le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la paix 2019, a lancé début novembre une opération militaire pour renverser les autorités du parti au pouvoir dans la région, le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qu’il accusait d’avoir attaqué des bases de l’armée fédérale. Il s’est appuyé sur les forces régionales venues d’Amhara, une région qui borde le sud du Tigré, pour sécuriser de vastes zones après le retrait du TPLF. Les troupes de l’Erythrée voisine, autre ennemi juré du TPLF, ont visiblement aussi eu un rôle prépondérant dans les combats et sont accusées d’avoir perpétré des massacres de civils.

« Je comprends tout à fait les inquiétudes que le premier ministre avait au sujet du TPLF et de ses actes, mais la situation au Tigré est aujourd’hui inacceptable et doit changer », a déclaré Antony Blinken. Il a évoqué deux « défis » en matière de sécurité : la présence de forces venues d’Erythrée et d’Amhara, qui « doivent partir », et les violations des droits humains par les forces déployées au Tigré. « Cela doit cesser », a-t-il martelé, réclamant de nouveau une « enquête indépendante » et un « processus de réconciliation ». Il avait déjà demandé au premier ministre éthiopien, la semaine dernière, d’autoriser une enquête internationale, évoquant à ce moment-là des « informations crédibles faisant état d’atrocités ».
L’Erythrée accusée d’atrocités

La haute commissaire de l’ONU aux droits humains, Michelle Bachelet, a accusé la semaine dernière l’armée érythréenne d’atrocités au Tigré et a demandé une « enquête objective et indépendante », après avoir « corroboré de graves violations » susceptibles de constituer « des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ». Des organisations indépendantes de défense des droits humains ont fait état d’accusations similaires. Addis-Abeba et Asmara, qui se sont affrontés dans un conflit sanglant entre 1998 et 2000 avant de se rapprocher à l’initiative d’Abiy Ahmed, ont rejeté les accusations d’atrocités.

Le secrétaire d’Etat a également réclamé, mercredi, un accès humanitaire sans entrave dans la région. « Le premier ministre Abiy était un dirigeant qui suscitait l’enthousiasme et qui a gagné le prix Nobel de la paix. Maintenant il doit réagir et faire en sorte que son propre peuple, au Tigré, reçoive la protection dont il a besoin et qu’il mérite », a-t-il insisté. Il a évoqué la nomination « dans les prochaines semaines » d’un émissaire américain pour la Corne de l’Afrique, qui aura comme priorité la crise éthiopienne mais aussi la dispute entre l’Ethiopie, le Soudan et l’Egypte au sujet du méga-barrage sur le Nil construit par Addis-Abeba.