Sahara occidental : le Front Polisario menace le Maroc d’une « escalade »

Les relations se tendent depuis le 13 novembre 2020 et l’envoi par le Maroc de troupes dans ce territoire disputé depuis trente ans.

Les indépendantistes du Front Polisario ont menacé, dimanche 24 janvier, le Maroc d’une « escalade » militaire, après avoir bombardé le poste frontalier de Guerguerat sous contrôle marocain dans le territoire disputé du Sahara occidental. « La guerre va continuer et aller vers l’escalade. Toutes les positions de l’armée marocaine sont des cibles », a déclaré à l’AFP Sidi Ould Oukal, un haut responsable de la sécurité et porte-parole du ministère de la défense de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée en 1976 par les indépendantistes.

Le Polisario se dit « en état de guerre de légitime défense » depuis que le Maroc a envoyé, le 13 novembre 2020, des troupes à l’extrême sud du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole, pour chasser un groupe de militants sahraouis qui bloquaient la seule route vers la Mauritanie voisine.

Depuis, ces troupes marocaines sont restées déployées dans cette zone démilitarisée placée sous la tutelle d’une force d’interposition des Nations unies, afin de « sécuriser le trafic routier » sur cet axe commercial menant vers l’Afrique de l’Ouest.

Les indépendantistes contestent la légalité de cet axe, qualifié de « brèche illégale », contraire, selon eux, à l’accord de cessez-le-feu de 1991 signé sous l’égide de l’ONU.
« Situation normale »

Samedi soir, les forces du Polisario ont annoncé avoir lancé quatre missiles en direction de Guerguerat, localité située sur l’axe routier. Elles ont aussi revendiqué des attaques le long du mur de sable érigé par le Maroc qui sépare les combattants sahraouis des forces marocaines dans ce vaste territoire désertique disputé depuis le départ des colons espagnols.

Selon M. Ould Oukal, le passage de Guerguerat a été « fermé » et la situation est « chaotique ». Ces affirmations n’ont toutefois pas pu être confirmées par des sources indépendantes.

« Ce n’est que le début. C’est un avertissement aux usagers de cette route et de cette terre. Tout le territoire du Sahara occidental est une zone de guerre », a-t-il mis en garde, avertissant que « ni Guerguerat ni aucun point du territoire sahraoui ne sont à l’abri des missiles et obus des combattants sahraouis ».

Un haut responsable marocain joint par l’AFP à Rabat a minimisé, en faisant état de « tirs de harcèlement à proximité de la zone de Guerguerat », qui n’ont « pas touché l’axe routier, dont le trafic n’a pas été perturbé ».

« Cela s’inscrit dans un cycle de harcèlement depuis plus de trois mois » et « il y a une volonté de créer une guerre de propagande, une guerre de médias, sur l’existence d’une guerre au Sahara », mais « la situation est normale », a-t-il assuré.

La télévision marocaine 2M a diffusé un reportage avec des images et témoignages de routiers recueillis dimanche dans la zone de Guerguerat. « Ce matin, la circulation au niveau de l’axe routier entre le Maroc et la Mauritanie est normale. Le trafic commercial ne s’est pas arrêté » depuis l’intervention marocaine en novembre, est-il affirmé dans le reportage.
Tergiversations

La question du statut du Sahara occidental, considéré comme un « territoire non autonome » par l’ONU en l’absence d’un règlement définitif du conflit, oppose depuis des décennies le Maroc au Polisario. Celui-ci réclame un référendum d’autodétermination prévu par les Nations unies, tandis que le Maroc, qui contrôle plus des deux tiers du territoire, propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté.

Les négociations, menées par l’ONU et impliquant le Maroc et le Polisario avec l’Algérie et la Mauritanie en tant qu’observateurs, sont suspendues depuis 2019.

Le Polisario se dit prêt à reprendre les pourparlers mais exclut de déposer les armes, échaudé par trente ans de statu quo. « Par le passé, nous avons accordé toute notre confiance à la communauté internationale et avons arrêté le combat armé de manière définitive. Nous avons attendu trente ans. Trente ans de promesses non tenues, de tergiversations et d’attente intenable », a déploré plus tôt cette semaine Sidi Ould Oukal.

La position du Maroc a, elle, été confortée par la reconnaissance d’une souveraineté marocaine par l’ex-président américain Donald Trump sur la totalité du territoire disputé.

Cette reconnaissance liée à une normalisation entre le Maroc et Israël est assortie d’une enveloppe de trois milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) pour le « soutien financier et technique de projets d’investissements privés » au Maroc et en Afrique subsaharienne.