Présidentielle.Ouganda : Museveni, du héros de la libération au terrible autocrate

Pour la sixième fois depuis 1986, Yoweri Museveni a été déclaré vainqueur de la présidentielle en Ouganda, samedi 16 janvier 2021. Si cette annonce a provoqué la liesse de ses partisans, elle ne fait pas oublier la contestation qui enfle face à cet ancien libérateur devenu oppresseur, estime cet éditorialiste burkinabé.

C’est fait ! Sans surprise, le président sortant, Yoweri Museveni [au pouvoir depuis trente-cinq ans], a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle du 14 janvier dernier. Selon les résultats provisoires annoncés par l’instance nationale chargée des élections, c’est avec 58,64 % des voix, contre 34,83 % pour son principal challenger, Bobi Wine [une star du reggae de 38 ans reconvertie en député puis candidat à l’élection présidentielle], que le président candidat a remporté cette élection. Comme il fallait s’y attendre, ces résultats ont été aussitôt rejetés par la Plateforme de l’unité nationale (NUP) [principale coalition d’opposition].

Sixième mandat donc pour le “Bismarck des Grands Lacs”, qui, on l’imagine, ne veut rien lâcher et n’entend pas se laisser décoiffer par un jeune trentenaire “fringant”. Après l’annonce de sa victoire, Yoweri Museveni a qualifié cette élection “de vote des Ougandais pour l’amour de leur pays, pour le panafricanisme et pour la démocratie”.
Un énième mandat “offert”

Le moins que l’on puisse dire sur la tenue de ce scrutin, c’est que tout avait été mis en place pour “offrir” un énième mandat au plus que septuagénaire. Victime d’une police qui n’avait pas hésité à réprimer dans le sang plusieurs de ses rassemblements [au moins 54 personnes ont été tuées depuis l’ouverture de la campagne électorale], celui qui se fait surnommer “président du ghetto” [Bobi Wine] a la rancune tenace.

Mais que peut-il face à un régime qui n’a cure du respect des droits humains ? En dénonçant des fraudes, des bourrages d’urnes et en rejetant les résultats du scrutin du 14 janvier 2021, Bobi Wine est dans son rôle. Il perpétue en quelque sorte une tradition chère aux opposants africains.

Le chanteur, dont la résidence a été encerclée par la police, est conscient de ce qui pourrait advenir. Alors, va-t-il faire contre mauvaise fortune bon cœur en se tenant à carreau face à ce simulacre d’élection ? Quelle sera la réaction de cette jeunesse ougandaise désillusionnée, dont il est le porte-voix face à ce régime liberticide pour lequel il est devenu la principale cible à neutraliser ?

Un héros devenu autocrate

L’exemple ougandais est illustratif du mal de la démocratie en Afrique. En janvier 1986, Yoweri Museveni, alors rebelle marxiste et panafricaniste, prenait le pouvoir par les armes. À l’époque, l’artiste Bobi Wine n’avait que 3 ans. Aujourd’hui, celui qui jadis faisait figure de “héros de la libération” est devenu au fil des années un autocrate à la tête d’un régime répressif.

Icône de cette frange de la société, l’artiste joue son avenir politique après cette réélection du vieux briscard Museveni même si on sait qu’il ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre face à l’appareil répressif du régime en place. Il devra donc prendre son mal en patience et continuer de titiller le “vieux” en attendant une ouverture démocratique véritable.