Des violences entre tribus rivales au Darfour font près de 140 morts en trois jours

Près de 140 personnes ont péri en trois jours dans des affrontements entre tribus rivales au Darfour, au Soudan. Ce sont les violences les plus sanglantes depuis la signature en octobre d’un accord de paix entre le gouvernement et des groupes rebelles.

Depuis trois jours, de violents heurts entre tribus rivales au Darfour ont fait près de 140 morts et de nombreux blessés.

Cette recrudescence des violences intervient un peu plus de deux semaines après la fin au Darfour de la mission de paix conjointe de l’ONU et de l’Union africaine (Minuad), une opération présente depuis treize ans dans cette vaste région de l’ouest du Soudan, minée par l’instabilité.

Lundi 18 janvier, des affrontements ont eu lieu dans l’État du Darfour-Sud, où des hommes “de la tribu arabe des Rizeigat à bord de véhicules, de motos et de chameaux ont lancé une attaque contre le village de Saadoun”, fief de la tribu Fallata, a indiqué Mohamed Saleh, un chef de cette tribu. Les heurts, qui ont cessé, ont fait 55 morts, selon lui. Plusieurs maisons ont été incendiées durant l’assaut. Selon Mohamed Saleh, l’attaque serait une revanche après le meurtre, il y a environ une semaine, d’un membre des Rizeigat par les Fallata.

Un couvre-feu au Darfour-Ouest

Samedi et dimanche, au moins 83 personnes ont été tuées dans des heurts entre tribus dans la ville d’Al-Geneina, dans l’État du Darfour-Ouest. Ces heurts avaient éclaté entre la tribu Al-Massalit et des nomades arabes après une dispute entre deux individus.

Les autorités ont imposé un couvre-feu au Darfour-Ouest et le Premier ministre Abdallah Hamdok y a envoyé une délégation de “haut rang” pour tenter de rétablir l’ordre. “Le nombre réel de victimes n’est pas encore connu”, a dit lundi le gouverneur du Darfour-Ouest, cité par l’agence officielle soudanaise Suna.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a demandé aux autorités soudanaises “de déployer tous les efforts pour parvenir à une désescalade de la situation, mettre un terme aux combats, restaurer l’ordre et la loi et assurer la protection des civils”, selon son porte-parole.

Dimanche, Abdel Fattah al-Burhane, président du Conseil de souveraineté en charge de piloter la transition politique au Soudan, a réuni en urgence les services de sécurité.

En octobre, le gouvernement de transition, mis en place après la chute de l’autocrate Omar el-Béchir sous la pression d’une contestation populaire, a signé un accord de paix avec plusieurs groupes rebelles, y compris des mouvements insurgés du Darfour. Mais certains groupes rebelles du Darfour n’ont pas signé.

Le retrait progressif de la Minuad

C’est une “tragédie humaine”, a réagi sur Twitter le chef du mouvement rebelle, Justice et Égalité. Un autre chef rebelle, Mini Minawi, a appelé à la mise en œuvre de l’accord de paix et à la “réconciliation” entre les tribus du Darfour.

Le conflit au Darfour avait débuté en 2003 entre forces loyales au régime du général Omar el-Béchir à Khartoum et des membres de minorités ethniques s’estimant marginalisées et réclamant une répartition plus équitable du pouvoir et des richesses.

Les violences ont fait quelque 300 000 morts et plus de 2,5 millions de déplacés, essentiellement durant les premières années du conflit, selon l’ONU.

Si les violences ont baissé d’intensité au Darfour, les affrontements restent fréquents concernant l’accès à la terre et à l’eau, opposant éleveurs nomades arabes et fermiers darfouris. La Minuad doit se retirer progressivement du Darfour dans un délai de six mois à partir de janvier, et le gouvernement soudanais doit prendre la responsabilité de la protection des populations de la région.

Après la Minuad, qui a compté jusqu’à 16 000 hommes, l’ONU restera au Soudan via une Mission intégrée des Nations unies pour l’assistance à la transition au Soudan (Minuats). Cette mission politique aura pour tâche d’assister le gouvernement de transition, installé en août 2019 et issu d’un accord entre militaires et dirigeants du mouvement de contestation. Elle devra aussi aider à l’application des accords de paix dans d’autres régions ravagées par les conflits.