Opération Barkhane : vers une réduction des troupes françaises au Sahel

La ministre des Armées, Florence Parly, affirme que la France va “très probablement” réduire le nombre de ses troupes présentes au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane, lors d’un entretien accordé au Parisien lundi. Des déclarations à fort contexte politique, alors que les troupes françaises viennent de subir des pertes au Mali.

La réduction du contingent français présent au Sahel est attendue mais le contexte lui donne une tournure politique. La France devrait prochainement rapatrier 600 soldats déployés au Sahel il y a un an dans le cadre de l’opération Barkhane. “Nous serons très probablement amenés à ajuster ce dispositif : un renfort, par définition, c’est temporaire”, affirme la ministre des Armées, Florence Parly, lundi 4 janvier, dans un entretien au Parisien.

L’armée française a perdu cinq soldats dans deux attaques jihadistes, les 28 décembre et 2 janvier, au Mali. Ces décès portent à 50 le nombre de soldats français tués au Sahel depuis 2013 dans les opérations antijihadistes Serval puis Barkhane, a précisé l’état-major des armées.

Les attaques ont été menées à Hombori et Ménaka. Un choix “pas anodin” selon Wassim Nasr, spécialiste des mouvements jihadistes à France 24. “Hombori, c’est la région visitée par le chef d’état-major, la ministre et le Premier ministre à Noël. Cette attaque est une réponse à leur visite, qui entendait démontrer que cette zone était sécurisée”, analyse-t-il.

“Quant à Ménaka, où se trouve la base commune Barkhane-Minusma, on sait que c’est là-bas que les forces tchèques devaient être opérationnelles dans quelques jours. C’est pris en compte par les jihadistes qui envoient un message politique”, estime Wassim Nasr.

Le groupe jihadiste entend inciter les populations des pays occidentaux envoyant des troupes au Sahel à faire pression sur leurs gouvernements pour un rappel des soldats, selon le spécialiste. “Al-Qaïda sait très bien qu’il y a un seuil dans une société occidentale à partir duquel la population ne soutient plus une intervention militaire à l’étranger, souligne Wassim Nasr. Rappelons que les attentats de Madrid perpétrés en 2005 ont mené au retrait espagnol d’Irak.”

“Des succès militaires importants”

Le chef de l’État, Emmanuel Macron, a toutefois réaffirmé, samedi 2 janvier, “la détermination de la France dans son combat contre le terrorisme”.

Un combat qui porte ses fruits, selon Florence Parly. “Au cours de l’année 2020, nous avons remporté des succès militaires importants, à la fois en neutralisant plusieurs hauts responsables de ces groupes terroristes et en attaquant leurs chaînes logistiques pour les désorganiser”, assure la ministre dans Le Parisien.

Le chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), l’Algérien Abdelmalek Droukdal, a notamment été tué dans le nord du Mali en juin. Paris a également annoncé la “neutralisation” en novembre de Bah Ag Moussa, présenté comme le “chef militaire” du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda.

La force Barkhane comptait 5 100 soldats en 2020 après l’envoi, en février, de 600 soldats supplémentaires. La décision de réduire ses effectifs “en revient au président de la République, chef des Armées”, rappelle Florence Parly, qui laisse entrevoir une annonce officielle concernant le rappel des 600 renforts lors du prochain sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel en février à N’Djamena au Tchad.

Négocier avec les terroristes ?

De leur côté, face à la persistance des violences jihadistes, doublées de conflits intercommunautaires, les autorités de transition au Mali n’excluent pas d’engager des négociations avec des groupes armés, tout comme auparavant le président Ibrahim Boubacar Keïta, renversé par un putsch en août.

Le GSIM, principale alliance jihadiste du Sahel, a appelé dans un communiqué revendiquant l’attaque de lundi au retrait de la force Barkhane du Sahel. Dans ce communiqué, authentifié par le centre américain de surveillance des sites jihadistes SITE, il a aussi évoqué les caricatures de Mahomet et la défense prise par le président Macron de leur publication au nom de la liberté d’expression, ainsi que la politique du gouvernement français vis-à-vis des musulmans de France.

Paris exclut toute discussion avec l’état-major du GSIM qui “répond à la hiérarchie centrale d’Al-Qaïda”, relevait le 21 décembre une source à la présidence française. La France se montre en revanche plus ouverte s’agissant d’éléments du GSIM, qui “ont un agenda beaucoup plus national, souvent opportuniste, parfois régional”, ajoutait cette source, tandis que Florence Parly évoque dans Le Parisien ceux “qui ont déposé les armes et qui ne sont pas motivés par une idéologie radicale et criminelle”.