Nana Akufo-Addo réélu à la tête du Ghana avec 51,59 % des voix

RÉSULTATS. C’est d’une courte tête que le président sortant a remporté la présidentielle, devançant son rival de toujours John Dramani Mahama.

Soudain, les partisans du NPP réunis devant la résidence du chef de l’État laissent éclater des cris de joie dans un tintamarre de klaxons et de vuvuzelas. Il faut dire que la tension était à son comble ce mercredi, 48 heures après le scrutin hyper-serré de lundi où plus de 17 millions d’électeurs étaient appelés à départager 12 candidats, dont les éternels rivaux John Mahama et Nana Akufo-Addo. Cinq personnes ont été tuées dans des violences électorales, selon la police.

Hormis ces incidents isolés, l’élection avait été de manière générale saluée comme un exemple en Afrique de l’Ouest, en proie cette année à plusieurs scrutins violents et contestés, notamment en Côte d’Ivoire voisine. Même si, au lendemain du vote, l’entente cordiale entre les deux candidats, qui ont signé un « pacte de paix » les engageant à ne cautionner aucune violence lors du vote et à la proclamation des résultats, s’était effritée et le ton s’était durci. Mardi soir, John Mahama avait prévenu qu’il « résisterai(t) à toute tentative de vol du scrutin » alors que la rumeur selon laquelle il avait concédé la victoire circulait depuis plusieurs heures sur les réseaux sociaux.

Le suspense vient donc de prendre fin. À 76 ans, l’actuel président Nana Akufo-Addo, ancien avocat des droits de l’homme et réputé pour son sens de la diplomatie, a été reconduit – avec 51,59 % des voix contre 47,36 % pour son rival – pour un second mandat à la tête du Ghana. Il affrontait son ennemi politique de toujours, John Dramani Mahama, homme réputé proche du peuple, qui avait lui-même dirigé le pays d’Afrique de l’Ouest de 2012 à 2016. C’est le président de la commission électorale, Jean Adukwei Mensa, qui a annoncé les résultats dans une vidéo diffusée en direct sur les réseaux sociaux. Les chiffres sont frappants : seules 515 524 voix séparent le président Akufo-Addo de son prédécesseur, devenu chef de l’opposition en 2016. Le taux de participation de cette élection est de 79 %, selon la commission électorale.

Qui est Nana Akufo-Addo ?

Le visage rond affublé de petites lunettes, Akufo-Addo se présente souvent de bonne humeur et jovial, mais toujours très sûr de lui et tenace. Dans un discours historique qui avait fait le tour des réseaux sociaux en 2018 lors de la visite d’Emmanuel Macron à Accra, il avait demandé aux Africains de se « débarrasser de cette mentalité de dépendance, cette mentalité qui nous emmène à nous demander ce que la France peut faire pour nous. »

En tentant de s’aligner sur les grands présidents panafricanistes ghanéens comme Kwame Nkrumah ou Jerry Rawlings, Akufo-Addo a redonné au Ghana une place importante sur la scène régionale en conduisant d’importantes missions de médiation en Guinée ou au Togo, pays voisins troublés par de graves crises politiques et sociales. Il a également lancé une grande campagne de sensibilisation outre-Atlantique pour promouvoir le « retour » des Afro-Américains, descendants d’esclaves, les encourageant à vivre et investir sur la terre de leurs ancêtres.

Le bilan économique de son premier mandat reste également plutôt positif, et il a essayé de diversifier une économie dépendante des ressources premières (or, cacao et, plus récemment, pétrole), et d’alléger les taxes dans le secteur privé pour encourager les investissements.

Mais, si le Ghana a enregistré parmi les taux de croissance les plus élevés au monde, il a été durement touché par la crise du coronavirus après un confinement parmi les plus stricts en Afrique, et sa croissance devrait retomber à 1,5 % cette année, son taux le plus bas depuis trente-sept ans.

Akufo-Addo : une ligne d’indépendance

Né en 1944 à Accra, la capitale, William Addo Dankwa Akufo-Addo a grandi dans une famille de l’élite nationale et il a été biberonné à la politique dès son plus jeune âge, sa maison faisait office régulièrement de siège de parti. Son père, Edward Akufo-Addo, a été lui-même président à la fin des années 1960, et fait partie des « Big Six » (les « Six Grands »), expression qui désigne les pères de l’indépendance et de la nation ghanéenne, l’ex-côte de l’Or, colonie britannique. Il fait ses études à Londres, où naît son inébranlable passion pour le club de football de Tottenham, et d’où il tire son accent britannique particulièrement soigné.

Avocat spécialisé dans les droits de l’homme, il a exercé en France et en Angleterre avant de revenir au Ghana. Mais ce n’est qu’en 1992, lorsque le pays a retrouvé la démocratie après des décennies de régimes militaires, que celui que l’on nomme communément Nana Akufo-Addo s’engage auprès du Nouveau Parti patriotique (New Patriotic Party, NPP). Au long de sa carrière, en tant qu’avocat, puis député et ministre, il bâtit sa solide réputation de pourfendeur anticorruption et d’opiniâtreté, ternie récemment par la démission d’un procureur spécial le mettant directement en cause et l’accusant de faire obstacle à sa mission. Ce second mandat risque d’être terni par la crise du coronavirus et par une forte hausse du chômage, qui reste l’un des enjeux majeurs dans le pays. « Ses promesses sont restées relativement modestes », note Kwesi Jonah, politologue pour l’Institut ghanéen de gouvernance démocratique. « Mais elles sont réalistes. (…) Il sait qu’il va être très difficile de trouver de l’argent. »

Les quatre prochaines années, il aura pour mission de s’attaquer au chômage des jeunes, qui était l’un des enjeux centraux de cette campagne. Plus de la moitié des électeurs avaient moins de 35 ans. Depuis les années 2000, ce pays de 30 millions d’habitants, riche en or, cacao et plus récemment pétrole, a connu une forte croissance. Et le taux d’extrême pauvreté a été divisé par deux en moins de 25 ans. Mais certaines régions, notamment dans le Nord, continuent de vivre dans le plus grand dénuement, sans eau potable ni électricité.

Le président devra également intensifier ses efforts de lutte contre la corruption, qui avait été l’une de ses principales promesses de campagne lors de sa première élection en 2016. En novembre, juste un mois avant le scrutin, le procureur spécial anticorruption avait démissionné, accusant le président Akufo-Addo d’obstruction dans son travail.