Guerre en Ethiopie : les forces du Tigré attaquent l’Erythrée, des milliers de réfugiés fuient au Soudan

L’Erythrée est l’ennemi juré du Front de libération des peuples du Tigré (TPLF), parti qui dirige la région du Tigré et a contrôlé durant près de trente ans l’appareil politique et sécuritaire en Ethiopie.

La situation ne cesse de s’envenimer en Ethiopie. Les hostilités ont commencé le 4 novembre, quand le premier ministre, Abiy Ahmed, a envoyé l’armée fédérale à l’assaut de la région dissidente du Tigré, après des mois de tensions croissantes avec les autorités régionales du Front de libération des peuples du Tigré (TPLF), le parti qui dirige la région et a contrôlé durant près de trente ans l’appareil politique et sécuritaire en Ethiopie.

Les forces du Tigré ont bombardé Asmara, nouvelle escalade dangereuse

La capitale de l’Erythrée, Asmara, a été touchée samedi 14 novembre par des roquettes tirées depuis le Tigré, ont annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) deux diplomates basés à Addis-Abeba, une potentielle escalade majeure dans ce conflit.

Selon ces diplomates, plusieurs roquettes sont tombées à proximité de l’aéroport d’Asmara. La radio érythréenne d’opposition Erena, sise à Paris, citant des habitants, rapporte que quatre « missiles » ont touché la capitale de l’Erythrée.

Le président de la région du Tigré a revendiqué l’attaque dimanche. « Les forces éthiopiennes utilisent elles aussi l’aéroport d’Asmara » pour faire décoller les avions qui bombardent le Tigré, ce qui en fait « une cible légitime », a déclaré à l’AFP Debretsion Gebremichael, accusant une nouvelle fois l’armée érythréenne d’être engagée dans des combats au sol au Tigré.

L’Erythrée est l’ennemi juré du Front de libération des peuples du Tigré (TPLF). Les tirs contre Asmara sont le signe d’une escalade majeure dans le conflit au Tigré, dont de nombreux observateurs craignent qu’il entraîne l’Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique (100 millions d’habitants) et mosaïque de peuples, dans une guerre communautaire incontrôlable, mais aussi déstabilise toute la région de la Corne.

Ethiopie et Erythrée se sont affrontées dans une guerre meurtrière entre 1998 et 2000, à l’époque où le TPLF était tout-puissant à Addis-Abeba. Les deux pays sont restés à couteaux tirés jusqu’à ce qu’Abiy Ahmed devienne premier ministre en 2018 et fasse la paix avec Asmara, ce qui lui a valu le prix Nobel en 2019.

M. Abiy a progressivement écarté le TPLF du pouvoir et les tensions entre eux n’ont cessé de croître. Jusqu’à l’intervention militaire qu’il a lancée le 4 novembre au Tigré, pour, dit-il, y rétablir des « institutions légitimes ».

Plus d’une trentaine de personnes tuées dans l’attaque d’un bus

Des hommes armés ont tué dans la nuit au moins 34 personnes lors de l’attaque « effroyable » d’un bus, dans la région de Benishangul-Gumuz, dans l’ouest de l’Ethiopie, a rapporté dimanche l’organisme national chargé des droits humains.

« Le nombre estimé de victimes [mortes], actuellement de 34, va probablement augmenter », a prévenu dans un communiqué la Commission éthiopienne des droits humains (EHRC), institution publique indépendante, qui fait aussi état d’autres attaques dans la région durant la nuit.

Près de 25 000 réfugiés éthiopiens sont arrivés au Soudan

Près de 25 000 Ethiopiens ayant fui les combats dans la province du Tigré depuis une semaine ont trouvé refuge au Soudan voisin. « Le nombre de réfugiés éthiopiens arrivés dans les Etats de Gedaref et Kassala a atteint jusqu’à samedi 24 944 », a précisé samedi soir l’agence de presse officielle soudanaise SUNA. Ces deux régions sont situées dans l’Est soudanais, frontalier de l’Ethiopie.

Lors d’une tournée samedi dans la région frontalière soudanaise, l’adjoint du représentant du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) au Soudan, Jan Hansmann, a affirmé que la « priorité était de fournir des abris, de la nourriture et de l’eau aux réfugiés et de les transférer dans des secteurs éloignés de la frontière, pour des raisons de sécurité ». Il a ajouté que son organisation œuvrait pour établir de nouveaux camps.

Le commissaire soudanais pour les réfugiés, Abdallah Souleiman, qui l’accompagnait, a appelé la communauté internationale à fournir urgemment de l’aide aux réfugiés. A bicyclette, à pied ou à bord de petites embarcations pour ceux qui traversent la rivière, des milliers d’Ethiopiens ont fui leur pays pour se réfugier au Soudan voisin ces derniers jours.

Le HCR a dit s’attendre à une vague massive de réfugiés, estimant que le conflit risquait de s’intensifier. Selon une source gouvernementale soudanaise, quelque 200 000 Ethiopiens pourraient se réfugier au Soudan.