Les Seychelles élisent président et députés pendant trois jours

Les Seychellois ont commencé à voter jeudi pour élire leur président et leurs députés, un scrutin sur fond d’inquiétude pour l’économie de cet archipel de 115 îles éparpillées dans l’océan Indien, où l’épidémie de Covid-19 a fait s’effondrer le flux des touristes.

Défaite de justesse lors de la présidentielle de 2015 et ragaillardie l’année suivante par sa première victoire aux législatives dans l’histoire du pays, 40 ans après l’indépendance, l’opposition espère accéder pour la première fois à la tête de l’Etat.

Mais elle n’a pu s’unir et deux candidats affronteront le président sortant Danny Faure qui, en tant que vice-président de James Michel, a achevé le mandat de celui-ci après sa démission en 2016.

La plupart des îles de sable fin qui ont fait la réputation de l’archipel sont inhabitées et l’essentiel des quelque 98.000 Seychellois se concentrent sur celles de Mahé, Praslin et La Digue, dont les électeurs voteront samedi de 07H00 à 19H00 (03H00 à 15H00 GMT).

Jeudi, ont commencé à voter tour à tour quelques centaines d’électeurs d’une trentaine d’îles – employés d’hôtels ou de la société de gestion des zones protégées, certains transportés par bateau d’îlots alentour – dans des bureaux de vote souvent éphémères, acheminés par avion.

“Tous les vols pour les Iles éloignées qui votent (…) ont décollé à l’heure avec le représentant de la Commission électorale des observateurs, le représentant de chaque parti politique et des policiers”, a annoncé la Commission électorale dans un communiqué.

Le reste des Iles éloignées votera vendredi. Une équipe s’est aussi également rendue par bateau sur l’île Silhouette, à 20 km environ de Mahé, où doivent voter quelque 200 habitants. Ont également commencé à voter jeudi à Mahé pensionnaires de maison de retraite et hôpital et prisonniers, ou personnes en quarantaine en raison du Covid-19.

  • Tourisme en panne –

Le principal rival de M. Faure, 58 ans, sera le prêtre anglican Wavel Ramkalawan, dont ce sera à 59 ans la sixième candidature présidentielle et qui n’avait été défait que de 193 voix par James Michel en 2015, lors d’un second tour inédit dans l’histoire du pays.

Il représentera Linyon Democratik Seselwa (LDS, Union démocratique seychelloise), majoritaire à l’Assemblée depuis les dernières législatives (19 sièges sur 34) qui ont débouché sur une “cohabitation à l’américaine”, l’exécutif composant avec une chambre hostile.

Troisième candidat, Alain St Ange, ex-ministre du Tourisme (2012-2016) – principal secteur économique -, se présente sous les couleurs du parti One Seychelles, né il y a un an à peine. Brillant orateur, il pourrait faire les frais de ses allers-retours entre opposition et pouvoir.

L’opposition mise sur le désir de changement de la population pour battre M. Faure, candidat de United Seychelles, nouveau nom de l’ex-parti unique qui a donné au pays tous ses chefs d’Etat depuis 1977.

Les électeurs sont surtout préoccupés par les difficultés économiques engendrées par la pandémie de Covid-19 qui a fait s’effondrer le nombre de touristes.

Les Seychelles n’ont enregistré jusqu’ici que 149 cas, mais le virus s’est invité dans la campagne, le ministère de la Santé ayant interdit les meetings électoraux, baromètres du soutien et outils de démonstration de force dans un pays sans institut de sondage.

  • Corruption et drogue –

La campagne s’est surtout déroulée sur les réseaux sociaux où l’opposition et ses partisans sont les plus actifs, et à la télévision, où pour la première fois les candidats se sont mesurés, lors de deux débats très suivis.

Depuis le début de la pandémie, l’économie seychelloise, ultradépendante du tourisme, tourne au ralenti et environ 700 Seychellois ont perdu leur emploi, pour la plupart dans le secteur touristique.

Le pays connaît également de fortes inégalités: si le revenu par habitant y est parmi les plus élevés d’Afrique, l’organisme officiel des statistiques estime que 40% des Seychellois vivent sous le seuil de pauvreté, en raison du coût élevé de la vie.

Autre thème majeur de campagne, la corruption, sujet tabou dans ce petit pays où tout le monde se connaît et où milieux politique et des affaires sont intimement liés.

Les Seychelles se classent en tête des pays les plus vertueux d’Afrique et dans les 30 plus vertueux du monde, dans le classement de l’ONG Transparency international. Mais c’est aussi un paradis fiscal abritant de nombreuses sociétés offshore.

Une Commission anticorruption, créée en 2016, enquête notamment sur la disparition présumée d’un don de 50 millions de dollars des Emirats, mais sa lenteur et son manque de moyens sont critiqués.

En proposant la légalisation du cannabis à laquelle s’oppose le président Faure, One Seychelles a également mis la drogue au coeur de la campagne dans un pays détient le record du monde d’héroïnomanes par habitant et a mis en place un système de distribution de méthadone couplée à des soins, désormais soutenu par l’ensemble de la classe politique.