Mali: Contribution : la CEDEAO va-t-elle imposer la solution CNRDRE au CNSP ?

De manière implicite, cette lancinante question semble se dégager des longues discussions de la journée du 24 août 2020 entre la CEDEAO et le CNSP.

La grosse pomme de discorde se situe au niveau du format de la transition.

Même si chacune des deux parties a manifestement abusé de la langue de bois sur la question, de profondes divergences séparent CNSP et CEDEAO.

LE CNSP ET LE SCHÉMA DE PRÉSIDENT DE TRANSITION

Le CNSP par réalisme sans aucun doute, reste à juste titre cramponné sur un schéma classique de transition impliquant de manière collégiale les civils et les militaires dans des proportions variables. Un schéma classique de transition dirigée par un Président consensuel de transition militaire ou civil. La position du CNSP largement partagée au Mali est bien celle d’un Président de transition civil ou militaire.

LA CEDEAO EN QUÊTE DE PRÉSIDENT INTÉRIMAIRE ?

La CEDEAO quant à elle, toujours aussi sourde et congénitalement cramponnée à des bricolages juridiques indécentes, paraît très clairement suggérer au contraire un schéma de Présidence intérimaire à base constitutionnelle. Ce schéma de “Présidence intérimaire” qu’il ne faudrait pas confondre avec celui de la “Présidence de transition” se nourrit de l’illusion que la Constitution du Mali n’est pas suspendue comme le répètent du reste à tort le CNSP.

C’est bien dans ce registre qu’il faut comprendre d’ailleurs la visite matinale du 24 aout 2020 de la mission de la CEDEAO à cette disqualifiée Cour constitutionnelle n’ayant plus aucune existence juridique.

La visite matinale de la CEDEAO à cette Cour fantôme ne participe que d’une pure logique de bricolage juridique.

Dans le fond et au mépris de l’impossibilité de toute Présidence intérimaire du fait de la double dissolution de l’Assemblé nationale et du gouvernement, la CEDEAO semble bien avoir l’intention d’imposer au Mali un Président intérimaire en lieu et place d’un Président de transition. La disqualifiée Cour constitutionnelle de IBK et compagnie pourrait très probablement être instrumentalisée au service de cette sale besogne.

VERS UN BRICOLAGE INSTITUTIONNEL MONSTRE ?

Ainsi donc la CEDEAO semble donner la preuve par l’absurde de n’avoir rien oublié de ses bricolages juridiques de 2012 où le Mali était matériellement régi par deux Constitutions : la Constitution de 92 et l’Accord-Cadre. En revanche, elle n’arrive toujours pas à comprendre que ce qui arrivé ici ce 18 août 2020 n’a absolument rien à voir avec les événements de 2012.

ATT en démissionnant n’avait sacrifié ni l’Assemblé nationale ni le gouvernement. Tel n’est pas le cas de IBK dont la démission fait l’effet d’une rupture constitutionnelle formelle par son double acte préalable de dissolution de l’Assemblée nationale et du gouvernement qui neutralise complètement toute possibilité de Présidence intérimaire.

Du coup, l’obsession de rétablissement constitutionnel immédiat qui fait perdre tout discernement à la CEDEAO, risque de la conduire vers des montagnes institutionnels encore plus grotesques et plus débiles qu’en 2012. Le constat est qu’au Mali aujourd’hui, l’espace politique se réduit à un gros tas de débris institutionnels consécutifs à la rupture constitutionnelle du fait de la démission de IBK précédée de la double dissolution de l’Assemblé nationale et du gouvernement

Qui donc, la CEDEAO va-t-elle ramasser dans ce tas de débris pour en faire le Président par intérim?