LE SYSTÈME POST-COLONIAL: NOUVELLE RUÉE POUR L’AFRIQUE? ETUDE DE CAS: LA FRANCE EN AFRIQUE

«Le XXIe siècle sera influencé par ce qui se passera non seulement à Rome ou à Moscou ou à Washington, mais aussi en Afrique», disait le président des USA Barak Obama à Ghana, le 11 juillet 2009. En effet, depuis le début du XXIème  siècle, l’Afrique revient à l’attention, cette fois-ci non seulement à cause de guerres ou fléaux, mais aussi parce qu’on commence à voir l’importance économique et géopolitique du continent. Aujourd’hui, le continent africain a une population estimée à 1 milliard d’âmes et, on prévoit un accroissement exponentiel de 2 milliards en 2050 et de 4 milliards de personnes en moins d’un siècle.

Quant aux ressources économiques, leurs dimensions ont été récemment soulignées par un rapport publié ce février 2015 par le haut comité de l’Union Africaine sur les flux financiers illégaux et la Commission Économique de l’ONU pour l’Afrique (UNECA). Le rapport estime que l’Afrique perd annuellement plus de 50 milliards USD en flux financiers illégaux et que des gouvernements et des multinationales développent des fraudes pour éviter de payer des taux et impôts dans quelques-uns des plus pauvres pays du monde.

Le rapport mentionne que les transferts illégaux d’argent depuis l’Afrique a triplé les 20 dernières années, le continent ayant perdu quelques 850 milliards USD entre 1970 et 2008, ce qui fait qu’en réalité l’Afrique soit un créditeur plus qu’un débiteur du monde.

Si les Chinois furent les premiers à se précipiter vers cette nouvelle «ruée vers l’or», l’occident traditionnel prend aussi ses mesures et commence à mettre à l’œuvre le système postcolonial. On assiste, de la part de l’Occident, à un effort de reconstruire un «colonialisme pour notre temps», ce qu’on appelle la «reconquête africaine», la «nouvelle ruée pour l’Afrique» (scramble for Africa[1]), ou, tout simplement, un néocolonialisme qui dépasse les limites raciales pour devenir une affaire de classe, se démarquant ainsi de la dimension nationale, au service de quelques familles multinationales.

Le besoin de l’Occident de ne pas «perdre» l’Afrique a été relevé le 3 février 2015 par le lieutenant-général Vincent Stewart, le chef de la DIA (les renseignements militaires américains), devant le Comité des forces armées de la Chambre des Représentants du Congrès américain. Lors de sa comparution, il a souligné que «le nombre croissant d’Etats devenus vulnérables et ingouvernables dans la région du Moyen-Orient est dû au recul des Etats modérés et séculiers dans la région». Il s’est aussi inquiété du développement de Daesh[2] en Afrique du Nord, principalement en Algérie, en Libye et en Egypte où de nombreux attentats sont désormais revendiqués.D’autres menaces citées par le chef du DIA sont en liaison avec l’extension de zones de non-droit et vides de toute structure étatique: Syrie, Yémen, Libye et nord-est du Nigéria et nord du Mali.

Récemment aussi, le Sénat français, par l’intermédiaire de la Commission des affaires étrangères/de la défense et des forces armées, a publié un rapport sur les relations France-Afrique, qui veut un projet pour le continent africain à travers la politique extérieure française. Les rédacteurs invitent à «se départir des préventions postcoloniales et assumer le fait que l’Afrique n’est pas seulement partie prenante de notre histoire, mais aussi un élément-clé de notre avenir».

La France développe ses intérêts économiques et stratégiques non seulement en Afrique francophone, mais aussi en Egypte, pays avec lequel on vient de signer, début février 2015, un contrat de vente d’équipement militaire en valeur de plus de 5 milliards d’euros. Les principaux éléments en sont 24 avions Rafale, une frégate multi-mission FREMM et des missiles MBDA.

L’affaire égyptienne serait bouclée en trois mois, après une visite à Paris du président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi. L’enjeu de la visite était la dégradation de la situation en Libye, Paris et le Caire redoutant que ce pays bascule sous le contrôle des groupes armés jihadistes. Un rôle important dans l’affaire a aussi été joué par les très bonnes relations entre M. Sissi et le ministre de la défense français, Jean-Yves Le Drian.

Les démarches de la France sont mises par certains analystes sur l’intention de s’engager dans de nouvelles interventions militaires. Une des zones visées est la Libye, vu que depuis quelques mois, le ministre français de la défense Jean-Yves Le Drian enchaîne les entretiens avec les chefs d’Etat des pays voisins pour former une coalition militaire régionale afin de lancer une intervention française.

Parmi ces chefs d’Etat il y a notamment ceux qui ont été mis ou maintenus au pouvoir par des interventions de la France. Lors du récent «Forum de Dakar», Idriss Déby, le chef d’Etat en Tchad, plaidait pour une intervention en Libye et enjoignait aux Français de faire le «service après-vente» de la chute du régime de Kadhafi. Le président du Niger, Mahamadou Issoufou a eu un discours similaire, demandant une intervention armée pour éviter des risques de «somalisation» de la Libye. Des propos similaires ont été repris les dernières semaines par le ministre français de la défense, qui a affirmé que la Libye était devenue «un sanctuaire pour les terroristes» qui «menacent la stabilité du Niger et, plus loin, de la France».

Pour certains analystes, les déclarations du ministre français de la Défense montrent que les incursions prévues en Libye du sud font partie d’un agenda néocolonial plus vaste, que la France poursuit au niveau du continent. Le Drian a dit que des opérations contre-terroristes par les troupes françaises et des forces locales seraient nécessaires à travers «une région qui s’étend de la Corne de l’Afrique à la Guinée-Bissau». Selon un diplomate arabe resté anonyme, l’armée française prépare le lancement de frappes contre des cibles en Libye dans les prochains mois.

Le président François Hollande avait déjà pressé les Nations Unies de lui donner son aval politique pour une nouvelle action militaire en Libye après la guerre menée par l’OTAN en 2011. A son tour, le ministre français de la défense a déclaré que les troupes françaises actuellement déployées au nord du Mali pourraient se déplacer vers le nord-est et entrer en Libye en passant par l’Algérie, et que «tout cela se fait en bonne intelligence avec les Algériens qui sont des acteurs majeurs de cette région et dont c’est aussi l’intérêt».

La France a déjà annoncé qu’elle était prête à intervenir militairement du Nigeria à la Syrie et de la Libye à d’autres pays d’Afrique comme le Cameroun.

De la première à la seconde «Ruée pour l’Afrique»

Le partage de l’Afrique

Le partage de l’Afrique désigne le processus de compétition territoriale entre les puissances européennes sur le continent, partie du mouvement général de colonisation de la fin du XIXème siècle (principalement entre 1880 et la Première Guerre mondiale). Les principaux pays européens concernés étaient la France et le Royaume-Uni; l’Allemagne, l’Italie, le Portugal, la Belgique et l’Espagne y ont aussi participé, mais de façon moins importante et souvent plus tardive.

Ce processus a été appelé Scramble for Africa («ruée pour l’Afrique») en anglais. Ce terme insiste sur la concurrence entre les puissances coloniales, alors que l’expression française met plus en avant les conséquences africaines. C’est durant ces années que les grandes lignes de nombreux territoires africains actuels ont été tracées. Cette division a été souvent symbolisée par la Conférence de Berlin (1884-1885), même si cette conférence n’a fait que fixer des règles et n’a pas procédé au partage. La division a souvent repris des tracés antérieurs, dont elle a changé la signification.

La seconde moitié du XIXème siècle, à partir de 1877, a vu la transition d’un impérialisme informel, caractérisé par une influence militaire et une dominance économique, vers une gouvernance centralisée, une domination directe.

Les relations entre les puissances européennes à propos de l’Afrique entre les XIXème et XXème siècles peuvent être considérées comme emblématiques des événements qui ont amené à la Première Guerre mondiale.

Le post-colonialisme

Comme celle du début du XXème siècle, l’Afrique indépendante est partagée de 1960 à 1963 en deux camps: celui dit «de Casablanca» (Egypte, Maroc, Guinée, Ghana et Mali) qui considère que les indépendances «octroyées» n’ont pas réglé la question de la libération, et celui dit «de Monrovia» (les autres pays) qui acceptent leur sort, qualifié par les premiers de «néo-colonialiste». Elle se retrouve réunie dans l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), créée en 1963. Toute l’Afrique indépendante adhère aussi au Mouvement des Non-Alignés, dont l’esprit a trouvé un écho suffisant pour engager non seulement ses peuples mais encore les classes dirigeantes et les gouvernements.

L’Afrique nouvelle est fragile, précisément par l’héritage que la colonisation lui lègue. Les sociétés africaines sont menacées de désintégration. Le discours dominant en attribue la responsabilité à la «maturité insuffisante» de ces sociétés, sous entendu trop vite décolonisées.

Dans des économies aussi fragiles que celles que l’Afrique a héritées de la colonisation, et avant celle-ci de la traite négrière, un système productif digne de ce nom n’a pas pu être établi, car l’Etat, auquel revient la responsabilité de créer un système productif cohérent, est pratiquement absent.

Le néocolonialisme se déploie sur un fond de crise permanente. C’est la raison pour laquelle il a été remis en question par les vagues successives de ripostes nationales populistes. La première de ces vagues – le Ghana de Nkrumah, le Mali de Modibo, la Guinée, le Congo – s’était à peine épuisée que se renouvelle la tentative, en Afrique de l’Ouest, au Bénin, puis au Burkina Faso, alors qu’une renaissance s’amorce peut être au Ghana et au Mali, en Afrique de l’Est en Tanzanie, en Ethiopie, à Madagascar puis en Afrique australe.

Aujourd’hui, l’impasse est plus dramatique que jamais. L’attaque frontale contre la paysannerie qui est, en fait, le programme de libéralisation de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), accélère la transformation du continent en un monde de campagnes désolées et de bidonvilles. La pression migratoire qui en résulte en est la conséquence inéluctable, tandis que les Européens s’entêtent à n’envisager la coopération des Etats africains dans ce domaine que dans le cadre de sa gestion policière.

L’OUA, devenue Union Africaine (UA), a une vocation principalement politique dont les fonctions ont été d’une part de soutenir les luttes de libération dans les colonies portugaises, au Zimbabwe, en Namibie et en Afrique du Sud, et d’autre part d’arbitrer les conflits intra-Etatiques.

L’OUA constituait dans cet esprit un substitut du panafricanisme. Pendant les «décennies du développement» (1960 et 1970) les tâches de l’OUA ont été rendues relativement aisées du fait que les Etats qui la constituaient bénéficiaient d’une certaine légitimité auprès de leurs peuples.

La conjoncture politique est aujourd’hui différente. L’érosion des modèles de développement populistes et le diktat de la mondialisation libérale ont brutalement délégitimé la majorité des Etats africains, sans que les formes qui ont pris le relais des pouvoirs nationalistes populistes autocratiques parviennent à restaurer la légitimité de gouvernements, devenus incapables d’offrir à leurs peuples un progrès social. Au vu de certains historiens, l’Afrique est alors entrée dans une phase d’involution caractérisée par ce qu’on appelle les «guerres tribales internes». Car il ne s’agit pas là de conflits ayant leur origine véritable dans l’hostilité des ethnies, mais de conflits fabriqués par des seigneurs de la guerre cherchant à faire main basse sur les ressources des pays (pétrole, diamant), mobilisant l’ethnicité à cet effet. L’OUA et même l’ONU s’avèrent dans ces conditions impotentes.

Sur le plan économique, dans la nouvelle perspective libérale, la réorganisation des rapports euro-africains s’inscrit dans le cadre tracé par l’OMC, consolidant ainsi les monopoles que les centres détiennent dans des domaines décisifs, dont le contrôle de l’accès aux ressources naturelles, la génération des nouvelles technologies et l’organisation du système monétaire et financier. Dans cet esprit, les régionalisations tirent leur rationalité de leur capacité de constituer des espaces de déploiement optimal des activités des oligopoles transnationaux.

Durant les décennies 1960 et 1970, derrière les conventions d’association entre la Communauté Economique Européenne et les pays africains on pouvait lire en pointillé le souci de l’Europe d’assurer son ravitaillement en produits agricoles tropicaux et en produits miniers et pétroliers. Aligné sur la rhétorique de l’OMC, l’Europe a souscrit sans réserve à «l’ordonnance médicale universelle» des programmes d’ajustement structurel.

Les pouvoirs locaux ont parfois tenté de résister à ces programmes qui, en mettant un terme à l’expansion de leur base sociale, leur faisaient perdre toute légitimité. Le poids de la dette extérieure et la corruption dans la gestion publique ont réduit à néant leur marge de manœuvre, les contraignant à se soumettre aux institutions internationales chargées de gérer directement leur crise. L’initiative dite des «pays pauvres très endettés», formulée par la Banque Mondiale et imposée par l’Union Européenne, s’inscrit dans ce plan de ré-colonisation du continent.

Dans ce contexte on parle d’une seconde vague de colonisation, qui a commencé dans les années 1980 et 1990, avec les réformes imposées aux pays africains par la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International, appelés au début «ajustement structurel». L’État a dû dégraisser et les investisseurs privés ont pu agir en toute liberté. Comme ces réformes, comme ailleurs, n’ont pas eu de succès, on entend de plus en plus souvent, en Afrique, des voix qui réclament une seconde indépendance.

La seconde «ruée pour l’Afrique»

En 2007, un rapport de l’UNCTAD (l’agence des Nations unies pour le commerce et le développement) révélait déjà l’ampleur croissante des exploitations minières. C’était une rupture car, pendant deux décennies, les prix des matières premières avaient été bas et il y avait eu peu d’investissements. Le bouleversement est surtout venu des pays émergents, le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, qui avaient de plus en plus besoin de matières premières et se sont tournés vers l’Afrique. Dans ce contexte, on a commencé à évoquer une nouvelle ruée vers l’Afrique, tout comme il y a plus de cent ans.

Depuis une vingtaine d’années, les pays émergents (Chine, Brésil, Inde, Russie, Afrique du Sud, Turquie) investissent massivement en Afrique. Il y a principalement quatre raisons principales pour le rapprochement entre pays émergents et Afrique: la convoitise envers les ressources naturelles africaines (hydrocarbures, cobalt, cuivre, bois, etc.), l’appétit des investisseurs envers les taux de croissance de certains pays africains (comme l’Angola, l’Ethiopie, le Mozambique et le Rwanda), la recherche d’appuis ou d’alliances dans les négociations internationales et la nécessité pour les émergents d’accentuer leur périmètre d’influence, leur visibilité et leur reconnaissance internationales.

La Chine est le pays émergent qui a le plus massivement investi en Afrique, au point de devenir le premier partenaire économique de ce continent. Quelque 2000 entreprises chinoises y sont implantées. L’investissement chinois suscite de nombreuses critiques, l’Empire du milieu étant souvent accusé d’attitudes néocolonialistes. On assiste aussi à une augmentation exponentielle des relations commerciales entre le Brésil et l’Afrique, passées de 3,5 milliards d’euros en 2003 à 21 milliards en 2012.

Les chercheurs ont identifié des stratégies communes mises en œuvre par les puissances émergentes dans leur rapprochement avec le continent africain. Toutes ont une attitude de non-ingérence dans les affaires intérieures des pays africains, à la différence des pays occidentaux qui abordent parfois des questions comme le respect des droits humains. Cette attitude aide les émergents à s’attirer les faveurs de certains dirigeants africains et facilite la conclusion de contrats.

Les émergents ont aussi en commun un renforcement de leurs relations diplomatiques avec les pays africains. Ils ouvrent de nouvelles représentations diplomatiques (la Turquie a triplé le nombre de ses ambassades en Afrique) et multiplient les sommets réunissant les plus hautes autorités politiques. Depuis Hu Jintao, chaque nouveau président chinois réserve ses premiers voyages à l’étranger à l’Afrique, et non à l’Europe ou aux Etats-Unis.

Les pays émergents accordent de plus en plus de bourses d’études aux étudiants africains. Lorsque la Russie a recommencé à s’intéresser de très près à l’Afrique, l’une de ses stratégies a consisté à réactiver ses réseaux d’anciens boursiers formés dans les universités soviétiques. Ils parlent encore le russe et ont facilité la pénétration russe sur le continent.

L’expansion des pays émergents en Afrique est l’expression d’un décentrage progressif du pouvoir mondial. Les pays du Nord ont perdu des marchés au profit des pays émergents et leur poids relatif en Afrique diminue. On assiste à une évolution lente des rapports de force. Dans ce contexte concurrentiel de plus en plus tendu, les puissances occidentales, en dépit de leurs propres rivalités, pointent du doigt l’avancée de la Chine, qui remporte un nombre croissant d’appels d’offre, comme le chantier de l’aéroport de Nairobi (où la France à dû s’incliner), la modernisation des télécom d’Ethiopie, le mégaprojet portuaire de Bagamoyo (en Tanzanie), etc. La Chine est aussi active dans les médias (journaux, radios, télévisions satellites), ainsi que dans la construction d’écoles et d’hôpitaux (parfois réalisée au titre de dons).

La Chine et les Etats-Unis se livrent un véritable «match stratégique». La première a offert un bâtiment futuriste de dix-huit étages en verre et acier à l’UA pour son siège d’Addis Abeba, d’une valeur de 200 millions USD, et annonce un plan d’investissement de 20 Md USD pour 2013-15, tandis que les seconds, dans la foulée de la campagne «Doing business in Africa», lancée par Obama en novembre 2012, s’engagent à hauteur de 7 Md USD sur 5 ans, qui devraient attirer 9 Md USD de capitaux privés, pour l’électrification de l’Afrique subsaharienne. Les Britanniques sont aussi en passe de remonter en puissance en Afrique: David Cameron a ainsi décidé de désigner des «trade envoys», investis de larges prérogatives, en Afrique.

La nouvelle phase de l’histoire qui s’ouvre est caractérisée par l’aiguisement des conflits pour l’accès aux ressources naturelles de la planète. Les Etats du capitalisme central entendent se réserver l’accès exclusif à cette Afrique «utile» (celle des réserves de ressources naturelles), et en interdire l’accès aux «pays émergents» dont les besoins sur ce plan sont déjà considérables et le seront de plus en plus. La garantie de cet accès exclusif passe par le contrôle politique et la réduction des Etats africains au statut d’Etats clients.

Cette préoccupation centrale gouverne largement les projets de «coopération» entre l’Europe et l’Afrique. On sait par exemple que le Niger est inondé «d’aides», destinées principalement à la corruption de son pouvoir politique (et non parce qu’il est le pays le plus pauvre du continent) et à éviter que ne s’installe à Niamey un pouvoir susceptible de nationaliser les mines d’uranium (contrôlées par le Commissariat français à l’énergie atomique) dans une région située entre l’Algérie, la Lybie et le Nigeria.

Le cas du Niger illustre à la perfection l’articulation ressources minérales stratégiques (l’uranium) / aide «indispensable» / maintien du pays dans le statut d’Etat-client. C’est pourquoi l’arme de la «rébellion touareg» (voir ci-dessous) est mobilisée ici, avec cynisme. En fragilisant par ce moyen le pouvoir de Niamey on facilite sa soumission. Le conflit autour des concessions, jadis monopole exclusif de la France, révèle la réalité de la menace de l’entrée en lice de la Chine et des autres émergents.

Les conséquences de la crise économique

On avait constaté, au début du XXIème siècle, une croissance économique africaine annuelle supérieure à 5% en moyenne et un reclassement géopolitique. Les équilibres financiers étaient, dans l’ensemble, réalisés avec une forte réduction de la dette extérieure et des finances publiques. L’Afrique avait diversifié ses partenaires et a accédé à de nouveaux financements. La flambée des cours des hydrocarbures, des produits miniers, agricoles et alimentaires s’expliquait largement par la croissance économique rapide des «émergents». On constatait globalement un maintien d’une spécialisation post coloniale entre les fournisseurs de matières premières non transformées et les fournisseurs de produits manufacturés ou de services. La crise mondiale a modifié ces trajectoires.

La crise mondiale infléchit les trajectoires de l’Afrique par le biais de trois principaux canaux de transmission:

  1. Le canal commercial et productif. La chute en valeur des exportations se répercute en termes de devises et de recettes budgétaires.
  2. Le canal financier. Les économies africaines ont été à court terme relativement déconnectées de la crise financière. Plusieurs effets financiers apparaissent néanmoins: la chute des transferts des migrants, la baisse de la partie «don» de l’aide publique au développement et la chute des investissements directs étrangers.
  3. L’instabilité des prix. Largement dépendantes des prix pétroliers, agricoles et alimentaires, les économies africaines subissent les effets de l’extrême volatilité des prix rendant impossible toute prévision et privilégiant ainsi des comportements court-termistes.

Le basculement des pays capitalistes arriérés, notamment ceux d’Afrique, dans la crise de la dette, au début des années 1980, a eu pour conséquence une augmentation de 310 % des versements annuels d’intérêt sur la dette, hormis les paiements au titre du remboursement du capital, puisque ceux-ci sont passés de 19 milliards en 1978 à 59 milliards de dollars en 1982.

La charge des intérêts ou du financement de la dette avait ainsi cru deux fois plus vite que la dette. Dans le même temps, la chute des recettes d’exportation bloquées par une politique mondiale des prix des produits de base, qui sont tombés en 1982 à leur niveau le plus bas depuis la deuxième guerre mondiale, aggravait leur situation. Le FMI et la Banque mondiale, au service des gouvernements des pays capitalistes dominants, ont alors imposé des réformes néolibérales qui ont entraîné des dévastations économiques, politiques et sociales incommensurables.

La crise actuelle aura des graves conséquences pour les pays sous-développés de l’Afrique. La première de ces conséquences, c’est la raréfaction du crédit. Au moment où les taux d’intérêt baissent dans les pays capitalistes dominants, on assiste à un phénomène contraire en Afrique. Les taux d’intérêt ont plutôt tendance à augmenter parce que les banques privées des pays capitalistes dominants rechignent à accorder des prêts et durcissent en même temps les conditions de prêts. De plus, cela entraînerait l’accroissement des difficultés de remboursement de la dette extérieure et l’accumulation d’arriérés.

Deuxièmement, une dépression économique aurait pour conséquence directe une contraction de la demande mondiale de production primaire et par conséquent une réduction de la demande de matières premières et une baisse de revenus d’exportation. La chute des exportations induirait automatiquement une récession économique en Afrique avec ses conséquences sur l’activité économique, l’emploi, la santé, l’éducation et les infrastructures.

Enfin, l’Afrique est déjà au centre de la lutte acharnée que se livrent les Etats capitalistes dominants et secondaires pour la conquête des marchés, le contrôle des sources de matières premières, mais aussi pour la défense des zones d’influence et places sur le marché mondial.

Les plans d’ajustement ont permis de déconstruire les Etats pour permettre le pillage des économies nationales. Cette situation va s’aggraver en raison de la crise. La bataille pour la conquête et le contrôle des sources de matières premières, la défense des zones d’influence qui fait déjà rage en Afrique va de toute évidence s’accentuer avec la crise du capitalisme financier, ce qui aurait pour conséquence une quasi-recolonisation de l’Afrique

Accaparement des terres africaines

En ces périodes de tensions alimentaires et de dérèglements climatiques, l’agriculture semble être l’investissement le plus prometteur. Etats, entreprises publiques ou privées, fonds souverains ou d’investissements privés multiplient les acquisitions – ou les locations – de terres dans les pays du Sud ou en Europe de l’Est, pour se lancer dans le commerce des agro-carburants, exploiter les ressources du sous-sol, assurer les approvisionnements alimentaires pour les Etats, voire bénéficier des mécanismes de financements mis en œuvre avec les marchés carbone. Ou simplement spéculer sur l’augmentation du prix du foncier. Souvent les agricultures paysannes locales sont remplacées par des cultures industrielles intensives. Avec, à la clé, expropriation des paysans, destruction de la biodiversité, pollution par les produits chimiques agricoles, développement des cultures OGM etc.

Le phénomène d’accaparement est difficile à quantifier. De nombreuses transactions se déroulent dans le plus grand secret et il est aussi difficile de connaître l’origine des capitaux. L’accaparement de terres représenterait 83 millions d’hectares dans les pays en développement, l’équivalent de près de trois fois la surface agricole française (1,7% de la surface agricole mondiale). Selon l’ONG Oxfam, qui vient de publier un rapport à ce sujet, «une superficie équivalant à celle de Paris est vendue à des investisseurs étrangers toutes les 10 heures», dans les pays pauvres. L’Afrique, en particulier l’Afrique de l’Est (la République Démocratique du Congo-RDC est la région la plus convoitée, avec 56,2 millions d’hectares).

Les acteurs de l’accaparement des terres, privés comme publics, soutiennent que seul l’agrobusiness pourra nourrir le monde en 2050 et que leurs investissements visent à «valoriser» des zones qui ne seraient pas encore exploitées. Mais la réalité montre que 45% des terres faisant l’objet d’une transaction sont des terres déjà cultivées. Et un tiers des acquisitions sont des zones boisées, très rentables lorsqu’on y organise des coupes de bois à grande échelle.

Dans le cas de Liberia, 40% des forêts sont gérés par des permis à usage privés qui permettent de contourner les lois du pays. La surface est estimée à quelques 20 000 km2, soit un quart de la surface du pays, s’agissant de régions gravement touchées par le problème de la faim.

Deux géants français: Bolloré et Tereos

Un des principaux acteurs de l’accaparement de terres agricoles est le groupe français conduit par Vincent Bolloré. Ce groupe, via l’entreprise Socfin et ses filiales Socfinaf et Socfinasia, est présent dans 92 pays dont 43 en Afrique. Il y contrôle des plantations, ainsi que des secteurs stratégiques: logistique, infrastructures de transport, et pas moins de 13 ports, dont celui d’Abidjan. L’empire Bolloré s’est développé au cours des deux dernières décennies en achetant des anciennes entreprises coloniales, et en profitant de la vague de privatisations issue des «ajustements structurels» imposés par le Fonds Monétaire International.

Au Sierra Leone, Bolloré a obtenu un bail de 50 ans sur 20 000 hectares de palmier à huile et 10 000 hectares d’hévéas. Bien que directement affectés, les habitants de la zone concernée semblent n’avoir été ni informés ni consultés correctement avant le lancement du projet. Quand, en 2011, les villageois tentèrent de bloquer les travaux sur la plantation, quinze personnes ont été inculpées de tapage, conspiration, menaces et libérées sous caution après une bataille judiciaire.

Au Libéria, le groupe Bolloré possède la plus grande plantation d’hévéas du pays, via une filiale, la Liberia Agricultural Company (LAC). En mai 2006, la mission des Nations Unies au Libéria (Minul) publiait un rapport décrivant les conditions catastrophiques des droits humains sur la plantation: travail d’enfants de moins de 14 ans, utilisation de produits cancérigènes, interdiction des syndicats, licenciements arbitraires, maintien de l’ordre par des milices privées, expulsion de 75 villages. Plusieurs années après le rapport, aucune mesure n’a été prise par l’entreprise ou le gouvernement pour répondre aux accusations.

Du côté des industries du sucre, depuis 2007 la coopérative agricole Tereos, le géant français du sucre et de l’éthanol, qui contrôle une société mozambicaine, exploite la sucrerie de Sena et possède un bail de 50 ans (renouvelable) sur 98000 hectares au Mozambique. Le contrat passé avec le gouvernement prévoit une réduction de 80% de l’impôt sur le revenu et l’exemption de toute taxe sur la distribution des dividendes. Résultat: Tereos International réalise un profit net de 194 millions d’euros en 2010, dont 27,5 millions d’euros ont été rapatriés en France sous forme de dividendes, soit un dividende de 2600 euros par agriculteur français membre de la coopérative. Pendant ce temps, au Mozambique, grèves et manifestations se sont succédés dans la sucrerie de Sena: bas salaires (48,4 euros/mois), absence d’équipements de protection pour les saisonniers, nappe phréatique polluée aux pesticides.

FMI/Banque Mondiale

Beaucoup d’analystes africains sont d’accord sur le fait que les politiques imposées par le FMI et la Banque Mondiale, ainsi que par l’Union Européenne, ont détruit l’agriculture et l’éducation, surtout dans le milieu rural, ce qui est une des causes de l’orientation des jeunes Africains vers le terrorisme.

L’Europe vient de signer des accords avec l’Afrique de l’Ouest, signés par tous les chefs d’État sauf la Gambie, la Mauritanie et le Nigeria. L’objectif réel de ces «Accords de Partenariat Economique» (APE), le libre échange, c’est de supprimer les droits de douane pour que l’Europe puisse déverser en Afrique sa production à bas coût. Les produits d’Europe vont concurrencer la production locale, les agriculteurs ne vendront plus et la pauvreté va encore augmenter.

Le 10 juillet 2014, à Accra, capitale du Ghana, seize chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest ont signé un projet d’accord dit de partenariat économique entre l’Union européenne (UE) et les quinze Etats de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) plus la Mauritanie. Il s’agit en fait d’un accord de «libre-échange» visant à supprimer 75 % des droits de douane sur les importations venant de l’UE et à limiter leur politique commerciale au-delà des exigences de l’OMC.

Cet accord est considéré un désastre pour les peuples d’Afrique de l’Ouest car il est un blanc-seing donné par la Commission européenne aux multinationales pour piller les ressources et le marché africains.

Les peuples d’Afrique de l’Ouest et des autres pays d’Afrique subsaharienne et des quatorze petites îles du Pacifique sous la menace de semblables accords, ont tout à y perdre. L’APE SADC de six Etats de l’Afrique australe a aussi été paraphé le 22 juillet 2014. Les douze Etats sur seize d’Afrique de l’Ouest ayant le statut de PMA (pays moins avancés) ne pourront plus taxer les 10,6 milliards d’euros de produits qu’ils importent de l’UE, d’où des pertes budgétaires considérables.

Pour tous les pays concernés, c’est l’ensemble de leur agriculture paysanne et vivrière, leur sécurité alimentaire et tous les projets actuels de transformation sur place et de développement de l’industrie régionale, qui seront frappés de plein fouet par une concurrence européenne déloyale, destructrice d’emplois, et par une dépendance accrue vis-à-vis des cours des marchés mondiaux. Le développement endogène de la région et les projets d’intégration régionale seront sacrifiés au bénéfice d’une économie tournée vers l’exportation et fortement carbonée, avec des peuples réduits à importer des produits subventionnés et de qualité douteuse venant concurrencer leurs propres productions.

Le monde rural en Afrique a été abandonné. Les agriculteurs se sont retrouvés dans une compétition féroce. En plus les intermédiaires sont apparus et ont pris une partie de leurs revenus. En vendant un sac de céréales, les paysans ne couvrent même plus leur coût de production. Il faut ajouter à cela les aléas climatiques, les sécheresses, les inondations qui sont de plus en plus fréquentes à cause du réchauffement climatique.

Les familles sont pauvres, vulnérables, n’ont pas les revenus pour s’alimenter dignement et encore moins pour donner une éducation de qualité à leurs enfants parce qu’il faut payer, l’État ne prend plus en charge l’éducation de base. Les jeunes tentent d’émigrer, ou bien deviennent la proie des prédicateurs qui leur disent que s’ils vont au combat, ils vont directement au paradis.

Une autre conséquence prévisible sera la migration massive de populations privées d’avenir dans leur pays, dans une situation où la population d’Afrique de l’Ouest devrait passer de 302 millions d’habitants en 2010 à 510 millions en 2030 (autant que dans l’UE aujourd’hui comme en 2030) et 807 millions en 2050.

La France en Afrique: du colonisateur au combattant anti-jihadiste

Les interventions militaires françaises au Mali (janvier 2013) et en République Centrafricaine (décembre 2013), ont donné lieu a de nouvelles accusations que la France agit comme un pouvoir colonial et que Paris considère encore l’Afrique un «pré carré», malgré les assurances du ministre des affaires étrangères Laurent Fabius que la France n’est plus le gendarme de l’Afrique.

Avec 11 bases militaires permanentes et plus de 20000 militaires dans ses anciennes colonies, la France est une des principales forces militaires en Afrique. Lorsque les Touaregs ont menacé l’intégrité territoriale du Mali, en proclamant l’indépendance de l’Azawad en 2012, ce réseau de bases a permis l’intervention de la France, avec l’appui logistique des Etats Unis. De même, lorsque le groupe islamiste Seleka a renversé le pouvoir en Centrafrique, fin 2013, la France a été le seul pouvoir occidental à envoyer des troupes pour désarmer les milices islamiques. C’est aussi vrai que les interventions françaises ont été mandatées par l’ONU et qu’elles ont eu aussi des composantes militaires africaines.

Les liaisons économiques sont aussi fortes, avec deux monnaies Franc CFA (Ouest-Africain et Centrafricain) utilisées dans 14 pays, garanties par la Trésorerie française et fixées sur l’Euro. La France demeure le plus important partenaire commercial de ces pays et les compagnies françaises, qui ont un vaste réseau d’influence politique parmi les élites africaines, sont des acteurs majeurs dans ces pays. Le meilleur exemple est celui de Bolloré Africa Logistics, une branche du groupe français Bolloré, qui est présent en 43 pays africains et contrôle plusieurs ports parmi lesquels Douala (Cameroun), Abidjan (Côte d’Ivoire) et Cotonou (Benin). Le groupe Bolloré a aussi acheté plusieurs infrastructures ex-coloniales et son PDG, Vincent Bolloré, est en relations avec plusieurs chefs d’Etat africains.

Les affirmations de deux présidents, François Mitterrand, qui prophétisait que «Sans l’Afrique, la France n’aura pas d’histoire au XXIème siècle», et Jacques Chirac, qui estimait que «Sans l’Afrique, la France va glisser vers le bas dans le rang de troisième puissance (du monde)» sont significatives pour l’importance des intérêts français sur le continent.

Comme ses prédécesseurs, François Hollande a rapidement fait sien l’adage consacré: «Grâce à l’Afrique, la France demeure la plus grande des puissances moyennes». Abandonner une once de cette influence et ce statut se délitera aussitôt pour, au final, disparaître sous le feu nourri de la mondialisation. Bien qu’ignorant tout de l’Afrique, le chef de l’Etat a donc dû en évaluer l’importance géostratégique, en s’efforçant de maintenir les grands fondamentaux du pacte colonial.

L’un de ces éléments fondamentaux a été, pour François Hollande comme pour ses prédécesseurs, de se soumettre aux coutumes de cette relation très codifiée, en recevant à l’Elysée, au lendemain de son élection, la noria des présidents francophones d’Afrique venus comme pour se faire adouber par le nouveau «chef du village», dans une cérémonie qui a été initiée en 1973 par le président Georges Pompidou.

Une des étranges coutumes de ces guerres africaines semble venir d’un déni public: «ce n’est pas une aventure coloniale»; la «Françafrique est finie depuis longtemps»; «cette fois c’est autre chose» phrases qui ne peuvent cacher l’essentiel, c’est-à-dire les 50 interventions militaires françaises en Afrique subsaharienne en cinquante ans. La permanence d’hommes du «complexe militaro-colonial» aux postes-clés de l’armée et de l’Etat français explique en partie ces interventions qui entraînent la France dans une sorte de recolonisation accélérée, qui, par ses formes et sa dynamique, singularise ce pays par rapport aux autres puissances en Afrique. Par ailleurs, la France est le seul pays occidental qui maintient des bases militaires en Afrique et on a remarqué aussi que pas un seul grand pays européen n’a accompagné la France en Côte d’Ivoire, au Mali ou en Centrafrique.

Le pacte colonial et la «Françafrique»

Selon l’Encyclopédie Universelle Larousse, le pacte colonial, est une forme «de la conception mercantiliste de la colonisation qui visait à l’enrichissement de la métropole. Il stipulait: l’interdiction totale ou partielle du marché colonial aux produits étrangers; l’obligation d’exporter les produits coloniaux exclusivement ou principalement vers la métropole; l’interdiction, par la colonie, de produire des objets manufacturés, son rôle économique se bornant à celui de productrice de matières premières et de débouché commercial; le traitement de faveur accordé par la métropole aux produits coloniaux, accompagné d’une aide politique, militaire, culturelle et souvent économique, fournie par la métropole».

Les textes des pactes coloniaux sont «universellement propres» à tout l’univers africain francophone du pré carré français, pour les deux groupes ou zones qui constituent les colonies françaises d’Afrique, à savoir: l’ancienne Afrique Occidentale Française (AOF) et l’ancienne Afrique Equatoriale Française (AEF). Le texte de ces accords prétendus soumis à signature est le même. Il suffit de remplacer le nom de l’Etat africain (ancienne colonie), le nom de son chef d’État et la date de signature.

La relation actuelle entre la France et l’Afrique a une histoire séculaire de conquêtes et de cohabitation. La colonisation française de l’Afrique sous-saharienne commença sous Napoléon III, après 1850, pour continuer durant la 3ème République et, en 1884, le Congrès de Berlin partageait le continent africain entre les pouvoirs européens. Après la première guerre mondiale, la France gouvernait presque toute la partie nord-ouest de l’Afrique, d’Algérie au Gabon, excepté Nigéria et Ghana. Quarante and plus tard, la majorité de ces colonies devenaient indépendantes, mais les fortes liaisons économiques, stratégiques politiques et culturelles ont fait que les politiciens mais aussi les analystes parler de l’apparition de «Françafrique» et du «pré carré» français sur le continent.

Pour beaucoup de militants africains, La «Françafrique», c’est le prolongement, la suite logique, sous d’autres formes, de l’esclavage, du Code Noir de Louis XIV rédigé par Colbert en 1685, réactualisé par Bonaparte qui y avait adjoint le Code de l’Indigénat; c’est également la suite logique de la colonisation, l’autre face de la médaille de l’esclavage. La «Françafrique» est un système anachronique qui consacre la continuité des deux premiers, à savoir l’esclavage, la colonisation et son Code de l’indigénat. Elle institue le pillage des pays africains francophones, anciennes colonies françaises tout en les maintenant dans la dépendance, la pauvreté et la mendicité chroniques. Sans ce système, la France ne pourrait pas tenir son rang de puissance économique dans le concert des Nations.

De la cellule africaine aux réseaux multipliés

La «Françafrique» est considérée comme étant le fruit de la fameuse «Cellule africaine de l’Élysée», véritable laboratoire de conception, de «faiseurs et défaiseurs» de rois en Afrique. La «cellule», formée de diplomates et hauts fonctionnaires, est connue pour avoir été initiée suite à la décision du président Charles de Gaulle d’accorder les indépendances africaines et de décréter «la France amie de l’Afrique». En même temps, De Gaulle demanda à son conseiller Jacques Foccart de mettre en place un système de dépendance intégrale en maintenant un cortège d’États-clients. Foccart commença par sélectionner des chefs d’État «amis de la France» et tint son «pré-carré» par un contrôle économique, monétaire, militaire et par les services spéciaux. Paris imposa une série d’accords militaires largement secrets. Chaque chef d’État était chaperonné par un officier de la Direction Générale de Sécurité Extérieure (DGSE), qui en principe devait le protéger, mais pouvait aussi favoriser son élimination.

Depuis l’Élysée, Foccart tenait les fils militaires et civils de ce réseau occulte. Lorsqu’il se fait limoger par le président Valéry Giscard d’Estaing, d’autres réseaux et lobbies ont conquis leur autonomie. On est passé du réseau Foccart, avec une stratégie de raison d’État contrôlée depuis la présidence de la République, aux frères et neveux de Giscard, aux fils de François Mitterrand et de ministre de la défense Charles Pasqua. Une douzaine de réseaux ou lobbies se juxtaposent, et tous les présidents de la République et les Premiers ministres depuis vingt-cinq ans ont parfaitement toléré un système devenu incontrôlable. Le réseau Foccart a été légué à Jacques Chirac. Dès 1970, le ministre de la défense Charles Pasqua, qui se disputait avec Foccart, a édifié, à son compte, un puissant réseau. Celui de Giscard n’a pas eu la même ampleur, ni celui des Mitterrand père et fils (souvent allié au réseau Pasqua).

En fait, ces réseaux dépassent les différences politiques et l’opposition droite/gauche. Charles Pasqua et François Mitterrand se rencontraient régulièrement dans une villa appartenant à la compagnie pétrolière Elf. Ils avaient la même conception de l’Afrique, à base de pessimisme cynique. Les fréquentes alliances entre les réseaux Pasqua et Mitterrand avaient de quoi dérouter, dans les années quatre-vingt, les électeurs de leurs partis respectifs. Sur un autre registre, Elf armait les deux côtés de la guerre civile angolaise, et dans la guerre civile au Congo-Brazzaville, les réseaux français ont également armé et financé les deux camps.

À côté des cercles politiques, les grandes entreprises mènent leur propre stratégie. Elf gouverne trois ou quatre pays, comme le Gabon, le Cameroun, le Congo-Brazzaville, elle fait la politique de la France en Angola ou au Nigeria, etc. Le groupe Bouygues contrôle les services publics en Côte d’Ivoire et a bénéficié de gros marchés privilégiés, tout comme Suez-Lyonnaise-Dumez. Le groupe Bolloré a bâti un empire africain dans le transport, la logistique, le tabac, et d’autres matières premières agricoles ou sylvicoles. Il est en passe de remplacer Elf pour la qualité de ses liens avec les services secrets, en engageant comme son «Monsieur Afrique», Michel Roussin, un ancien numéro deux de la DGSE.

D’autres réseaux sont coordonnés par des militaires avec l’État-major qui fait la politique de la France à Djibouti et au Tchad. Il y a les différents services secrets, généralement rivaux: la DGSE, pionnière et encore pivot, mais aussi la DRM (Direction du renseignement militaire), qui a joué un rôle important au Rwanda; la ex-DST (Direction de la surveillance du territoire), qui s’est aventuré hors de l’Hexagone dans des pays comme le Soudan, l’Algérie, la Mauritanie, le Gabon ou le Burkina, la DPSD (Direction de la protection et de la sécurité de la Défense), ex-Sécurité militaire, qui est censée contrôler les trafics d’armes et les mercenaires. Il faut aussi tenir compte de la franc-maçonnerie, notamment à la Grande Loge nationale française, héritière des loges coloniales.

La fin de la guerre froide a vu un apparent déclin de l’attention française, qui s’est concentré sur l’Europe Centrale et de l’Est, mais la présidence de François Hollande paraît vouloir changer les choses, avec les interventions au Mali et en Centrafrique, mais aussi par avoir été le seul dirigeant occidental participant à la 50ème anniversaire de l’Union Africaine, où il a invité tous les chefs d’Etat africains à un sommet à l’Elysée, «pour la paix et la sécurité sur le continent».

Le geste a été considéré comme un signe que Hollande veut mener la France de nouveau vers l’Afrique, part indispensable de son histoire mais aussi de son avenir, surtout compte tenu du fait que l’actuelle tendance de croissance du continent offre de nouvelles opportunités pour une nation européenne en perte d’influence globale. Il reste à voir si la présidence socialiste réussira à créer une nouvelle «Françafrique» et refaire l’influence française sans raviver les aspects négatifs du colonialisme. Pour beaucoup, la «Françafrique» représente en fait cent cinquante ans de domination militaire et d’exploitation, sous des formes diverses mais avec des résultats similaires.

Une «Françafrique» à l’inverse

Le système «Françafrique», qui fonctionne grâce à la mise en place, la protection et la pérennisation des chefs d’État «amis» et des régimes claniques et clientélistes a aussi un autre sens, puisque la relation de dépendance peut être aussi inversée par l’influence de certains africains sur les décideurs français.

Bien qu’en 2012, dès son arrivée au pouvoir, François Hollande annonçait «la fin de la Françafrique», en insistant sur la nécessité des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité entre la France et le continent africain, beaucoup de chercheurs soulignent une certaine ambiguïté sur la Françafrique, qui persiste dans une nouvelle forme.

On observe que les rapports se sont inversés avec le processus de mondialisation de l’Afrique, simultanément avec la diminution des ressources de la France pour l’aide au développement.

Sans en avoir l’air, les dirigeants africains sont devenus très influents. Par exemple, en République Centrafricaine, la France est gênée parce que ses partenaires de la région, principalement le Tchad et le Congo, ne sont pas favorables à une opération de maintien des Nations Unies. Des anciens hauts fonctionnaires, diplomates ou militaires sont passés au service des dirigeants africains. Ces derniers ont ainsi des gens d’influence à Paris qui défendent leur position auprès des cercles de pouvoir, que ce soit les services, les militaires. Même dans les grandes entreprises françaises il y a un «monsieur Afrique» qui chante les louanges  des dirigeants africains.

Dans une analyse récente, Alain Krivine, ex-soixante-huitard devenu député européen, a relevé «l’omerta» qui couvre l’existence en France des biens mal acquis par des dirigeants algériens et les soi-disant exilés fiscaux nord-africains et africains qui disposent d’au moins un million d’euros. Krivine affirme que des «non-démocrates qui se sont enrichis dans la période postcoloniale placent leur fortune en France, dans l’ancien empire colonial, le tout dans un silence complice. Les gouvernements se taisent car il s’agit d’intérêts stratégiques, mais il faut également compter sur le sentiment de culpabilité… Les liens coloniaux persistent sur le plan économique». En fait, d’autres analystes soulignent que la vraie raison du silence des autorités réside dans l’appât des gains financiers et bancaires et que si l’Algérie française est morte en 1962, elle a donné naissance à la «France algérienne», en devenant un vrai « paradis fiscal » pour les millionnaires nord-africains et du Moyen-Orient, qui sont une immigration qui ne gêne ni la gauche ni la droite.

Les conséquences du pacte colonial

L’une des conséquences peu connues du pacte colonial est le fait que lors de leur indépendance, les anciennes colonies françaises de l’Afrique ont été obligées à payer des soi-disant taxes coloniales, selon des «accords de coopération» qui sont encore en vigueur après un demi-siècle d’indépendance.

A l’origine de ces arrangements il y a eu la décision de Sékou Touré de déclarer l’indépendance de Guinée en 1958, ce qui entraîna la destruction de tous les biens considérés par les Français comme étant «des bénéfices de la colonisation». Pour éviter des mesures similaires, le premier président du Togo indépendant, Sylvanus Olympio, accepta de payer une dette annuelle à la France pour compenser ces soi-disant bénéfices. Cette «dette coloniale» devait atteindre, en 1963, 40% du budget du pays.

A présent, 14 pays africains sont obligés par la France de déposer 85% de leurs réserves en devises dans la Banque Centrale française, sous le contrôle du Ministère français des finances. Bien que le système ait été dénoncé par l’Union Européenne, la France n’est pas prête de renoncer à quelques 500 Md dollars qui sont versés annuellement dans ses coffres.

En fait, la décolonisation des territoires français d’Afrique s’est faite à la condition pour les nouveaux pays indépendants de signer des «accords de coopération» avec la France, qui prévoyaient l’adoption du Franc CFA comme monnaie, de garder le système français d’enseignement, des préférences militaires et commerciales. Les éléments principaux de ces accords sont les suivants:

1. La dette coloniale pour les avantages de la France colonisation. Les pays nouvellement «indépendants» doivent payer pour l’infrastructure construite par la France dans le pays pendant la colonisation.

2. Confiscation automatique des réserves nationales. La France a tenu des réserves nationales de quatorze pays africains depuis 1961: Bénin, Burkina Faso, Guinée-Bissau, Côte-d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, Togo, Cameroun, République Centrafricaine, Tchad, Congo-Brazzaville, la Guinée équatoriale et le Gabon. La politique monétaire régissant un tel regroupement diversifié de pays est simple car il est, géré par le Trésor français.

Selon les termes de l’accord qui a été mis en place par la banque centrale du CFA, chaque Banque centrale de chaque pays africain est obligée de garder au moins 65% de ses réserves de change dans un «compte d’opérations» tenu au Trésor français, ainsi qu’un autre 20% pour couvrir les passifs financiers. Les banques centrales CFA imposent aussi un plafond sur le crédit accordé à chaque pays membre à l’équivalent de 20% des recettes publiques de ce pays sur l’année précédente. En bref, plus de 80% des réserves de change de ces pays africains sont déposées dans les «comptes d’opérations» contrôlés par le Trésor français. Les deux banques CFA n’ont pas de politiques monétaires propres. Les pays eux-mêmes ne savent pas, ne sont pas informés, à hauteur de combien la réserve de change détenues par le Trésor français leur appartient en tant que groupe ou individuellement. Seul un groupe restreint de hauts fonctionnaires du Trésor français connaissent les montants figurant dans les «comptes d’opérations et ils ont interdiction de divulguer ces informations aux banques CFA ou aux banques centrales des états africains. Il est estimé que la France gère près de 500 milliards d’argent africain dans sa trésorerie.

La France leur permet d’accéder à seulement 15 % de leur argent par an. S’ils ont besoin de plus, les pays africains doivent emprunter, à des taux commerciaux, sur les 65% de leur argent détenu au Trésor français. La France impose aussi un plafond sur le montant de l’argent que les pays peuvent emprunter à la réserve. Le plafond est fixé à 20% de leurs recettes publiques de l’année précédente. Si les pays ont besoin d’emprunter plus de 20% de leur propre argent, la France a un droit de veto.

3. Droit de priorité sur toute ressource brute ou naturel découvert dans le pays. La France a la priorité en matière d’achats de toutes les ressources naturelles de la terre de ses ex-colonies. C’est seulement dans le cas d’un refus de celle-ci que les pays africains sont autorisés à chercher d’autres partenaires.

4. Priorité aux intérêts et aux entreprises françaises dans les marchés publics et constructions publiques. Dans l’attribution des marchés publics, les entreprises françaises doivent être considérées en premier lieu, et seulement après d’autres partenaires sont considérés. En Côte d’Ivoire, par exemple, les entreprises françaises possèdent et contrôlent tous les grands services publics – eau, électricité, téléphone, transports, ports et les grandes banques.

5. Droit exclusif de fournir des équipements militaires et de former les officiers militaires des pays, dans le cadre des «accords de défense», annexes des pactes coloniaux.

6. Droit pour la France de pré-déployer des troupes et intervenir militairement dans le pays pour défendre ses intérêts. Sous la dénomination «accords de défense» attachés au pacte colonial, la France a le droit d’intervenir militairement dans les pays africains, et aussi de stationner des troupes en permanence dans des bases et installations militaires, entièrement géré par les Français.

7. Obligation de garder le français comme langue officielle et de l’éducation.

8. Obligation d’utiliser la monnaie de la France coloniale, le Franc CFA,malgré l’adoption de l’Euro et les pressions de l’Union Européenne sur la France de renoncer à ce système.

9. Obligation de rapporter à la France le bilan annuel et les réserves monétaires. De toute façon, les secrétariats des banques des ex-colonies et des réunions annuelles des ministres de finance sont assurés par la Trésorerie française.

10. Pas d’alliance militaire sauf autorisation préalable de la France et obligation de s’allier avec la France en cas de guerre ou de crise globale.

 

De nos jours: présence économique et militaire française en Afrique

Les cercles publics et privés qui donnent aujourd’hui le ton à la politique africaine de la France partagent une conception des rôles complémentaires, sur le continent africain, des grandes entreprises et d’un Etat qui dispose d’une implantation diversifiée et d’une solide expérience, notamment militaire, en raison de son histoire coloniale et postcoloniale.

D’octobre à décembre 2013, les autorités françaises ont commandité trois documents sur les perspectives stratégiques de la France en Afrique.

–       le rapport du 29 octobre 2013, déposé au nom de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat: Sur la présence de la France dans une Afrique convoitée (501 p.)

–       le rapport d’information de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale du 6 novembre 2013: Les pays émergents d’Afrique anglophone (171 p.)

–       le rapport au ministre de l’Economie et des finances de décembre 2013, intitulé Un partenariat pour l’avenir: 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France (166 p.). Ce rapport annonce que: «L’Etat français doit mettre au cœur de sa politique économique le soutien à la relation d’affaires du secteur privé et assumer pleinement l’existence de ses intérêts sur le continent africain».

La réflexion stratégique qui intéresse la France a trait d’abord à l’importance à venir de l’Afrique pour ses intérêts fondamentaux, et ensuite à la meilleure façon de gérer son héritage postcolonial dans une conjoncture où ce continent fait de plus en plus figure de «nouvelle frontière» très disputée de la mondialisation. Sur ce point, on assiste à une prise de conscience tardive de la croissance robuste des économies africaines depuis la fin des années 1990.

L’enracinement de la France en Afrique centrale et occidentale ne s’oppose pas à ses desseins continentaux. Tout au contraire, son histoire pourrait constituer un tremplin pour répondre aux ambitions africaines plus vastes de ses grandes sociétés. L’impérialisme français doit continuer pour cela à défendre ses positions au Maghreb, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Gabon, au Cameroun, au Congo-Brazzaville, etc., mises en cause par des concurrents de plus en plus agressifs. En même temps, il doit essayer de prendre appui sur ce potentiel pour pénétrer d’autres pays francophones encore peu investis, comme la République Démocratique du Congo (RDC), mais aussi pour miser sur des «corridors économiques» régionaux, afin de se rapprocher de l’Afrique anglophone et lusophone. Les rapports officiels publiés en 2013 font appel à une stratégie plus cohérente, mais aussi conquérante, qui sache pleinement tirer profit des atouts économiques, démographiques, politiques, culturels, militaires, etc. dont dispose encore la France sur le continent africain pour répondre à de nouveaux défis.

Les rapports officiels tombent d’accord sur les points suivants:

1. Meilleure défense et valorisation des positions économiques dont la France dispose encore en Afrique: part élevée des importations globales, stock important d’investissements directs à l’étranger (IDE), rendements sur investissements avantageux, etc.

2. Mise à profit de la présence française au Maghreb pour faciliter la pénétration des marchés subsahariens.

3. Extension de la zone CFA (monnaie utilisée dans 14 pays par 135 millions d’hab.) à d’autres pays limitrophes. Rappelons qu’elle contribue à améliorer la sécurité des investisseurs en privant les pays africains de toute souveraineté monétaire et budgétaire.

4. Optimalisation de l’action des agents publics et privés de « l’aide au développement » pour favoriser le financement des investissements français.

5. Promotion de la francophonie par le développement de l’enseignement du français en Afrique et l’enrôlement de jeunes Africains dans les hautes écoles françaises.

6. Drainage des transferts des migrants africains travaillant en France (4,8 Md€), dont un nombre croissant acquièrent la nationalité française, par des banques hexagonales implantées en Afrique, qui pourraient en profiter pour couvrir des crédits commerciaux sur ce continent.

7. Valorisation du rôle que peuvent jouer les Français de l’étranger, qui sont 235000 à résider en Afrique, dont une moitié en Afrique subsaharienne. En effet, la moitié d’entre eux ne sont plus des expatriés, mais des « métis binationaux ».

8. Intensification des contacts avec les élites africaines, y compris au sein de la société civile, au risque d’encourager plus encore l’exode des cerveaux.

9. «Contribution militaire à la sécurité du continent»: à partir des points d’appuis existants dans la bande saharo-sahélienne et sur les deux façades océaniques du continent.

Présence économique dans un environnement concurrentiel

Plus de 50 ans après les mouvements d’indépendance des pays africains, la situation de la France est plus complexe et le pré-carré français est un peu étroit pour les multinationales françaises qui investissent en Afrique même si, parfois, les liens entre certains régimes africains et certains intérêts français ne relèvent pas toujours de la rationalité économique.

Si la France est traditionnellement présente en Afrique du fait de l’histoire coloniale et des grandes sociétés sont présentes depuis longtemps en Afrique francophone, aujourd’hui la nouvelle ruée pour l’Afrique s’impose avec de nombreux acteurs et les entreprises françaises se retrouvent quasi à armes égales avec celles des autres pays.

Durant la Guerre froide, la politique économique de la France vis-à-vis de l’Afrique reflétait, dans la tradition gaulliste, l’importance géopolitique que Paris attachait à cette région. Craignant que les pays africains ne soient attirés par les camps soviétique et américain, la France offrait une aide et un soutien budgétaire importants aux régimes amis d’Afrique francophone.

La chute du mur de Berlin en novembre 1989, à côté d’autres phénomènes tels que l’élargissement de l’Europe et l’accélération du processus de la mondialisation, a entraîné un certain déclassement géopolitique de l’Afrique, et la politique du gouvernement Jospin, à partir de 1997, a été vue comme une tendance de normalisation des relations franco-africaines. Depuis le 11 septembre 2001, l’Afrique semble un peu moins marginalisée – la multiplication des conflits, les risques terroristes, la présence croissante des États-Unis et de la Chine, les questions pétrolières ont redonné, pour la France de l’importance au continent.

La croissance économique de l’Afrique – près de 6% en 2014 – continue d’attirer de nombreux investisseurs tant locaux qu’étrangers et les pays émergents augmentent sans cesse leurs parts de marchés sur le continent, au grand dam des anciennes puissances coloniales. Selon un rapport récent du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), pour la France, «le contexte des affaires ne s’améliore pas beaucoup» bien qu’«il ne se dégrade pas non plus».

Avec seulement 31 projets d’investissements sur le continent africain en 2013 contre 48 par an en moyenne entre 2003 et 2007, la France perd indéniablement son rang de leader. Selon le CIAN, les stocks d’investissements français vers l’Afrique se situent en troisième position (près de 58 milliards de dollars), derrière le Royaume-Uni (59 milliards) et les États-Unis (61 milliards). La Chine arrive en cinquième position avec un stock d’investissement de 21,7 milliards de dollars.

Si la part de marchés de la France en Afrique a été divisée par deux au cours de la dernière décennie, passant de 11 % à 5,5 % – une baisse qui a surtout profité aux pays émergents, notamment la Chine – en revanche, le chiffre d’affaires des entreprises françaises sur le continent a doublé. Cela est dû à la taille du marché africain qui a été multiplié par quatre.

Pour contrer la concurrence des pays émergents, les investisseurs français ont encore l’avantage la présence longue et historique des entreprises françaises en Afrique. Autres avantages sont le franc CFA, qui couvre près d’un quart de l’Afrique et crée des conditions de change stables, langue française et le droit des affaires harmonisé à travers l’Ohada (Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique).

Le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) estimait en 2013 la présence française à «1.000 établissements et 80.000 collaborateurs sur place» pour un chiffre d’affaires de «40 milliards d’euros». Des chiffres qu’il faut majorer puisque les sociétés adhérentes au CIAN représenteraient environ 75% de la présence économique française sur place.

Parmi les grandes entreprises qui possèdent des intérêts en Afrique il y a EDF, la CFAO, des banques (BNP, Société Générale), Bolloré, Total, Lafarge, la Compagnie fruitière, Areva (présente au Niger pour l’exploitation de l’uranium, soit 70% des exportations du pays). La compagnie Total tire 31% de sa production du continent africain. Le groupe pétrolier exploite des gisements en Algérie, Angola, Gabon, Nigeria, étant le premier investisseur français en Afrique.

Il est vain de distinguer les intérêts économiques des grands groupes privés de la politique de puissance de l’Etat français en Afrique. Dans un contexte où la compétition ne cesse de se durcir entre exportateurs et investisseurs du monde entier, il est clair que Paris s’efforce de jouer une carte plus offensive en mobilisant l’ensemble de ses atouts traditionnels sur ce continent.

Ainsi, de chasse gardée en déclin ayant servi trop souvent de béquille à des capitaux peu compétitifs, la «Françafrique» devrait se transformer en base arrière des grandes compagnies privées pour la conquête de nouvelles parts de marché dans les régions «anglophone» et «lusophone» du continent.

Présence militaire: efforts pour éviter la position de «gendarme de l’Afrique»

Les opérations militaires décidées par Paris en Libye (dès mars 2011), au Mali (dès janvier 2013) et en République Centrafricaine (dès décembre 2013), auxquelles il faut ajouter l’intervention décisive de la force Licorne pour évincer Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire (avril 2011), ont contribué à relancer le débat sur la stratégie actuelle de l’impérialisme français en Afrique. Il paraît clair que l’envoi de troupes de choc visant à éviter le naufrage définitif d’«Etats faillis», comme la Centrafrique, obéit d’abord à la nécessité de la France de maintenir la sécurité dans son «pré carré», qui est une condition de sa crédibilité dans le contexte de ce qu’on appelle la «nouvelle ruée pour l’Afrique».

Selon un rapport récent du Sénat français, il y aurait, d’un côté, l’«Afrique dynamique», qui peut être un formidable réservoir de croissance, et de l’autre, «des trous noirs», comme la RCA, dans lesquels la France, en lien avec les USA et l’Union européenne (UE), le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Union africaine (UA) et ses organisations régionales concernées, aurait pour tâche de mener des opérations de police afin d’éviter la contagion de foyers d’infection menaçants pour la dynamique économique prometteuse du continent.

La France est intervenue militairement à près de quarante reprises en Afrique, dans les cinquante dernières années, dont une vingtaine de fois entre 1981 et 1995 (sous François Mitterrand). Certaines de ces opérations n’ont duré que quelques jours, d’autres ont donné lieu à des déploiements beaucoup plus longs.

Licorne, Sangaris, Barkhane

A la fin de la guerre froide, les interventions militaires françaises étaient missions d’interposition, la dernière étant l’opération Licorne en Côte d’Ivoire qui a coupé le pays en deux jusqu’à ce que l’on se décide enfin à agir.

Cette opération militaire débuta en septembre 2002 (début de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire), indépendamment de l’opération des Nations Unies, ayant pour but de séparer les belligérants (forces d’interposition). Selon les autorités françaises, soutenues par une résolution des Nations unies, cette interposition aurait permis d’éviter une guerre civile et de nombreux massacres. La force Licorne est remplacée, dès le 1er janvier 2015, par les Forces françaises en Côte d’Ivoire.

Un autre type d’opération est celle de stabilisation, un exemple étant l’opération Sangaris en Centrafrique, que les analystes militaires français estiment qu’elle sera la dernière de ce type avant longtemps.

Sangaris, conduite en Centrafrique à partir du 5 décembre 2013, est la 7e intervention militaire dans ce pays depuis son indépendance, en base d’un mandat de l’ONU afin mettre fin à la «faillite totale de l’ordre public, l’absence de l’état de droit et aux tensions interconfessionnelles».

Le budget militaire actuel de la France, de 31 milliards d’euros, n’est plus considéré suffisant pour disposer à la fois d’une force aérienne capable seule de vaincre un ennemi moderne et d’une force terrestre capable seule d’obtenir un rapport de forces conséquent face à un ennemi important ou même d’assurer une forte présence stabilisatrice. L’opération Barkhane au Sahel est une opération de raids et de frappes parce qu’il n’y a pas de moyens de faire plus.

Barkhane, menée au Sahel par l’armée française, vise à lutter contre les groupes armés jihadistes salafistes dans toute la région du Sahel. Lancée le 1er août 2014, elle prend la suite des opérations Serval et Épervier.

Des effectifs importants

Du point de vue militaire, Paris dispose en Afrique d’une présence permanente en Côte d’Ivoire, au Tchad, au Sénégal, au Gabon, à Djibouti et à La Réunion; des partenariats de défense avec huit pays (Cameroun, Centrafrique, Comores, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Sénégal et Togo); des accords pour la formations d’officiers africains; un réseau significatif d’attachés, de conseillers et de coopérants militaires. L’armée a toujours joui d’une importante autonomie de décision en Afrique, en lien direct avec la Présidence de la République.

Le Livre blanc sur la défense (avril 2013) considère que la France devra continuer à intervenir de façon autonome, peut-être même plus souvent que par le passé, et la Loi de programmation militaire (2014-2019) privilégie les opérations extérieures et les forces spéciales sur les éléments pré-positionnés.

Il serait erroné de penser que les dernières interventions françaises en Afrique ne font que répéter le scénario éprouvé d’une cinquantaine d’opérations antérieures, apparemment du même type, depuis les années 1960. Il faut situer les plus récentes d’entre elles dans le cadre d’un mandat onusien, soutenu par ses alliés européens et les Etats-Unis.

Les analystes militaires français estiment que, par certains aspects, la situation ressemble à celle de la fin des années 1970 alors que les Etats-Unis sortaient affaiblis de la guerre du Vietnam et que la France multipliait à l’époque les interventions en Afrique en s’y opposant notamment à l’expansionnisme soviétique.

Si les Etats-Unis se situent maintenant dans la position de devoir vaincre un ennemi sans envoyer d’unités de combat en première ligne (pour éviter de demander l’approbation du Congrès), la France, moins usée par les interventions récentes et bénéficiant d’institutions de défense plus souples, conserve une plus grande liberté et finalement aussi volonté d’action. Cette volonté d’agir s’exprime de manière assez différente entre la volonté de s’attaquer à des Etats destructeurs de leur propre peuple, comme en Libye et comme on l’aurait souhaité en Syrie, la lutte contre les organisations jihadistes dans le Sahel, la participation à la campagne indirecte contre Daesh ou encore l’opération de stabilisation en Centrafrique. La France reste autonome dans ses engagements et l’adoption de la même phraséologie (guerre contre le terrorisme) et méthodes (les «ciblages») que les Américains relève plus de la similitude de style que d’un véritable alignement.

Paris fait tout pour éviter de ressusciter l’image d’une France «gendarme de l’Afrique», en particulier dans un contexte où les pays émergents peuvent tirer parti de leur passé non colonial. C’est aussi pour faire bloc avec les puissances occidentales contre les pays émergents, dans un cadre qui n’évoque pas toutefois trop directement son passé colonial, que la France apprécie les partenariats militaires avec ses alliés traditionnels, même si ceux-ci ne s’empressent pas de les accepter. Dans cette optique, la capacité d’intervention de l’armée française dans son ancien empire doit être considérée comme un atout politique significatif.

Parfois, les options sécuritaires du gouvernement peuvent même le pousser à interférer avec la stratégie économique des sociétés françaises. En 2013, on a parlé d’une intervention de l’Elysée afin que la société Maroc Telecom ne soit pas cédée à la société qatari Ooredoo, soupçonnée de collusions avec les fondamentalistes musulmans du Nord-Mali. Vu que cette filiale du groupe français contrôlait les principaux opérateurs du Sahel, elle revêtait une grande importance pour le renseignement militaire, investi dans l’opération Serval. La démarche a vraisemblablement porté ses fruits, puisque c’est finalement le groupe émirati Etisalat qui a gagné la compétition.

A l’inverse, la politique de Paris au Congo-Brazzaville, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Mali, au Niger, en RCA, au Sénégal, au Tchad, etc. est développée en tenant compte des conseils des groupes actifs en Afrique, tels Areva, Bolloré, Bouygues, Total et d’autres. En dépit de la disparition du Secrétariat général à la présidence de la République pour les affaires africaines et malgaches de Jacques Foccart (1960-1974), devenu la «cellule Africaine» de Valéry Giscard d’Estaing, de François Mitterrand et de Jacques Chirac (1974-2007), les conseillers successifs de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ont continué à alimenter ces réseaux très particuliers.

Si François Hollande voulait à tout prix éviter de jouer au gendarme de l’Afrique, les opérations au Mali ou en République centrafricaine traduisent, pour certains analystes, l’ascendant pris par les militaires au sein de l’Exécutif au détriment de la diplomatie. Le chef d’état-major particulier de François Hollande est le général Benoît Puga, lequel officiait au même poste auprès de Nicolas Sarkozy pour gérer la crise postélectorale ivoirienne.

Relations complexes des services de renseignements

Il est aussi intéressant de noter les évolutions complexes des relations entre les services spéciaux français et ceux du Maghreb, notamment celui du Maroc.

En effet, récemment, il a fallu un échange téléphonique entre le roi du Maroc, Mohamed VI et François Hollande, suivi d’une visite privée du roi en France, la dernière semaine de janvier 2015, pour rétablir le dialogue et la coopération entre les services secrets, après presque une année de rupture.

Les divergences duraient depuis le 20 février 2014, quand la police française avait fait irruption à la résidence de l’ambassadeur du Maroc pour chercher le chef de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) du Maroc, Abdellatif Hammouchi, qui faisait l’objet d’une plainte pour complicité de torture.

L’incident a déterminé le service marocain à interrompre le flux de renseignements vers la France, et de privilégier le partage de renseignements avec les Américains et les Espagnols, privant ainsi le partenaire français des informations sur leurs ressortissants installés ou de passage au Maroc, sur les près de 1,3 million de Marocains vivant en France, tout comme sur les développements en Irak et en Syrie ainsi qu’au Sahel et en Afrique de l’Ouest.

Quelques mois après, en mai 2014, le nom de la «deuxième secrétaire à l’ambassade de France et chef d’antenne de la DGSE au Maroc» est révélé sur un site d’information réputé très proche du secrétaire particulier du roi, Mounir Majidi. Celle que ses collègues surnommaient «la lionne» est démasquée et quitte aussitôt le territoire marocain, ce qui a été considéré par Paris «un fait rare et grave».

La profondeur stratégique de cette brouille entre les services s’est étendue à leurs zones d’influence sur le continent. L’hostilité des services marocains à l’égard de leurs anciens alliés, sur fond de tensions diplomatiques entre Paris et Rabat va se déplacer un peu plus au sud. Au nord du Mali, Paris va soutenir la médiation algérienne entre le gouvernement malien et les groupes armés, un processus dont Rabat est exclu. Les Marocains y voient là un traitement de faveur de Paris à l’égard de leur historique adversaire algérien, d’autant que les services marocains multiplient les notes sur les accointances présumées des socialistes français au pouvoir avec Alger.

Le dialogue intermalien se poursuit à Alger jusqu’à ce jour, sans néanmoins parvenir à un accord. Selon les Marocains, ces négociations ne parviendront à rien, car ils contrôlent certains groupes touaregs et inclinent à faire achopper cette médiation. D’ailleurs, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), dont l’un des chefs, Bilal Ag Cherif, est très proche de Rabat, ne participe pas à ces négociations. Autour de la crise du nord du Mali, les vieux «frères ennemis» que sont l’Algérie et le Maroc ont trouvé un autre terrain de rivalités et un nouveau levier vis-à-vis de Paris.

Si le Mali les a divisés, le Burkina-Faso semble avoir rapproché les services de renseignements marocains et français, qui, tous deux, entretiennent des liens étroits avec le président burkinabé Blaise Compaoré. Lorsque le 31 octobre, les Français exfiltrent en Côte d’Ivoire, Blaise Compaoré, chassé du pouvoir après deux jours de manifestation, les Marocains ne sont pas loin et observent cette révolution qu’ils pensent «accélérée par un soutien de Paris». Le 20 novembre Compaoré débarque à Rabat mais, à la demande de la France, on limite les visites au président déchu pour ne pas alimenter des soupçons d’un plan de retour au pouvoir. «C’était un geste en faveur de la France», à indiqué un proche des services marocains.

Finalement, à la suite des trois réunions entre la ministre de la justice française, Christiane Taubira, et son homologue marocain, Mustapha Ramid, le magistrat de liaison a repris son poste à l’ambassade du Maroc à Paris la semaine dernière. Et les services de renseignement ont enfin commencé à rétablir leur collaboration en matière de lutte contre le terrorisme.

Système postcolonial vs. Islam: les limites du militaire

L’intervention française et internationale au Mali est en passe de se retrouver dans une position hautement inconfortable. Faible et maladroite, accusée de partialité, la mission de l’ONU au Mali, la Minusma, s’est vue priée au début de cette année de quitter Kidal, épicentre historique des rébellions touarègues, à la suite d’une succession d’incidents sécuritaires. Les terroristes d’al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et d’Ansar Dine[3] enveniment la situation en menant des opérations de plus en plus ambitieuses, soutenues grâce à l’argent de la drogue et des monarchies du Golfe.

Seule puissance présente à même de peser sur le plan militaire, la France demeure singulièrement absente du théâtre sur le plan politique. Budgétairement exsangue, la France a été heureuse de se voir cantonner dans un menu rôle politique tout en enchainant les succès tactiques dans la chasse aux terroristes.

Le problème touareg, au Mali et au Niger, de même que la situation en République Centrafricaine sont deux exemples de la complexe relation ethnicité-religion que les interventions militaires de l’extérieur ne sont pas prêtes de résoudre.

Les Touaregs: l’Islam radical ne les a pas aidés

Souvent appelés les « hommes bleus », d’après la couleur de leur chèche (sorte de foulard d’environ 4 à 8 mètres de long, que les hommes l’enroulent sur la tête et le visage, pour se protéger du soleil et du vent sec du désert) teinte avec de l’indigo, les Touaregs ont été l’objet de nombreuses représentations, en particulier chez les Occidentaux.  La teinture d’indigo tend à se déposer peu à peu sur la peau, ce qui explique le surnom d’«hommes bleus» donné aux Touaregs.

La population Touareg est difficile à évaluer et serait aux alentours de 1,5 million, dont 550 000 au Mali, (soit à peine 8,6 % de la population totale) 800 000 au Niger, 50 000 en Algérie et au Maroc, le reste au Burkina Faso et en Libye.

Depuis 1916, on compte plusieurs insurrections généralement baptisées «rébellions touarègues», qui non seulement ont opposé certains membres du peuple touareg aux gouvernements du Mali et du Niger, mais aussi les Touaregs entre eux et les Touaregs avec les autres populations (Songhaï, Peul, Sahraoui, Arabe…). Les principales insurrections ont eu lieu en 1916-1917 au Niger, en 1962-1964 au Mali (généralement appelé «première rébellion touareg», qui fut très durement réprimée par l’armée malienne); 1990-1995 au Mali et au Niger; Mai 2006, au Mali; 2007-2009 au Mali et au Niger.

Le problème touareg est aussi vieux que l’Etat malien. Après l’indépendance malienne, le 22 septembre 1960, les colonisateurs ont confié le pouvoir à une élite locale issue pour l’essentiel des tribus noires et sédentaires du sud, que méprisent les guerriers nomades touaregs, les tribus de l’Adrar des Iforas. Aussitôt, la jeune administration se comporte chez les Touaregs du nord comme en pays conquis, muselant les revendications des hommes et maltraitant leurs femmes.

L’actuelle guerre, qui comprend aussi une rébellion touareg, a commencé en 2012 dans le nord du Mali. Du point de vue des indépendantistes touareg, revendiquant l’autodétermination elle est aussi appelée la guerre de l’Azawad.

La guerre au Mali est une des conséquences de la guerre civile libyenne. Après le renversement du régime de Kadhafi, des arsenaux militaires sont pillés par des groupes armés, tandis que des mercenaires touaregs au service de Kadhafi fuient vers le Sahara et rejoignent des mouvements rebelles. Le 17 janvier 2012, les rebelles touaregs du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA, indépendantiste) et d’Ansar Dine (salafiste, fondé par le Touareg islamiste Iyad Agh Gali) déclenchent la cinquième rébellion touarègue contre le Mali. Ils sont bientôt rejoints par les jihadistes d’AQMI et le 6 avril 2012, le MNLA annonce la fin de son offensive et proclame l’indépendance de l’Azawad.

Les divergences entre le MNLA et Ansar Dine brisent leur alliance et en janvier 2013, les jihadistes lancent une offensive au sud du Mali. Cette attaque provoque l’entrée en guerre de la France, avec le lancement de l’Opération Serval, et de plusieurs pays africains. En quelques jours, les islamistes sont repoussés et abandonnent les villes, dont certaines sont reprises par le MNLA. Les affrontements reprennent en mai 2014 entre les forces maliennes et les groupes armés autonomistes. Les Maliens sont vaincus à Kidal et chassés de la ville par les rebelles qui reprennent le contrôle de la quasi-totalité de la région de Kidal et de la plus grande partie de la région de Gao.

Six mois après la fin de l’opération Serval, la mission de l’ONU (Minusma) installée dans le nord-est de ce pays depuis juillet 2013 est la cible répétée d’attaques des groupes islamistes radicaux. La plus récente attaque a visé, le 17 janvier 2015, le quartier général de la Minusma, à Kidal.

Les rébellions touarègues nigériennes (1991-1995 et 2007-2009)

En Niger, la première rébellion touarègue se déclencha en 1991. Sa principale revendication demandait un statut d’autonomie pour le Nord du Niger. Il n’était pas question d’indépendance, mais d’un système fédéral, qui devait permettre aux régions «revendiquées» de prendre en mains leur développement socio-économique et de bénéficier des avantages générés par l’exploitation de l’uranium, dont les mines se trouvent en pays touareg (Arlit). Après une guérilla meurtrière, des premiers accords de paix furent signés à Niamey (24 avril 1995) puis confirmés par un second accord (Alger, 1997) conclu après une reprise des hostilités. Finalement, les mouvements touaregs abandonnèrent leur revendication de «fédéralisme intégral» pour accepter la décentralisation. Le mouvement avait duré près de quatre ans, soit plus longtemps que celui des Touaregs maliens.

Les difficultés de mise en œuvre de la décentralisation se traduisirent, comme au Mali, par une nouvelle rébellion touarègue, qui éclata avec la création, au début de l’année 2007, du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), qui prit pour cible les sites miniers, en prenant en otage des employés d’Areva et un cadre chinois de la compagnie SinoU, filiale de China Nuclear International Uranium Corporation. Au début de l’année 2009, les affrontements diminuèrent en raison des revers militaires enregistrés par le MNJ et grâce aux pourparlers entamés avec le gouvernement nigérien sous l’égide de la Libye. Bien que le dialogue fût difficile, les fronts touaregs déposèrent les armes. En contrepartie, le colonel Kadhafi versa d’importantes sommes d’argent à leurs responsables et près de 200 000 francs CFA (300 euros) à chaque ex-combattant. Il n’y a eu aucun accord politique, contrairement à ce qui s’était passé en 1995, le chef de l’État se contentant d’amnistier les rebelles. Au terme de cette seconde rébellion, le «problème touareg» nigérien n’était toujours pas résolu.

* * *

Les mouvements islamistes et touaregs ne sont pas en mesure de faire un front uni: les premiers sont traversés par des rivalités politiques, économiques et personnelles tandis que les seconds ont été affectés, comme lors des précédentes rébellions, par la versatilité des alliances et la mobilité des combattants qui passent sans cesse d’un front à un autre. On retrouve là un trait inhérent aux rébellions touarègues. Sans doute manque-t-il à la communauté touarègue un véritable leader capable de la mobiliser autour de lui et d’un projet commun: les rébellions ont fait émerger des générations de chefs de guerre tant au Mali qu’au Niger, mais pas de véritable chef politique. En 2012-2013, l’histoire a semblé se répéter, même si la rébellion a pris une ampleur plus grande que les précédentes en raison de la présence des islamistes et d’une conjoncture régionale particulièrement instable.

Centrafrique: les responsabilités de la France

Le conflit en République de Centrafrique est présenté comme religieux pour cacher les responsabilités de la France.

Outre les différences entre chrétiens et musulmans, d’autres clivages existent dans la société centrafricaine, notamment une division économique, où l’essentiel des commerces de gros, est tenu par des habitants d’origine tchadienne. Il y a aussi une division géographique où le Nord a toujours été laissé à l’abandon, sauf les incursions des forces armées centrafricaines qui ont fait des milliers de morts. Une autre opposition est celle entre éleveurs et agriculteurs. En effet lors des transhumances, le bétail est accusé de détruire les champs et les récoltes, occasionnant de violents conflits. Dans le cas de la Centrafrique, le trait caractéristique est l’absence d’État pour jouer un rôle de médiation pour régler ces différents conflits. Au-delà de la faillite de l’État, un autre élément majeur d’explication est la politique des dirigeants qui n’ont fait d’autre qu’attiser les divisions ethniques.

Les observateurs locaux notent que l’actuel état de la République Centrafricaine est aussi de la responsabilité de la France, qui a soutenu des dictatures rendant impossible le jeu démocratique. Dès le début de l’indépendance, la France est systématiquement intervenue, à tel point qu’à un moment donné, c’était Jean-Claude Mantion, colonel des services secrets français, qui dirigeait effectivement le pays. De même, le régime actuel de François Bozizé est arrivé au pouvoir par un coup d’État en 2003 soutenu par l’armée française et tchadienne. Si le Tchad est si présent en Centrafrique interférant régulièrement dans sa politique intérieure, c’est parce que la France lui a donné carte blanche.

D’autres dictatures qui sévissent en Afrique Centrale sont soutenues par la France: les Déby au Tchad, les Sassou-Nguesso au Congo Brazzaville, les Biya au Cameroun.

Mauritanie: à la recherche d’une alternative pacifique

Pour lutter contre l’extrémisme, la Mauritanie a choisi de mettre en lumière l’histoire locale et les traditions modérées du rite malikite. À cette fin, le ministère des Affaires islamiques a organisé, les 21 et 22 janvier 2015 à Nouakchott, un séminaire consacré à la marji’ya spirituelle et idéologique des Mauritaniens, pour promouvoir une culture de tolérance religieuse et combattre l’idéologie extrémiste qui a commencé à se répandre dans les sociétés du Maghreb.

Les organisateurs sont convaincus que si les sociétés des pays du Maghreb adhéraient aux préceptes de tolérance de l’Islam tels qu’ils sont prônés par le rite malikite, elles seraient immunisées contre l’idéologie des groupes jihadistes, car le rite malikite constitue depuis des siècles un lien culturel fort et un pont d’érudition entre les peuples du Maghreb arabe, ainsi qu’un élément d’unité et de rapprochement entre les populations de cette région.

Les atouts de l’école malikite sont la souplesse et la modération, de même que le fait qu’elle est proche de la source originelle de l’Islam et se réfère au texte sacré, ce qui conduit à l’ouverture et permet d’échapper au takfirisme qui est apparu avec les groupes jihadistes qui ont adopté l’extrémisme en raison de la propagation de l’ignorance, de la pauvreté, de la corruption morale et de la répression.

Conclusion

En dépit des discours euphoriques sur l’avènement d’un siècle africain, l’impact social et environnemental de la «nouvelle ruée pour l’Afrique» pourrait préparer de nouvelles catastrophes:

1. Une croissance dépendante, totalement subordonnée aux investissements étrangers et aux cours mondiaux, portée par l’exportation de matières premières et de ressources énergétiques, mais aussi par le bradage des terres arables et du potentiel hydroélectrique du continent. Ce modèle « extractiviste » brutal, dont les profits sont très inégalement répartis, provoque aussi un accroissement exponentiel de la pollution de l’air, des sols et des eaux, aux incidences sanitaires désastreuses.

2. Une accumulation prédatrice, non seulement au profit des occidentaux, mais aussi de leurs homologues africains, que de telles opportunités d’enrichissement amènent à se disputer par tous les moyens le partage d’une rente croissante, mobilisant pour cela les rivalités nationales, régionales, ethniques ou religieuses, pour arriver à leurs fins.

Il faut chercher là le moteur des conflits intérieurs ivoirien ou mozambicain, mais aussi celui de plusieurs foyers de guerre transnationaux d’Afrique centrale, auto-entretenus par l’exploitation frauduleuse de ressources naturelles, de concert avec de puissants intérêts internationaux. Cela peut se faire à petite échelle en RCA, par la contrebande du diamant, de l’or et de l’ivoire, mais aussi à grande échelle, en RDCongo, où différentes forces militaires, adossées notamment à des groupes des pays voisins (Ouganda, Rwanda, Burundi, etc.), accumulent des fortunes en vendant du coltan[4] aux multinationales du secteur des technologies de l’information.

3. Une accentuation brutale du développement inégal, qui plonge 17 pays (Grands lacs, nord du Nigéria, RDC, Sahel, etc.) dans un état de décomposition sociale et politique avancé. Dans ces régions peuplées de 200 millions d’habitants, 8 personnes sur 10 s’efforcent de survivre de l’agriculture de subsistance, et 5 sur 10 doivent se contenter de moins de 1,25 USD par jour.

4. Une démographie galopante – d’ici 25 ans, le Tchad, le Mali, le Niger et le Burkina Faso devraient passer de 57 à 160 millions d’habitants –, qui exerce une pression croissante sur les terres arables et suscite une tension accrue entre cultivateurs et éleveurs. De même, l’urbanisation galopante pose des problèmes aigus de logement et d’hygiène: plus de 60% des «citadins» vivent dans des slums, 80% n’ont pas accès à l’eau potable et 90% ne sont pas raccordés à des égouts.

5. Une hausse massive du sous-emploi, en particulier des jeunes. Dans les 15 ans à venir, 330 millions de jeunes Africains arriveront sur le marché du travail, soit la population actuelle des Etats-Unis. Le total des actifs devrait ainsi dépasser le milliard en 2040. Dans de telles conditions, la démographie africaine peut virer au cauchemar, avec des masses de jeunes analphabètes, campés dans des bidonvilles insalubres, captés par les fondamentalismes religieux et/ou enrôlés dans les différents mouvements armés des pays en crise.

6. Une pression migratoire accrue, en majorité intra-africaine, qui a de grandes chances de provoquer des flambées de violence à l’égard des «étrangers». Elle devrait aussi se traduire par une hausse des flux de migrants vers l’Europe, le Etats-Unis, les pays du Golfe, etc., mais aussi des tragédies humaines liées à l’immigration clandestine.

Le peuple africain, sorti de la dépendance l’Europe au cours des années 1960, n’a pas pu arriver à former une «conscience africaine», de sorte qu’il n’y a pas de prise de conscience sur ce qui est vraiment la «reconquête africaine». Cette attitude est le résultat de «l’hégémonie culturelle» occidentale, qui gouverne les médias, le système scolaire et même la religion. Au lieu de s’unir pour se défendre contre cette nouvelle reconquête, dirigeants politiques et intellectuels africains se battent entre eux. Premièrement, à l’intérieur d’un même espace géographique ou intra-étatique, sous forme de coup d’état, d’insurrection populaire, lutte armée. Deuxièmement, au niveau interétatique, l’Africain s’affronte en se déstabilisant l’un l’autre. Les deux stratégies sont conceptualisées pour assurer en fait la dominance des ex-colons. Les élites «nationales», la plupart formées par les échanges techniques et culturels avec l’Occident, n’arrivent pas à compléter leurs missions historiques de «mémoire» du continent.

Du point de vue stratégique, la stabilité de l’Afrique est plus que nécessaire pour assurer un développement que les populations appellent de toutes leurs forces. Mais le Mali ne peut pas résoudre la question touareg sans que son intégrité territoriale soit remise en cause. Les troubles intercommunautaires survenus au début de l’année 2013 au Darfour et la flambée de violences en République centrafricaine ont fragilisé encore plus la région en occasionnant des déplacements massifs de populations, générant ainsi des nouveaux réfugiés aussi bien à l’est qu’au sud du Tchad. Le reflux de nombreux migrants nigériens vers la Libye malgré l’insécurité croissante dans ce pays, montre l’échec d’une réintégration qui n’a pas été bien prise en compte au Niger. La Mauritanie n’a toujours pas retrouvé le chemin de la démocratie. Le problème du Sahara Occidental n’est toujours pas résolu, avec maintenant un front Polisario qui a basculé dans le terrorisme mafieux. L’Algérie donne l’image d’un pays qui se meurt. En Tunisie, le climat a été propice au développement de groupes extrémistes et le salafisme jihadiste est désormais un mouvement déclaré. La Libye, dont l’importance ne réside pas que dans sa richesse énergétique, mais dans sa position géostratégique dans l’aire nord-africaine et moyen-orientale est découpée en trois entités: La Cyrénaïque à l’est où deux guerres se déroulent, la Tripolitaine à l’ouest, où la ville de Misrata tente de prendre le contrôle de toute la région, et dans l’ouest de la Tripolitaine, les milices berbères jouent une carte ouvertement régionale alors que le «pouvoir central» de Tripoli doit négocier avec les diverses milices pour tenter d’exister. Le grand sud est devenu, quant à lui, un no man’s land où le «pouvoir», ancré sur le littoral méditerranéen n’est pas obéi des Touareg. Pour l’heure, il n’y a pas de force capable de réunir à nouveau ces trois États historiques qui formaient la Libye depuis 1951. La Libye que nous avons connue n’existe plus, elle s’est «somalisée».

Aucune solution à long terme au Mali n’est envisageable sans une stabilisation de la Libye. Cette situation menace de déstabiliser l’intégralité de l’Afrique subsaharienne et de tuer dans l’œuf son émergence économique. Une jonction entre la crise au Nigéria et le conflit libyen est clairement envisageable, nourrissant le spectre d’une zone terroriste incontrôlable du Soudan à la Mauritanie. Cependant, une stratégie militaire capable de résoudre les problèmes en Libye n’existe pas encore. Aucun consensus international n’existe sur les fins comme sur les moyens d’une éventuelle intervention. Pour certains, la Libye, à l’instar de la Syrie, est devenu le théâtre d’une guerre par procuration entre puissances.

La Centrafrique, entre le Sahel et l’Afrique centrale se trouve plongée dans une crise politique qui déstabilise aussi ses voisins. Le pays est livré à des chefs de bande et des mercenaires étrangers, l’Etat s’est effondré et les violences menacent de prendre un tour religieux entre chrétiens, qui constituent la majorité de la population, et musulmans.

Le Nigeria divisé et ne maîtrisant plus son immensité s’avance à grand pas vers la déchirure. La tentation des autorités fédérales d’échanger une amnistie générale contre une hypothétique paix civile, montre que la fracture nord-sud n’est pas prête de se refermer. L’arc sahélien, victime d’une colonisation aveugle et arbitraire lorsque furent établis les territoires, puis d’une décolonisation qui l’a laissé en chemin et enfin de la période postcoloniale qui l’a ignoré et marginalisé, revendique aujourd’hui sa place dans la mondialisation en marche.

Le peuple Touareg pour autant qu’il existe après tous ces découpages, est aujourd’hui devenu un enjeu des puissances régionales parce qu’il est la clé de la maîtrise de ces territoires. Tous ces pays, de la Mauritanie en passant par l’Algérie, la Tunisie, la Libye, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad, tous les pays de l’arc sahélien comme le Mali devront apporter une réponse à la question touareg. À moyen terme cette question non résolue verra l’explosion des structures territoriales mises en place avec les indépendances.

L’éclatement du Soudan où l’opposition entre le Nord, majoritairement peuplé musulmans, et le Sud chrétien et animiste a donné deux états qui ne sont pas encore des nations. La division de la Libye est peut-être déjà le signe du changement en profondeur qui pourrait advenir à l’arc Sahélien.

Déjà, la géopolitique du Sahel est la clé de voute de la stabilité de l’Afrique et conditionne celle de ses voisins. En panne d’espérances, le Sahel restera encore pour longtemps une zone sensible où se joue une grande partie de l’avenir.

Paris est bien conscient que la stabilisation de la situation au Sahel ou en Centrafrique est une tâche trop lourde pour la France. De plus, le renforcement de la collaboration avec l’UA et les organisations régionales concernées s’inscrit dans la perspective affichée par les puissances occidentales de renforcer les institutions nationales, régionales et continentales de l’Afrique. La présence sur le terrain de forces africaines qui devraient en prendre à terme le relais, permettaient d’afficher aux yeux des opinions publiques africaine et française le sens africain de la présence militaire française sur le continent.

Pour éviter une nouvelle conquête, un sursaut africain est indispensable. Tous les pays occidentaux, la Chine et les autres pays émergeants présentent une vision globale de l’Afrique, pas comme un continent peuplé de nations, un peu comme la vision globale du «guide libyen» Mouammar Kadhafi qui rêvait d’un gouvernement unique pour l’Afrique, et bien avant lui, Kwameh Nkrumah du Ghana. Cela signifie que la résistance africaine doit être continentale. Aucun pays ne survivra seul, d’où la nécessité pour les États africains de se mettre ensemble pour présenter  un  front commun à travers une vision historique mémorielle et actuelle.

 

[1] Appellation générique donnée à la compétition entre les puissances européennes du XIXème siècle pour les ressources africaines, voir infra.

[2] Nom donné par les opposants arabes à l’organisation terroriste qui s’intitule «Etat Islamique» et qui commence à être utilisé par les politiciens et les média pour marquer leur désaccord avec les prétentions de ce groupe.

[3] Voir une présentation détaillée sur le terrorisme au Sahel et en Afrique subsaharienne dans notre ouvrage Terrorism in the Sahel and the Sub-saharan Africa: more than a regional threat

[4] Le coltan (colombite-tantalite) est un minerai dont on extrait le niobium (d’abord appelé colombium) et le tantale. Le tantale préparé à partir du coltan est indispensable à la fabrication de composants électroniques et il est considéré comme un métal stratégique.