Darfour : 100 000 Soudanais ont fui El Fasher depuis la prise de contrôle des paramilitaires

Darfour : 100 000 Soudanais ont fui El Fasher depuis la prise de contrôle des paramilitaires

L’effondrement d’El Fasher sous la pression des Forces de soutien rapide (FSR) a déclenché l’un des plus vastes mouvements de population depuis le début de la guerre civile soudanaise. En deux semaines, près de 100 000 personnes ont fui la capitale du Darfour du Nord, selon plusieurs agences humanitaires de l’ONU, transformant une ville assiégée en un foyer d’exode massif.

Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), ces déplacements ont commencé après la défaite de l’armée soudanaise face aux paramilitaires, le 27 octobre, au terme d’un siège de plus de 500 jours.

Les nouveaux exilés trouvent refuge dans d’autres zones du Darfour, dans l’ouest du Soudan, ou dans les régions voisines. Près de 6 000 d’entre eux ont franchi la frontière tchadienne. Les trois quarts d’entre eux avaient déjà fui au moins une fois, notamment depuis les camps de Zamzam et d’Abu Shouk, à proximité d’El Fasher.

Le bilan humain pourrait s’alourdir encore davantage : des milliers de personnes âgées, blessées ou handicapées demeurent piégées, soit par crainte des FSR, soit faute de moyens pour prendre la route.

Des arrivées dans des conditions effroyables

Dans les zones d’accueil, notamment dans les villes avoisinantes d’Al Dabbah et de Tawila, la situation a atteint un niveau dramatique. Les familles dorment sous les arbres, dans des abris improvisés, souvent sans nourriture pendant des jours.

La situation est d’autant plus critique que le Darfour du Nord est en proie depuis l’été 2024 à la famine, un fléau qui touche désormais El Fasher, selon une évaluation du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), un groupe d’experts internationaux faisant autorité en la matière, publiée en début de mois.

« Les professionnels de santé mettent en garde contre l’augmentation de la malnutrition, en particulier chez les enfants et les femmes enceintes. Les nouveaux arrivants sont visiblement traumatisés après des mois de siège et de déplacements répétés », a déclaré à Genève Jacqueline Wilma Parlevliet, cheffe du bureau du HCR à Port-Soudan, sur la mer Rouge, où les autorités soudanaises se sont repliées, fuyant l’instabilité dans la capitale, Khartoum.

Les rescapés décrivent des violences extrêmes : exécutions sommaires, viols et agressions sexuelles lors de leur fuite, disparitions d’enfants, enlèvements de jeunes hommes enrôlés de force dans des groupes armés quand leurs familles ne peuvent payer de rançon.

Mme Parlevliet s’est dite « particulièrement préoccupée » par les informations selon lesquelles certains civils fuyant El Fasher auraient été « renvoyés de force » vers la ville par des groupes armés, le long des routes sur lesquelles transitent les déplacés.

Dans ce contexte alarmant, Tom Fletcher, le chef des affaires humanitaires de l’ONU, était cette semaine au Darfour du Nord pour rencontrer des dirigeants locaux et prendre la mesure des besoins des survivants.

Le conflit s’étend au Kordofan

Le HCR redoute une même spirale dans l’État voisin du Kordofan du Nord, où les combats récents entre les FSR et l’armée soudanaise ont déraciné près de 50 000 personnes, dont beaucoup avaient survécu à de précédentes vagues de violence.

Cette aggravation intervient alors que l’agence fait face à un déficit de financement chronique. À ce jour, elle n’a reçu qu’un peu plus d’un tiers des ressources nécessaires pour répondre aux besoins au Soudan et dans les pays voisins.

Alors que la guerre civile soudanaise dure depuis avril 2023, le pays traverse la plus vaste crise de déplacement au monde : près de 12 millions de personnes. Le HCR demande de toute urgence 84 millions de dollars pour maintenir ses opérations vitales jusqu’en 2026.

Des villes minées par les restes explosifs de guerre

Le service de déminage de l’ONU (UNMAS) alerte pour sa part sur la prolifération de restes explosifs dans les zones urbaines comme rurales : munitions non explosées, mines antipersonnel, mines anti-véhicules, munitions abandonnées.

L’agence décrit une contamination « extrêmement complexe », s’ajoutant à 34 km² d’engins hérités de conflits précédents. Des explosifs ont même été confirmés à Khartoum.

Alors que des familles reviennent dans des quartiers qu’elles croient plus sûrs, beaucoup s’installent sans connaître la présence d’engins mortels. « Les familles déplacées s’installent souvent dans des endroits inconnus, sans avoir conscience des conflits passés ou de la contamination. Les enfants sont particulièrement vulnérables, car de plus en plus de personnes retournent dans les zones contaminées », a prévenu Sediq Rashid, chef du bureau de l’UNMAS au Soudan.