Au Soudan, l’armée sur le point de reprendre la capitale

Au Soudan, l’armée sur le point de reprendre la capitale

L’offensive lancée par les militaires, jeudi 6 février, leur a permis d’être « à deux doigts d’atteindre le centre de Khartoum », a déclaré à l’Agence France-Presse une source de l’armée.

L’armée soudanaise était, jeudi 6 février, à l’offensive sur plusieurs axes pour s’emparer du centre de Khartoum, tenu depuis près de deux ans par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), alors que l’escalade de la violence a provoqué une hécatombe dans les hôpitaux du pays. La guerre qui fait rage depuis avril 2023 s’est récemment intensifiée. Au moins 191 personnes ont été tuées dans le pays la semaine dernière, selon un décompte de l’Agence France-Presse (AFP) à partir de chiffres de l’Organisation des Nations unies (ONU) et des secouristes.

L’offensive des militaires pour reprendre le contrôle total de la capitale lui a permis d’être « à deux doigts d’atteindre le centre de Khartoum (…) et d’expulser la milice Daglo », a déclaré à l’AFP une source militaire, faisant référence au chef des FSR, Mohammed Hamdan Daglo. « Nos forces blindées progressent sur plusieurs axes », a-t-elle affirmé sous couvert d’anonymat, car elle n’est pas autorisée à parler aux médias.

L’armée a conquis jeudi un pont stratégique reliant le centre de Khartoum à Omdurman, sur l’autre rive du Nil, selon cette source. Mercredi, l’armée a annoncé avoir « nettoyé » les quartiers d’al-Remila et de la zone industrielle dans le centre de Khartoum, à trois kilomètres du palais présidentiel. Un responsable des FSR a affirmé dans un communiqué que les paramilitaires « avaient repoussé toutes les attaques » et que les informations faisant état d’une avance des militaires ne sont « que mensonges et rumeurs ».

« Afflux massif de blessés »

Des témoins ont déclaré jeudi que l’avance de l’armée était ralentie par les tireurs embusqués des paramilitaires, postés sur des immeubles dans ce qui fut le quartier des affaires et du gouvernement. D’autres témoins ont signalé des affrontements autour du pont de Soba, point d’entrée clé du sud-est de la capitale. Selon la source militaire, les troupes de l’est du pays « sont sur le point de faire leur jonction avec les forces venant de l’Etat d’Al-Jazira », juste au sud de la capitale.

Après la reprise de Wad Madani, capitale d’Al-Jazira, en janvier, l’armée a brisé un siège d’environ deux ans des FSR sur son quartier général et repoussé les paramilitaires jusqu’aux confins de Khartoum-Nord. La guerre a fait des dizaines de milliers de victimes, déraciné 12 millions de personnes et provoqué une crise humanitaire majeure.

Après avoir reculé au début du conflit, l’armée semble avoir inversé la tendance, mais ces derniers jours, des affrontements dans ce que l’organisation Médecins sans frontières (MSF) a qualifié de « guerre contre la population » ont fait de nombreuses victimes. Les équipes de MSF ont pris « en charge un afflux massif de blessés par la guerre dans les Etats de Khartoum, Darfour-Nord et Darfour-Sud », a-t-elle indiqué dans un communiqué.

A Nyala, capitale du Darfour-Sud, contrôlée par les FSR, les frappes aériennes de l’armée ont tué 57 personnes en deux jours cette semaine, tandis que 21 autres ont été blessées. Un médecin de MSF travaillant dans l’hôpital au moment des frappes a affirmé : « Nous avons senti le bâtiment trembler. Aux urgences, la situation était terrible. Il y avait du sang partout, certains patients souffraient de fractures, d’autres avaient des membres arrachés. » Les mêmes scènes se sont produites à l’hôpital Al-Nao d’Omdurman, touché à plusieurs reprises par des bombardements cette semaine, ainsi qu’à l’hôpital de campagne du camp de déplacés de Zamzam (Darfour-Nord), frappé par la famine.
Famine dans la capitale

Jeudi, les FSR ont arrêté le directeur de l’hôpital al-Bashair de Khartoum – dernier établissement partiellement fonctionnel de la région – ainsi que le responsable d’une soupe populaire et un volontaire local, selon la salle d’intervention d’urgence du quartier de South Belt dans la capitale. La salle d’intervention d’urgence rassemble des centaines de groupes de bénévoles coordonnant l’aide d’urgence.

Au moins 106 000 personnes souffriraient de famine dans la capitale, selon le système de classification de la sécurité alimentaire soutenu par l’ONU, et 3,2 millions de personnes supplémentaires souffrent de la faim à un niveau critique.

Khartoum a été un champ de bataille clé dans la guerre, avec au moins 3,6 millions de civils fuyant les violences, selon l’ONU. Une enquête de la London School of Hygiene and Tropical Medicine a révélé que 26 000 personnes ont été tuées dans la seule capitale entre avril 2023 et juin 2024.