En Côte d’Ivoire, les autorités gèlent les avoirs de 29 individus pour financement et participation à des groupes terroristes

Un décret, qui édicte des sanctions financières pour les personnes soupçonnées de financement du terrorisme, a pris effet fin août. Le pays, qui n’a pas subi d’attaque depuis 2021, tente de contenir la menace djihadiste.

L’information n’est apparue que ces derniers jours mais les autorités ivoiriennes avaient déjà gelé, le 22 août, les avoirs de 29 personnes soupçonnées d’être impliquées dans le financement ou l’organisation de projets terroristes. L’arrêté du ministre des finances et du budget, Adama Coulibaly, a pris effet pour une période de six mois renouvelable, précise le document diffusé par la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif). En vertu d’un décret édictant des sanctions financières pour les individus soupçonnés de financement du terrorisme, adopté en mai, l’arrêté rappelle qu’il est « interdit à toute personne morale ou physique se trouvant sur le territoire ivoirien de mettre à disposition des intéressés des biens, fonds et autres ressources financières ».

Les 29 noms listés sont tous des hommes, âgés de 24 à 61 ans, et résidant pour la plupart en Côte d’Ivoire. Sept sont des citoyens ivoiriens, quinze sont Burkinabés et cinq Maliens, mais la liste compte également un Gambien et un Mauritanien. Le premier nom cité, Adou Guindo, était un influent commerçant malien résidant dans le très chic quartier Riviera Palmeraie, à Abidjan, en face du nouveau camp militaire d’Akouédo. La plupart des autres sont toutefois des inconnus : commerçants, convoyeur de car ou conducteur de tricycle, éleveur, vendeur de bétail, bouvier ou boucher, imam ou marabout…

Plus étonnant, un certain Pegnanchière Yeo, ivoirien, est sergent-chef des eaux et forêts à Dabakala, dans la région de la Vallée du Bandama (centre nord). Il a été inculpé pour plusieurs motifs, précise le document, dont des « actes terroristes », le recrutement, l’organisation, le financement et la préparation d’actes de terrorisme, ainsi que la « détention illégale d’armes et de munitions de guerre de première catégorie ». Un autre Ivoirien, Timon Pale, inculpé pour les mêmes motifs, est garde pénitentiaire à la prison civile de Daloa. Quant à l’unique Gambien, Faal Mouctarr Sidat, alias « Daddy Fall », il s’agit d’un ex-militaire, président de la fondation Africa Rise Again.

Pas d’attaques djihadistes depuis 2021

Ces derniers mois, une dizaine de jihadistes présumés ont été interpellés par les forces armées ivoiriennes dans la zone frontalière du Burkina Faso, à Doropo et à Téhini, dans la zone de Kafolo, puis transférés à Abidjan. Leur identité n’a pas été dévoilée et on ignore encore à ce stade s’il s’agit des mêmes personnes que celles mentionnées dans l’arrêté du 22 août.

Cette mesure intervient alors que la Côte d’Ivoire, qui n’a pas subi d’attaques djihadistes depuis 2021, cherche à contenir à sa frontière nord la contagion de la menace des groupes terroristes affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique au Sahel. Le pays accueille un afflux constant de réfugiés burkinabés fuyant les attaques dans leur pays. Ils seraient aujourd’hui plus de 59 000, principalement des femmes et des enfants, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies.

Les frontières communes avec le Burkina Faso et le Mali sont « difficilement tenables », a récemment déclaré le ministre ivoirien de la défense, Téné Birahima Ouattara, dans un entretien à Jeune Afrique, amenant la Côte d’Ivoire à « se barricader » afin que « les terroristes mis en difficulté, principalement au Burkina Faso, ne puissent pas s’installer sur notre sol et commettre de nouveaux attentats ». Le tout pour « éviter que les événements survenus à Kafolo ou Grand-Bassam ne se reproduisent », rappelait le ministre, en référence à l’assaut contre une caserne de l’armée qui avait fait une dizaine de morts en juin 2020 à Kafolo, et à l’attentat djihadiste du 13 mars 2016 dans la station balnéaire de Grand-Bassam, revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique, où 19 civils avaient été tués.