Face à la déroute de ses soldats dans le Nord-Kivu, la justice militaire congolaise a décidé de sévir contre ceux qu’elle considère comme des déserteurs.
Vingt-deux militaires congolais accusés de « fuite devant l’ennemi » lors des combats contre les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) ont été condamnés à mort, lundi 8 juillet, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), a-t-on appris auprès d’un de leurs avocats.
A l’issue de l’audience, le tribunal de Lubero (Nord-Kivu, est) a prononcé seize condamnations à mort, trois peines de dix ans de prison et trois acquittements, alors que l’accusation avait requis samedi la peine capitale contre les accusés. Dans une autre affaire examinée et jugée dans la foulée, six soldats ont été condamnés à mort et un a été acquitté, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) l’avocat Jules Muvweko.
Mercredi, le même tribunal, qui siégeait alors dans le village d’Alimbongo, à environ 70 kilomètres de Lubero, avait condamné vingt-cinq militaires à la peine capitale. Enfin, vendredi à Lubero, deux peines similaires avaient été prononcées. Tous étaient poursuivis pour « lâcheté », « fuite devant l’ennemi », « dissipation de munitions de guerre », « violation des consignes », « meurtre », « vol », « pillages » ou encore « extorsion ». Au total, près de 50 condamnations à mort ont été prononcées en moins d’une semaine pour les mêmes motifs.
Caractère « dissuasif et pédagogique »
Ces audiences ont un caractère « dissuasif et pédagogique », avait déclaré vendredi à l’AFP la capitaine Mélissa Kahambu Muhasa, représentant le ministère public. Elles visent à empêcher les militaires d’abandonner leur poste sur les lignes de front, un « fléau », selon l’armée.
Dans son réquisitoire, elle a appelé le tribunal militaire à « condamner à la pleine la plus lourde ces militaires qui ont gaspillé les munitions pour se donner un couloir au lieu de défendre la nation », a-t-elle insisté.
La défense des soldats a vivement réagi à cette demande et plaidé les circonstances atténuantes. « On laisse des militaires cinq jours sans manger sur la ligne de front, que vont-ils faire ? », s’était interrogé Me Muvweko. « Le gouvernement doit prendre soin d’eux au front pour éviter tout ça », avait-il lancé devant les juges.
Ces procès ont lieu alors que l’offensive d’ampleur de la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda, s’est emparée fin juin 2023 de nouvelles localités sur le front nord du conflit. Depuis la fin de la semaine du 24 juin au 30 juin, les rebelles ont pris le contrôle de plusieurs villes sur ce front nord, notamment Kanyabayonga. Située à une centaine de kilomètres de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, elle est considérée comme un verrou contrôlant vers le nord les accès aux villes de Butembo et de Beni, fiefs de l’importante tribu Nande et grands centres commerciaux du pays.
« Débarrasser l’armée des traîtres »
La déroute de l’armée congolaise et de ses milices supplétives face à la progression rebelle a suscité à Kinshasa des soupçons d’infiltration des forces de sécurité. De nombreux militaires, y compris des officiers supérieurs, ainsi que des personnalités politiques et du monde économique, ont été arrêtés et accusés de « complicité avec l’ennemi ».
En mars, l’ancienne ministre de la justice, Rose Mutombo, avait notifié dans une circulaire la levée du moratoire sur la peine de mort qui était en vigueur depuis plus de vingt ans en RDC. Selon le gouvernement, cette mesure, très critiquée par les organisations de défense des droits humains, cible en priorité les militaires accusés de trahison.
Le rétablissement des exécutions vise à « débarrasser l’armée de notre pays des traîtres et à endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entraînant mort d’homme », avait écrit Mme Mutombo. En mai, les premières peines de mort avaient été prononcées à Goma pour « lâcheté » et « fuite devant l’ennemi » à l’encontre de huit militaires, dont cinq officiers.