DÉCRYPTAGE. Le Niger était jusqu’à présent un partenaire régional clé des États-Unis, mais les relations se sont détériorées depuis le coup d’État de juillet 2023.
Sept mois après avoir mis fin aux accords de coopération militaire avec la France, la junte au pouvoir au Niger pourrait en faire de même avec les États-Unis. Selon le colonel Abdourahamane Amadou, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) du Niger a décidé, samedi 16 mars, « en toute responsabilité, de dénoncer avec effet immédiat » l’accord relatif au statut du personnel militaire des États-Unis et des employés civils du département américain de la Défense sur le territoire nigérien, a-t-il dit, en lisant un communiqué à la télévision publique nigérienne.
Officiellement, Niamey affirme que l’accord de défense entre les deux pays était injuste et imposé de manière unilatérale par une simple note verbale imposée par Washington depuis 2012.
La présence américaine en sursis ?
Cette décision fait suite à la visite d’une délégation américaine composée de la secrétaire d’État américaine adjointe aux Affaires africaines, Molly Phee, du sous-secrétaire à la Défense pour les affaires de sécurité internationales, et du commandant en chef de l’Africom, le général Michael Langly, à Niamey les 12, 13 et 14 mars derniers. Une visite de trois jours qui avait déjà suscité de nombreux commentaires de part et d’autre puisque, après avoir rencontré plusieurs responsables nigériens, dont le Premier ministre civil nommé par les militaires, Ali Mahaman Lamime Zeine, les hauts responsables américains étaient repartis sans avoir rencontré le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani.
« Attitude condescendante »
Du côté nigérien, cette rencontre est jugée comme étant sans respect des usages diplomatiques et imposée, selon le porte-parole du CNSP, Abdourahamane Amadou. Aussi, le gouvernement du Niger dénonce-t-il « avec force l’attitude condescendante, assortie de la menace de représailles de la part de la délégation américaine vis-à-vis du gouvernement nigérien ». « Cette attitude est de nature à saper la qualité de nos relations séculaires et miner la confiance entre nos deux gouvernements, déjà entamée par les événements du 19 octobre dernier », poursuit la junte.
Les États-Unis comptent quelque 1 100 soldats engagés dans la lutte antidjihadiste dans le pays et disposent d’une importante base de drones à Agadez (Nord). Mais Washington avait suspendu sa coopération avec le Niger, après le coup d’État de juillet 2023 qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum. En revanche, l’administration Biden s’était dite prête à reprendre cette coopération, sous conditions. En effet, certains hauts responsables du Pentagone estiment que maintenir une présence au Niger est vital pour lutter contre le terrorisme dans la région. Il faut rappeler que le Niger abrite la deuxième plus grande base américaine sur le continent africain, après celle de Djibouti.
Vers une présence russe au Niger ?
Entre autres reproches, d’après le colonel major, Abdourahamane Amadou, les Américains auraient accusé Niamey d’avoir signé des accords secrets, que ce soit dans le domaine militaire avec la Russie ou sur l’uranium avec l’Iran. En tout cas, la junte nigérienne estime aussi que les contraintes sont devenues trop importantes, avec notamment la question des factures liées aux taxes des avions militaires américains. Niamey regrette également le manque d’information sur les opérations américaines et juge donc illégale la présence américaine sur le territoire nigérien.
Tous les accords signés par le Niger depuis l’avènement du CNSP respectent le droit international et les règles de transparence, indique le communiqué. « C’est pourquoi le gouvernement du Niger rejette les allégations mensongères de la cheffe de la délégation américaine, consistant à soutenir qu’il aurait signé un accord secret avec la République islamique d’Iran. Cette approche cynique, habituellement utilisée par les États-Unis pour discréditer, diaboliser et justifier leur menace contre les États, n’est pas sans rappeler l’exemple de la seconde guerre d’Irak », a-t-il rappelé, affirmant que son gouvernement « n’a jamais signé d’accord secret avec ses pays partenaires ». Quant à la Fédération de Russie, le porte-parole du CNSP a déclaré qu’il s’agit « d’un partenaire avec lequel le Niger traite d’État à État, conformément aux accords de coopération militaire signés avec les gouvernements antérieurs pour acquérir le matériel militaire nécessaire à sa lutte contre le terrorisme qui a fait des milliers d’innocentes victimes nigériennes, sous l’œil indifférent d’une bonne partie de la communauté internationale ».
Dimanche, l’administration américaine a réagi, en disant avoir pris connaissance du communiqué du régime de Niamey et qu’il faisait suite à des « discussions franches […] sur [le]s préoccupations » concernant la « trajectoire » de la junte, a fait savoir, le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller sur X. Les États-Unis sont toujours en contact avec la junte, a-t-il précisé, et fourniront de nouvelles informations « si nécessaire ».
Il faut rappeler que cette dénonciation des accords de coopération militaire avec les États-Unis intervient après celle des accords passés avec la France, dans plusieurs domaines de sécurité et de défense, après le coup d’État du 26 juillet dernier.