Le président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, a accusé les autorités éthiopiennes d’avoir voulu l’empêcher d’accéder à l’enceinte de l’Union africaine, sur fond de crise diplomatique entre Mogadiscio et Addis-Abeba.
Très tendues, depuis la signature d’un accord, en janvier, entre Addis-Abeba et la région séparatiste du Somaliland au sujet d’un accès à la mer, les relations entre l’Ethiopie et la Somalie se sont encore un plus dégradées, samedi 17 février, en marge du sommet de l’Union africaine, qui se déroule dans la capitale éthiopienne, Addis-Abeba. Le président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, a accusé les autorités locales d’avoir voulu l’empêcher d’accéder à l’enceinte de l’institution.
« Ce matin, a-t-il raconté, furieux, à la presse, les forces de sécurité éthiopiennes m’ont bloqué à mon hôtel […] J’ai attendu longtemps et j’ai fini par monter dans la voiture d’un autre chef d’Etat […] Une fois que nous sommes arrivés devant le bâtiment de l’UA, les forces de sécurité ont encore essayé de nous empêcher de rentrer », s’est-il emporté, appelant l’organisation continentale à condamner « le comportement inacceptable » de l’Ethiopie. Il a quitté la capitale éthiopienne dans la foulée.
D’après plusieurs sources, le président somalien a en effet dû se faire conduire par son homologue djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh. Les voitures des ministres des affaires étrangères des deux pays ont été arrêtées à l’entrée du bâtiment de l’UA, forçant les deux dignitaires à le rejoindre à pied, en violation du protocole diplomatique. « Les Somaliens ne peuvent pas laisser passer cela, c’est une véritable offense », déplore un diplomate est-africain.
« L’Ethiopie veut annexer une partie de la Somalie »
La porte-parole du gouvernement éthiopien, Billene Seyoum, affirme que l’incident est dû « au refus, par la délégation somalienne, de souscrire au dispositif de sécurité assigné par l’Ethiopie » et que les membres de la délégation somalienne « ont tenté d’introduire des armes dans le périmètre de l’UA ».
La brouille intervient alors que le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le leader somalien Hassan Cheikh Mohamoud se trouvent pour la première fois réunis depuis la signature d’un accord entre l’Ethiopie et la République autoproclamée du Somaliland, le 1er janvier, censé permettre à Addis-Abeba d’obtenir un accès direct à la mer Rouge pour cinquante ans – et une base navale – en échange de la possible reconnaissance de la République du Somaliland.
Début janvier, Mogadiscio avait fait passer une loi « annulant » cet accord maritime jugé « illégal » et s’était dit prêt à défendre l’intégrité territoriale de la Somalie par tous les moyens. Le Somaliland, ancienne colonie britannique, a unilatéralement déclaré son indépendance en 1991. Depuis, Mogadiscio n’a plus le contrôle sur cette région tout en restant officiellement souverain sur le territoire.
A Addis-Abeba, Hassan Cheikh Mohamoud s’en est pris à son homologue, accusé de « tromper son monde en assurant que son pays à un besoin d’accès à la mer ». « Les actions de l’Ethiopie prouvent qu’il veut annexer une partie de la Somalie », a-t-il dénoncé, dans un langage peu diplomatique, rarement d’usage dans ce type de conférences internationales.
L’Union africaine impliquée
En octobre 2023, Abiy Ahmed exposait le « droit naturel » de son pays à disposer d’un accès à la mer. « Si cela ne se produit pas, c’est une question de temps avant que nous entrions en conflit », menaçait-il. Les pays de la Corne de l’Afrique ont condamné ces propos. L’Union africaine avait souligné « l’impératif de respecter l’unité, l’intégrité territoriale et la pleine souveraineté de tous les Etats membres de l’UA ».
L’organisation panafricaine dispose d’une mission de maintien de la paix (Atmis) en Somalie, qui comprend notamment des soldats venus de cinq pays, dont l’Ethiopie. Malgré la crise qui l’oppose à son voisin, la Somalie n’a pas demandé le départ des troupes éthiopiennes. « Nous maintenons des relations diplomatiques pour éviter toute escalade, notre ambassade est ouverte et les vols qui relient Addis-Abeba à Mogadiscio continuent de fonctionner », assure le président somalien.
Le mandat de l’Atmis doit cependant prendre fin au 31 décembre 2024. La Somalie, qui peine à combattre les islamistes Chabab, affiliés à Al Qaida, souhaite prolonger la mission de maintien de la paix, sous un nouveau format. Au vu des relations avec son voisin éthiopien, Mogadiscio pourrait réclamer l’exclusion des soldats venus d’Addis-Abeba.