La force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC-RF), dont Kinshasa, qui la juge inefficace, a décidé de ne pas renouveler le mandat, a commencé dimanche à quitter la République démocratique du Congo.
Deux groupes d’une centaine de militaires kényans chacun ont quitté la région depuis l’aéroport de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, à destination de Nairobi.
Un premier avion a décollé peu après 05H00 locales (03H00 GMT), puis un 2e vers 10H30 (08H30 GMT).
Aucun officiel congolais n’était présent sur le tarmac et, dimanche à la mi-journée, les autorités de RDC n’avaient pas encore communiqué sur ces départs.
“Nous sommes contents du départ de l’EAC”, a déclaré à l’AFP Emmanuel Agaye, un chauffeur de taxi-moto à Goma. “Nous savons qu’ils étaient venus pour nous aider à combattre, mais ils n’ont pas combattu”, a-t-il déploré.
“La force de l’EAC n’a pas sa place ici”, rage Innocent Niyibizi, un autre habitant de Goma. “Nous avons été surpris de voir que les rebelles du M23 ont dépassé les positions de l’EAC et se sont emparés de nouvelles localités”, regrette-t-il.
Les soldats kényans avaient commencé à arriver à Goma en novembre 2022, environ un an après la résurgence dans le Nord-Kivu de la rébellion du M23 (“Mouvement du 23 mars”) qui, avec le soutien du Rwanda selon de nombreuses sources, s’est emparé de vastes pans de la province.
Les autorités congolaises avaient alors invité l’EAC à déployer sa force pour libérer des espaces conquis par les rebelles.
Mais la population de la région et le gouvernement congolais se sont vite montrés très critiques vis-à-vis des troupes de l’EAC, leur reprochant – à l’exception des Burundais – de cohabiter avec les rebelles plutôt que de les contraindre à déposer les armes.
A l’issue d’un sommet de l’EAC tenu le 25 novembre, l’organisation régionale a annoncé dans un communiqué que la RDC “ne renouvellerait pas le mandat de la force régionale au-delà du 8 décembre 2023”.
Ce départ des soldats kényans intervient alors que des combats continuent d’opposer le M23 à l’armée congolaise appuyée par des miliciens se présentant comme “patriotes”.
Un soldat kényan de la force régionale avait été tué le 24 octobre par des éclats d’obus.
Le président du M23, Bertrand Bisimwa, a réagi sur X au départ des premiers soldats de l’EAC, déclarant que son groupe armé “n’entend pas laisser ses espaces qu’il avait cédés à l’EAC-RF être envahis par la coalition des forces du régime de Kinshasa”.
Elections le 20 décembre
De nombreux groupes armés et autres milices sévissent depuis trois décennies dans l’est de la RDC, un héritage des guerres régionales qui ont éclaté dans les années 1990 et 2000.
Outre la force de l’EAC, une mission de l’ONU, la Monusco, anciennement Monuc, est présente en RDC depuis 1999.
Mais elle se trouve elle aussi accusée d’inefficacité et Kinshasa demande son départ, “ordonné” mais “accéléré”, à partir de janvier 2024.
La Monusco comprend environ 14.000 Casques bleus, déployés presque exclusivement dans l’est du pays.
Des élections générales sont prévues le 20 décembre en RDC, vaste pays de quelque 100 millions d’habitants. Le président sortant, Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, est candidat à un second mandat de cinq ans.
A cause de la rébellion du M23, les élections ne pourront toutefois pas avoir lieu dans deux territoires du Nord-Kivu.
Pour remplacer la force de l’EAC, Félix Tshisekedi compte notamment sur le déploiement de contingents de la communauté d’Afrique australe (SADC) à laquelle appartient également la RDC. Mais la mise sur pied de cette force, évoquée depuis le mois de mai, ne s’est jusqu’à présent pas concrétisée.
Environ un millier d’anciens militaires européens, présentés par Kinshasa comme des “instructeurs” et répartis dans deux sociétés privées, sont également présents dans le Nord-Kivu.
Les autorités congolaises affirment aussi que l’armée nationale est en train de monter en puissance, avec l’objectif d’assurer elle-même la défense du territoire et de protéger le pays des “agressions” de ses voisins, le Rwanda en particulier.