e 5 septembre 2021, quelques heures après la prise du pouvoir par le CNRD, le Colonel Mamadi Doumbouya a, dans un discours prononcé à cet effet, dénoncé avec force un « système de mal gouvernance » institutionnalisé en Guinée caractérisé par la gabegie financière, entre autres. Par la même occasion, il a exprimé une volonté de rompre avec les pratiques liberticides du passé.
Qui aurait cru, il y a de cela 24 mois, que le gré à gré ou l’entente directe allaient être, dans la gestion et la passation des marchés publics en Guinée la règle, et les appels d’offres ou consultation ouverte, l’exception ?
Les faits commencent à donner raison à ceux qui s’étaient montrés sceptiques car les « moralisateurs » sont eux-mêmes loin d’être des modèles comme en attestent les scandales à répétition révélés par les médias.
Depuis le 05 septembre 2021, nous constatons que plus de 85% des contrats sont conclus sous forme de gré à gré ou d’entente directe.
Il serait fastidieux de les passer tous en revue, mais nous pouvons citer entre autres : les contrats de rénovation des ministères, de construction de garnisons militaires à hauteur de 200 millions de dollars US, le bitumage de la route Kankan-Mandiana à hauteur de 100 millions de dollars US, la construction des hôpitaux régionaux à hauteur de 102 millions de dollars US en lieu et place de 40 millions de dollars à l’époque du régime déchu avec la coopération indienne, la construction de la cité Camayenne, la rénovation du stade du 28 septembre, l’aménagement du palais présidentiel Mohammed 5, la construction de quatre aérodromes régionaux, la construction des centres de santé améliorés, la construction du nouveau siège de la Caisse nationale de prévoyance sociale, le bitumage des voiries urbaines de Conakry et de l’intérieur du pays.
Le constat est sans appel : le recours excessif à une pratique censée constituer l’exception en matière de passation des marchés publics est devenu la règle.
Cela est fait au nom d’une prétendue urgence ou des possibilités de préfinancement. Ainsi, la plupart des investissements concernés ne sont pas prévus dans la loi des finances et pratiquement toutes les études afférentes sont faites par les entreprises prestataires de services. Cela ouvre la voie à des surévaluations astronomiques allant jusqu’à 5 à 10 fois les coûts réels.
Ainsi, les surfacturations sont légion sous l’administration de la nébuleuse CNRD
Les tout derniers exemples qui font actuellement du bruit dans la cité concernent la rénovation du ministère des postes, des télécommunications et de l’économie numérique (85 milliards de GNF), mais aussi de la résidence des premiers ministres (6 milliards de GNF) prouvent à suffisance la persistance de pratiques non orthodoxes dans la gouvernance économique du CNRD.
En outre, ces pratiques aggravent les difficultés de trésorerie de l’Etat par le recours à la titrisation des créances hors budget qui crèvent ainsi la trésorerie de l’État. Les titres escomptés dans les banques commerciales viennent constituer de lourdes charges de paiement à la Banque centrale au compte du Trésor public.
Une autre pratique qui devrait scandaliser dans la gestion des finances publiques est le règlement des faux dossiers de la dette intérieure. C’est l’exemple de la fausse dette de l’hôtel Camayenne (à l’origine, moins de 5 millions de dollars US) il se retrouve facturé à plus de 20 millions d’euros indûment payés à monsieur le Directeur des hôtels Riviera. Est-il besoin de rappeler que cette créance a été rejetée par le Pr Alpha Condé pour des raisons pertinentes.
Par ailleurs, les commandes publiques sur le matériel, équipement et fourniture militaires sont monnaies courantes par le président de la transition et le ministre de la Défense nationale. Ceci ouvre un boulevard à l’enrichissement illicite, aux pots de vins, au clientélisme, au favoritisme, au blanchiment de capitaux et à la corruption.
Ce qui explique l’acquisition des biens immobiliers et mobiliers de hauts gradés de l’Armée et cadres de l’État qui crèvent les yeux et font désormais régulièrement l’objet de dénonciations dans la presse.
La prétention du légionnaire de réformer ou la fameuse refondation de l’État par des décrets et décisions ne constitue que la poudre aux yeux car sans volonté réelle.
A ce jour, aucun acte n’est posé pour un retour à l’ordre constitutionnel dans le cadre du processus électoral. Pendant ce temps, le trafic de cocaïne bat son plein comme par magie avec la gestion de la nébuleuse CNRD.
Il n’est pas superflu de relever la malhonnêteté de la paternité au CNRD de chantiers engagés sous le régime d’Alpha Condé sans aucun scrupule. Il en est ainsi des voiries de Conakry, des routes Coyah-Dabola, Coyah-Pamelap, l’échangeur de Kagbélen… Il en est ainsi également de la paternité de passage de la Guinée dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire.
Comment ne pas s’étonner du CNRD sur ces sujets quand on sait qu’ ils n’ont initié aucun nouveau projet à date productif et créateur de richesses.
Le président du CNRD et son gouvernement doivent arrêter de penser qu’ils réussissent à amadouer les Guinéens sur la soi-disant refondation de l’État. Par définition, une transition a pour objectif la préparation au retour à l’ordre constitutionnel, chantier essentiel sur lequel les attentes restent non satisfaites.