Augmentation des prix des premières nécessités et psychose générale, l’impact du blocus sur la ville de Tombouctou, au Mali, commence à se faire sentir.
À Tombouctou, on vit dans le stress depuis que les djihadistes ont imposé un blocus sur cette ville du Nord du Mali. Le 8 août dernier en effet, le commandant du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GNIM) dans la région de Tombouctou, Tahla Abou Hind, demandait à ses combattants d’arrêter les camions en provenance d’Algérie et de Mauritanie vers Tombouctou.
Depuis lors, la ville vit « sous embargo ». Plusieurs axes routiers sont bloqués par des groupes armés. Sur l’axe, Tombouctou- Goundam, long de 90 km, il est difficile de voyager avec de la marchandise.
.De plus, le bateau considéré jusqu’à tout récemment comme le moyen le plus sûr, n’est plus possible. La Compagnie Malienne de Navigation (COMANAV) ayant suspendu la navigation de sa flotte après l’attaque du 07 septembre dernier sur le bateau civil « Tombouctou » qui a fait au moins 49 civiles et de nombreux blessés.
Une économie au ralenti
Résultat : l’économie tourne au ralenti. Car, comme nous fait un habitant de Tombouctou, « plusieurs commerçants vivent désormais difficilement, car la plupart se ravitaillent en Mauritanie et en l’Algérie. Le prix de certains produits a ainsi connu une hausse. »
C’est le cas de l’huile de cuisson, du sucre. «Le carburant est passé de 750 F CFA le litre à pratiquement 1 500 F CFA et le sac de charbon est passé de 4 000 FCFA à 8 500FCFA », se désole Sane Chiffi, membre de la société civile locale.
Même si pour l’heure, le constat est surtout au niveau de la hause des prix des denrées et pas de leur pénurie. Mais la situation ne saurait restée ainsi.
Alhousseyni Alhadji, journaliste oeuvrant dans la ville, craint que certains produits disparaissent sur la durée si le blocus venait à perdurer. Il dit avoir remarqué la fermeture de certaines stations à essence. « Si dans un délai très court les choses ne changent pas, ce sera très compliqué pour notre population » alerte-t-il.
Ville sous psychose
Tombouctou, dite ville des « 333 saints » vit sous psychose. Les habitants vivent désormais avec un œil fermé. « La population est stressée, elle craint le pire », nous fait savoir Sané Chiffi qui travaille avec les habitants. Ceci en raison d’une fréquence inhabituelle de tirs d’obus.
« On ne connaissait pas cette situation. Rien qu’en un mois, on a connu au moins trois obus sur la ville » déplore le journaliste Alhousseyni Alhadji. C’est désormais une ville qui « vit au jour le jour » martèle Sane Chiffi. Il se réjouit tout de même que pour le moment, l’accès aux services sanitaires est encore possible.
Ce blocus sur Tombouctou rappelle celui sur la ville de Boni, dans la région de Mopti, dans le centre du Mali, en mai 2022. La Katiba Serma, membre du GNIM punissait ainsi les habitants, accusés notamment de collaborer avec l’armée malienne et ses partenaires russes.
Des négociations menées entre les groupes armés et les représentants locaux avaient permis de lever le blocus en septembre de la même année.
Dialoguer pour libérer Tombouctou
Alhousseyni Alhadji estime que c’est aussi le dialogue qui permettra de libérer Tombouctou. Pour lui, il est question de « négocier avec les groupes armés, revenir à la table de négociation afin que les populations meurtries retrouvent la stabilité. »
En attendant, Sane Chiffi membre de la société civile renseigne que les autorités maliennes travaillent pour faciliter l’acheminement de certains produits venant du sud. »
Les attaques djihadistes se sont intensifiées tout récemment dans le Nord du Mali. La MINUSMA a recemment été poussée à quitter le pays, laissant ses bases à l’armée malienne. Cependant, les groupes séparatistes n’apprécient pas ce transfert de base. Ils estiment que leur contrôle devrait leur revenir.
En 2015, les anciens rebelles ont signé un accord de paix avec les autorités maliennes pour mettre fin à leur activisme armé. Avec ce blocus, l’accord est de facto remis en question, estime l’analyste politique Ahmedou Ould-Abdallah.
«C’est au gouvernement malien de choisir les moyens et les ressources pour mettre fin à cette crise qui dure » explique-t-il avant d’ajouter que « les autorités doivent consulter tous les notables de Bamako et de la région du Nord, tous ceux qui se présentent comme djihadistes et qui ne le sont peut-être pas; mettre en place un processus pour trouver un accord. »