La tentative de rébellion du groupe paramilitaire Wagner contre Moscou donne à réfléchir aux militants prorusses du continent. Mais tous n’ont pas la même marge de manœuvre.
Si les tenants et les aboutissants du mélodrame russe de ces derniers jours semblent encore flous aux yeux de certains observateurs, le bras de fer éphémère entre le groupe paramilitaire Wagner et le Kremlin a de quoi déboussoler les aficionados de Vladimir Poutine et les fans d’Evgueni Prigojine. Jusque-là, en Afrique, ces groupies étaient sensiblement les mêmes. C’est sur les même sites et dans les mêmes médias autoproclamés « alternatifs » que l’on lisait « le régime russe, lui au moins, n’a pas de passif colonial » ou « Wagner ne saurait faire pire que Barkhane ».
Certes, le fondateur du groupe Wagner a ciblé, dans son appel à la rébellion, ce 23 juin, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, et le chef d’état-major, Valery Guerasimov, laissant imaginer un temps que Poutine pouvait être le marionnettiste en chef du psychodrame. Mais le président russe a ensuite qualifié Prigojine de « traître », et beaucoup de spécialistes de la Russie jugent que cet épisode a affaibli le chef de l’État.
Evgueni Prigojine tient à l’africanité de son « œuvre »
Les étrangers prorusses devront-ils choisir leur camp ? Dans les pays qui ne sont pas (encore) sous contrat avec Wagner, c’est le visage de Poutine que brandissent les manifestants enamourés. Mais c’est avec le groupe de mercenaires que sont en contact les populations centrafricaine ou libyenne. Et Evgueni Prigojine tient à l’africanité de son « œuvre », son groupe ayant mis de longues années à tisser sa toile sur le continent, depuis la décolonisation et la guerre froide. Ce n’est pas un hasard s’il a débuté l’une de ses harangues, ce 24 juin sur Telegram, par « quand nous combattions en Afrique ». Certains considèrent d’ailleurs que les incompréhensions entre Wagner et le pouvoir russe ont commencé dans la gestion de certains dossiers africains, autour de questions d’approvisionnement en particulier.
Chaque activiste africain réagira en fonction de son lien avec les Russes. Celui qui est financé léchera la main qui le subventionne. Celui qui glose par pure idéologie évaluera les promesses de Moscou et la proximité actuelle de Wagner avec son environnement.
Vladimir Poutine à Johannesburg en août ?
Exilé en Biélorussie, Prigojine va-t-il faire profil bas ? Ses troupes reverront-elles leur positionnement en Afrique ? Et si Poutine obtient les garanties nécessaires – une immunité diplomatique –, foulera-t-il le sol sud-africain, en août, à l’occasion du prochain sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ?
D’ici là est censé se tenir, en juillet à Saint-Pétersbourg, le deuxième Forum économique et humanitaire Russie-Afrique. Sans doute beaucoup de dirigeants du continent répondront-ils présents. Et peut-être que, face au bras de fer Prigojine-Poutine, de nombreux Africains revendiqueront à nouveau le statut de non-aligné.