La condamnation, le 1ᵉʳ juin, de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs avait déclenché des violences qui ont fait officiellement 16 morts.
Amnesty International a annoncé, jeudi 8 juin, avoir décompté 23 morts dans les troubles qui ont secoué le Sénégal, davantage que le bilan officiel des autorités, et a exigé une enquête indépendante. Le Sénégal a été en proie, du 1er au 3 juin, aux plus graves troubles depuis des années à la suite de la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs. Une décision de justice qui rend inéligible pour la présidentielle de février 2024 une personnalité populaire dans la jeunesse et les milieux défavorisés.
L’annonce de la condamnation a déclenché des violences qui ont fait officiellement 16 morts. A travers 18 entretiens, des vidéos authentifiées et des certificats de décès et rapports d’autopsie qui attestent de blessures par balles, Amnesty dresse un bilan humain à la hausse et dénonce un usage excessif de la force ainsi que des atteintes à la liberté d’expression et d’information.
« Près de 23 morts, selon nos chiffres, dont plusieurs par balles, ont été enregistrés entre Dakar et Ziguinchor », dans le Sud, affirme Amnesty dans un communiqué. Trois étaient des mineurs, selon l’organisation non gouvernementale (ONG). Bassirou Sarr, 31 ans, à Dakar, Fallou Sall, 25 ans, ou encore Ousmane Badio, 17 ans, sont tous trois morts à la suite de tirs par balle, révèlent des témoignages de leurs proches recueillis par l’ONG. De son côté, le parti de M. Sonko, Pastef (Les Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), a fait état jeudi de 26 morts par la voix de son porte-parole, El Malick Ndiaye, a rapporté le site d’information Dakaractu.
« Evidentes violations du droit international »
Amnesty dit avoir constaté, dans des vidéos qu’elle a analysées, la présence, aux côtés des forces de l’ordre, d’hommes armés en civil qui s’en prennent violemment aux manifestants. « L’Etat ne doit pas permettre la présence d’individus non identifiés comme faisant partie des forces de l’ordre pour des opérations de maintien de l’ordre, ni l’usage de la force. Ce sont des évidentes violations du droit international », a déclaré dans le communiqué Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty Sénégal.
L’organisation dénonce également les atteintes à la liberté d’expression. Les autorités ont suspendu plusieurs jours l’accès à des réseaux sociaux populaires et l’accès à Internet par les téléphones portables.
Interrogé par l’Agence France-Presse (AFP), le gouvernement n’a pas réagi. Il avait préalablement justifié le recours à la force par la nécessité de rétablir l’ordre face à ce qu’il a présenté comme une tentative de déstabiliser l’Etat, y compris de la part d’hommes en armes. Avant Amnesty, Human Rights Watch avait critiqué la réponse des autorités aux troubles et réclamé une enquête.
Les autorités ont interdit deux marches de l’opposition, prévues vendredi et samedi, contre le président, Macky Sall, la première pour non-respect des délais de demande d’autorisation, la seconde pour risque de trouble à l’ordre public, a expliqué la préfecture à l’AFP. L’inquiétude d’un nouvel embrasement est répandue. Elle est alimentée par les incertitudes sur le sort de M. Sonko, susceptible d’être arrêté après sa condamnation.