Emprisonné en 2020 pour « atteinte à l’intégrité nationale », l’opposant a été placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d’une nouvelle affaire.Nouvel épisode d’une longue série de poursuites en Algérie. Figure du Hirak, un mouvement populaire enclenché en 2019 pour faire barrage au cinquième mandat de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika (1999-2019), Karim Tabbou a été placé sous contrôle judiciaire, jeudi 25 mai, après deux nuits en garde à vue. Quatre accusations sont retenues contre lui, mais ses avocats n’ont pas plus de précisions. « Notre client a été présenté seul et sans défense. Nous ignorons encore ce que contient son dossier », a affirmé au Monde Toufik Belala, membre du collectif de défense.
Karim Tabbou, coordinateur du parti non agréé Union démocratique et sociale (UDS), a été arrêté par des agents en civil mardi à Dely Brahim, une commune de la wilaya d’Alger. « Nous ignorons à quelle institution appartiennent [ceux qui l’ont interpellé] », a alerté le jour même Me Belala. Plusieurs heures après son arrestation, Karim Tabbou a pu appeler ses proches et sa défense pour les informer de son placement en garde à vue. Prévenu par les avocats, le procureur de la République près le tribunal de Bir Mourad Raïs a indiqué ne pas être au courant de l’affaire.
« Plus de quarante-huit heures après l’arrestation de l’opposant politique Karim Tabbou, nous ne connaissons toujours pas qui l’a arrêté ni le tribunal compétent » devant lequel il sera présenté, a alerté une nouvelle fois Me Belala sur Facebook : « Par conséquent, nous considérons que son arrestation et sa mise en garde à vue sont contraires à la loi. […] C’est un acte de motivation politique […] Nous exigeons donc sa libération immédiate. »
Après deux nuits en garde à vue, le quinquagénaire a finalement été présenté jeudi devant le tribunal de Koléa, à une trentaine de kilomètres à l’ouest d’Alger. Après sa présentation au procureur, il a été déféré devant le juge d’instruction, qui a décidé de son placement sous contrôle judiciaire. Ses avocats n’ont eu vent de cette décision qu’après sa sortie du tribunal, après un appel téléphonique de leur client.
Une émission avec Moncef Marzouki
Selon Me Belala, Karim Tabbou est poursuivi « pour avoir participé à l’émission de la chaîne Al Magharibia, le 7 mai, auprès de l’ancien président tunisien Moncef Marzouki ». Al Magharibia, qui diffuse de l’étranger, a été fondée par Oussama Madani, fils de feu Abassi Madani, qui fut président de l’ancien parti Front islamique du salut (FIS). Quant à Moncef Marzouki, il a présidé la Tunisie de 2011 à 2014 après la chute de Zine El-Abidine Ben Ali. Désormais opposant à l’actuel chef de l’Etat, Kaïs Saïed, il a tenu à plusieurs reprises des propos provocateurs envers l’Algérie et le président Abdelmadjid Tebboune, qu’il accuse d’ingérence dans les affaires tunisiennes.
Depuis le début du Hirak, Karim Tabbou a été plusieurs fois dans le viseur de la justice. En mars 2020, il avait été condamné à un an de prison (dont six mois ferme) pour « atteinte à l’intégrité nationale » en raison d’une vidéo publiée sur le compte Facebook de son parti, où il critiquait l’ingérence de l’armée dans les affaires politiques. La sentence avait été alourdie en appel deux jours avant sa libération, ce qui l’obligea à rester derrière les barreaux jusqu’en juillet 2020.
D’après le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), des dizaines de personnes en lien avec le Hirak ou la défense des libertés individuelles sont aujourd’hui incarcérées en Algérie.