La population vit toujours dans la peur et la faim au Soudan, après un mois d’intenses combats entre les généraux Abdel Fattah al-Burhane et Mohamed Hamdane Daglo. Des milliers de réfugiés fuient quotidiennement vers les pays voisins d’Égypte, du Tchad, de l’Éthiopie ou du Soudan du Sud.
Avant la guerre, le Soudan s’engluait dans le marasme politique et économique. Après un mois de combats entre les troupes des deux généraux qui se disputent le pouvoir, le pays menace de sombrer.
Les affrontements ne faiblissent pas. L’armée régulière soudanaise a conduit lundi 15 mai des frappes aériennes le long du Nil,au nord de Khartoum, alors qu’elle tente de repousser les forces rivales paramilitaires, ont indiqué des témoins.
La guerre entre l’armée, que dirige le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo a fait plus de 750 morts, des milliers de blessés et près d’un million de déplacés et de réfugiés.
Dans ce pays de 45 millions d’habitants, l’un des plus pauvres au monde, la population vit dans la peur et la faim.
Aide alimentaire suspendue, banques fermées et inflation
À Khartoum et au Darfour, rares sont ceux qui sortent acheter à manger par peur des balles perdues. Le tiers de la population qui dépendait de l’aide alimentaire internationale en est désormais privé, celle-ci ayant été pillée ou interrompue à la suite de la mort de 18 travailleurs humanitaires.
Ailleurs, l’argent manque parce que les banques, pillées pour certaines, n’ont pas ouvert depuis le 15 avril, ou parce que les prix ont flambé – multipliés par quatre pour l’alimentaire ou par vingt pour l’essence.
Barricadés chez eux sans eau ni électricité, les cinq millions d’habitants de Khartoum attendent un hypothétique cessez-le-feu au milieu des raids aériens, des combats à l’arme lourde et des tirs d’artillerie, jusque dans les maisons et les hôpitaux.
À Khartoum, l’aéroport ne fonctionne plus, les centres commerciaux ont été pillés et les administrations sont fermées “jusqu’à nouvel ordre”. Les expatriés ont été évacués dans la cohue aux premiers jours de la guerre.
Ce qu’il reste de l’administration s’est replié à Port-Soudan, 850 kilomètres à l’est de Khartoum, épargnée par les violences et où une équipe réduite de l’ONU tente de négocier l’acheminement de l’aide humanitaire.
Des milliers de réfugiés entrent chaque jour en Égypte, au Tchad, en Éthiopie ou au Soudan du Sud. L’Égypte, qui traverse la pire crise économique de son histoire, s’inquiète. Les autres pays voisins redoutent une contagion.
Des négociations mais toujours pas de trêve
À Jeddah, en Arabie saoudite, les deux camps négocient une trêve “humanitaire” pour laisser sortir les civils et faire entrer l’aide. Mais ils se sont uniquement entendus sur le principe du respect des règles de la guerre, renvoyant à d’ultérieures “discussions élargies” la question de l’arrêt des hostilités.
Pour le chercheur Aly Verjee, “si les deux camps ne changent pas leur façon de penser, difficile d’imaginer une traduction sur le terrain des engagements sur papier”.
Car experts et diplomates le répètent : chacun des deux généraux pense “pouvoir l’emporter militairement”, grâce à des effectifs importants et des soutiens étrangers. Le général Daglo est le grand allié des Émirats arabes unis ainsi que, selon le Trésor américain, des mercenaires russes de Wagner, tandis que le grand voisin égyptien pèse de tout son poids derrière Abdel Fattah al-Burhane.
Les deux hommes paraissent donc plus intéressés par un long conflit que par des concessions à la table des négociations.
“L’armée et les Forces de soutien rapide (FSR) violent les trêves avec une régularité qui montre un degré d’impunité qui dépasse tout, même selon les normes soudanaises des conflits”, s’alarme Alex Rondos, ancien représentant de l’UE pour la Corne de l’Afrique.
Au Darfour, “des snipers tirent sur quiconque sort de chez lui”
Des conflits, le Soudan en a connu. Au Darfour, la répression sous la dictature d’Omar el-Béchir (1989-2019) des minorités ethniques par les militaires et les paramilitaires aujourd’hui ennemis avait fait 300 000 morts dans les années 2000.
Tout le monde y tire désormais sur tout le monde : militaires, paramilitaires, combattants tribaux et même civils armés. “On nous rapporte que des snipers tirent sur quiconque sort de chez lui”, dit à l’AFP Mohamed Osman, de Human Rights Watch. Pris au piège, “des gens blessés dans des combats il y a deux semaines meurent chez eux”.
Médecins sans frontières souligne que dans les camps de déplacés de la guerre du Darfour, “les gens sont passés de trois repas par jour à un seul”.