Le massacre perpétré le 20 avril dans le nord du pays a fait au moins 150 morts parmi les civils, selon un communiqué du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Sur les photos prises dans le village de Karma (Burkina Faso) par des habitants et des rescapés, mardi 25 avril, cinq jours après la tuerie, apparaissent encore des dizaines de cadavres entassés dans les cours. Çà et là, gisent des femmes avec leur bébé au dos ; un enfant, la tête cachée dans ses bras. Les murs des maisons sont criblés de balles.
« Ils m’ont dit qu’il y avait des vautours tout autour et une odeur de putréfaction ; la plupart des hommes avaient le crâne perforé », rapporte un habitant installé dans le nord du pays, qui a recueilli des témoignages et ces images que Le Monde a pu consulter.
D’après le procureur du tribunal de grande instance de Ouahigouya, qui s’est exceptionnellement « saisi de ces faits dont la gravité est avérée », une soixantaine de personnes ont été tuées à Karma, jeudi 20 avril. En réalité, le nombre de morts serait au moins deux fois plus élevé. Dans un communiqué publié mardi, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme estime qu’« au moins 150 civils » auraient disparu après l’attaque menée par « des hommes armés en uniforme qui seraient des membres des forces de défense et de sécurité, accompagnés d’auxiliaires paramilitaires ».
Si les faits sont confirmés, la tuerie de Karma est le pire massacre perpétré par l’armée burkinabée contre des civils depuis le début de la guerre déclenchée par des groupes djihadistes contre l’Etat en 2015. Contactés, ni le gouvernement, ni l’état-major général des armées, ni la présidence n’ont répondu aux sollicitations du Monde.
« Opération de représailles »
Le village a été « encerclé par des hommes armés venus en grand nombre et habillés en tenues militaires burkinabées » dans la matinée du 20 avril, « précisément autour de 7 h 30 », racontent des déplacés dans un communiqué publié mardi. « Certains villageois, heureux de voir nos soldats, sont sortis de leurs concessions pour les accueillir. Malheureusement, cette joie sera écourtée lorsque les premiers coups de feu retentirent, occasionnant également les premières victimes. »
Toute la matinée, « les militaires sont passés de domicile en domicile. Ils ont défoncé les portes des maisons cadenassées, où des habitants s’étaient cachés, et les ont réunis dehors pour les tuer », rapporte un étudiant originaire de Karma, dont vingt et un membres de sa famille ont été, selon lui, « massacrés ».