Au Sénégal, l’hétéroclite Plateforme F24 pour faire obstacle à un troisième mandat de Macky Sall

Au Sénégal, l’hétéroclite Plateforme F24 pour faire obstacle à un troisième mandat de Macky Sall

Personnalités politiques, membres de la société civile, associations, regroupés sous la même bannière, appellent à une grande manifestation le 12 mai à Dakar.

Comme un air de déjà-vu. Douze ans après le Mouvement du 23 juin (M23) constitué pour faire barrage au troisième mandat de l’ancien président Abdoulaye Wade, la plateforme « des forces vives de la nation F24 » a vu le jour le 16 avril au Sénégal, regroupant au moins 150 partis politiques et organisations de la société civile. Cette fois, c’est Macky Sall qui est dans le viseur, accusé d’entretenir le flou sur sa candidature à un troisième mandat pour la présidentielle de février 2024. « Je comprends l’inquiétude des Sénégalais mais le moment viendra, c’est pour bientôt », a assuré le chef de l’Etat, samedi 22 avril sur les ondes de la radio privée sénégalaise RFM.

Les membres hétéroclites de la Plateforme F24 se sont fixé plusieurs priorités : la lutte contre la troisième candidature de Macky Sall, la libération des détenus politiques, la cessation des interdictions de manifester, ainsi que l’abrogation de certains articles du code électoral portant sur l’inéligibilité des candidats. Parmi ce front qui se veut massif figurent des leaders politiques qui se sont déclarés candidats au scrutin de 2024 comme Ousmane Sonko, l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall, Déthié Fall ou encore Aminata Touré.

Face au risque de voir l’un d’eux utiliser la nouvelle formation pour servir son propre dessein, il a été décidé d’en confier la coordination à un membre issu de la société civile. C’est l’ancien syndicaliste et figure de proue du M23, Mamadou Mbodj, qui a été choisi. « Il est important d’avoir quelqu’un en dehors de la compétition électorale et qui puisse arbitrer en cas de divergences partisanes », justifie Senghane Senghor, chargé des affaires juridiques de l’association Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho).

« Ça transcende les partis politiques »

La nouvelle coalition doit aussi veiller à harmoniser ses prises de parole et devrait rapidement mettre en place une commission chargée de la communication. « Nous devons travailler à polir les discours car nous ne pouvons pas parler comme des politiques et avoir des discours incendiaires », explique Senghane Senghor. L’enjeu est important pour garder à bord du mouvement toutes les sensibilités. L’ancien ministre de l’énergie Thierno Alassane Sall a ainsi accepté de dépasser ces « dissonances » pour adhérer à la plateforme.

« Il s’agit de défendre la Constitution et non de problèmes subjectifs et personnels. Cela transcende les partis politiques », explique le président du parti La République des valeurs qui avait quitté son poste après avoir critiqué les contrats pétroliers signés par le gouvernement 2019. Elu député en juillet 2022, il avait refusé de rejoindre la coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi-Wallu Sénégal (dont fait partie Ousmane Sonko) qu’il critiquait pour sa « radicalité » et sa « violence ». « Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’une coalition politique, nous n’irons pas ensemble à la présidentielle », continue l’homme politique, qui assure que la question d’une potentielle union au second tour n’a pas encore été abordée.

Si la nouvelle plateforme rassemble large, l’absence de certains poids lourds de la scène politique sénégalaise se fait néanmoins sentir. C’est le cas du Parti démocratique du Sénégal, le PDS, de l’ancien président Abdoulaye Wade. « Nous ne pouvons pas nous asseoir avec Aminata Touré, ancienne ministre de la justice sous Macky Sall qui a chargé Karim Wade », s’insurge Assane Ba, secrétaire national chargé de la mobilisation du PDS.

Le fils de l’ancien président, qui a des vues sur le scrutin présidentiel, avait été condamné en 2015 pour « enrichissement illicite » puis gracié avant de partir vivre en exil au Qatar. Idrissa Seck, ex-premier ministre arrivé deuxième au scrutin présidentiel de 2019 et à nouveau candidat se tient aussi jusqu’à présent en retrait.

Autant d’acteurs que le coordonnateur Mamadou Mbodj aimerait convaincre : « Nous souhaitons continuer à élargir la plateforme. Nous sommes aussi en discussion avec les centrales syndicales et les religieux. » La question est maintenant de savoir si la F24 peut réussir là où le M23 avait échoué en 2011-2012. Une manifestation est prévue à Dakar le 12 mai, l’occasion de mesurer le poids de la nouvelle plateforme.