Le cessez-le-feu globalement respecté à Khartoum, mais l’exode continue

Le cessez-le-feu globalement respecté à Khartoum, mais l’exode continue

Un cessez-le-feu de 72 heures conclu au Soudan entre les belligérants sous l’égide des États-Unis est globalement respecté mardi à Khartoum, après 10 jours de combats qui ont fait des centaines de morts et poussé des dizaines de milliers d’habitants au départ.

Dans Khartoum, les explosions et les tirs se sont faits rares jusqu’à la mi journée alors que, comme à chaque annonce de trêve, les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo, ont accusé l’armée du général rival Abdel Fattah al-Burhane, de continuer à survoler Khartoum.

En revanche, il était impossible dans l’immédiat de savoir si les violents combats qui faisaient rage dans la vaste région du Darfour, dans l’ouest du Soudan, depuis le début des hostilités le 15 avril avaient baissé en intensité.

Plus de 420 personnes ont été tuées et des milliers blessées depuis mi-avril au Soudan, selon l’ONU, mais “après d’intenses négociations”, l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR) “ont accepté un cessez-le-feu dans tout le pays”, a affirmé le secrétaire d’État américain Antony Blinken peu avant l’entrée en vigueur de la trêve à minuit (22H00 GMT lundi).

Cessez-le-feu définitif?

L’armée et les paramilitaires ont confirmé une “trêve dédiée à l’ouverture de couloirs humanitaires”. Khaled Omar Youssef, des Forces de la liberté et du changement (FLC), le bloc civil limogé par le putsch mené en 2021 par les deux généraux alors alliés, a déclaré à l’AFP se féliciter “d’une médiation américaine” qui a établi, avec les civils, “des contacts avec l’armée et les FSR” en vue “de cette trêve humanitaire”.

“Elle permettra un dialogue sur les modalités d’un cessez-le-feu définitif”, a-t-il précisé, alors que M. Blinken a dit travailler avec des alliés à une “commission” chargée de négocier la cessation permanente des hostilités au Soudan. L’armée a évoqué une médiation “saoudo-américaine”.

L’intensité des combats dans plusieurs quartiers de la capitale avait de fait baissé depuis le début samedi des évacuations d’étrangers. Dans d’autres secteurs toutefois, les affrontements se sont faits ces derniers jours plus destructeurs. Sur des vidéos mises en ligne qui n’ont pas pu être authentifiées dans l’immédiat par l’AFP, magasins incendiés, immeubles écrasés et civils hagards au milieu des décombres encore fumant témoignent de la violences des raids aériens et des tirs d’artillerie.

Dalia Mohammed a fui à Port-Soudan, sur la côte est. “On s’est retrouvés à la rue, on est devenus des déplacés à cause de quelque chose qui n’a rien à voir avec nous: ça ne concerne que deux hommes et leurs troupes surarmées”, se lamente-t-elle.

Explosions, raids aériens et tirs n’ont pas cessé depuis le 15 avril à Khartoum, plongée dans le chaos. Ceux qui ne peuvent s’enfuir tentent de survivre, privés d’eau et d’électricité, soumis aux pénuries de nourriture et aux coupures d’internet et de téléphone.

Le conflit risque d'”envahir toute la région et au-delà”, a prévenu le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Le Conseil de sécurité doit se réunir mardi soir au sujet du conflit.

“Long voyage”

Le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell s’est félicité de la trêve, exhortant “les deux parties à la respecter pleinement”. En attendant, les départs des étrangers se poursuivent. Mardi, de nouveau, le Royaume-Uni a annoncé entamer l’évacuation de ses ressortissants – trois jours après celle de ses diplomates –, en “priorité les familles avec enfants et les personnes les plus âgées ou avec un problème de santé”.

Plus de 1.000 ressortissants de l’UE ont été évacués. Tokyo a annoncé mardi avoir évacué “tous les Japonais qui se trouvaient à Khartoum” et désiraient partir. Environ 700 employés internationaux de l’ONU, d’ONG et d’ambassades “ont été évacués vers Port-Soudan”, a indiqué l’ONU. La France, elle, a dit avoir évacué 538 personnes, dont 209 Français.

Des dizaines d’autres employés humanitaires ont été évacués vers le Tchad depuis le Darfour, dans l’ouest, la région la plus touchée par les combats avec Khartoum. “Alors que les étrangers qui le peuvent s’enfuient, l’impact des violences sur une situation humanitaire déjà critique s’aggrave”, prévient l’ONU, dont les agences ont suspendu leurs activités.

Cinq humanitaires ont été tués et, selon le syndicat des médecins, près des trois quarts des hôpitaux sont hors service. Lundi soir, près de 200 ressortissants d’une dizaine de pays, ont débarqué en Arabie saoudite.

“Nous avons fait un long voyage de Khartoum à Port-Soudan. Ça nous a pris environ 10 ou 11 heures” puis “encore 20 heures sur ce bateau”, affirme à l’AFP le Libanais Souhaib Aïcha, sa fillette en sanglots dans les bras. Et plus suivront, affirme à l’AFP, le capitaine d’une de ces navettes. “Mon bateau peut transporter jusqu’à 2.000 passagers”, dit-il. “Et deux ou trois autres rotations sont prévues”.