En Tunisie, les opposants vivent des heures sombres

En Tunisie, les opposants vivent des heures sombres

Alors que le pays traverse une grave crise économique, les inquiétudes concernant l’état de la démocratie se multiplient.

Jawhar Ben Mbarek, Issam Chebbi, Chayma Issa – trois grandes figures de l’opposition politique. Mais aussi l’homme d’affaires Kamel Eltaïef ou encore le directeur de la radio privée Mosaïque FM, Noureddine Boutar … voici quelques noms qui figurent sur la liste des personnalités arrêtées ces dernières semaines. Kais Saied les a qualifié de “terroristes” et affirmé qu’elles étaient impliquées dans un “complot contre la sûreté de l’État”.

Crise économique

Ces arrestations surviennent alors que le pays traverse une grave crise politique et économique, avec d’un côté un président qui, petit à petit, s’est arrogé tous les pouvoirs; de l’autre, une incapacité à améliorer le quotidien des Tunisiens, explique Anthony Dworkin, du Conseil européen des relations étrangères :

“Malgré le fait qu’il a le soutien des forces de sécurité, Kais Saied est une figure relativement isolée en Tunisie. Rien n’indique qu’il jouisse d’une grande popularité auprès de la population (…). Le taux de participation, tant pour le référendum constitutionnel que pour les récentes élections, a été extrêmement faible. Cela ne date pas d’hier mais les Tunisiens sont avant tout préoccupés par leur situation économique désastreuse. Et le président ne fait pas grand-chose pour y remédier.”

Inflation, augmentation de la pauvreté, pénuries récurrentes de produits de base comme le lait, le sucre ou encore les pâtes … les difficultés économiques de la Tunisie sont anciennes mais elles se sont clairement aggravées avec la pandémie de Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Bouc émissaire

Alors quand Kais Saied décide de s’en prendre aux migrants subsahariens qui vivent illégalement dans le pays, les accusant de crimes, de violences et autres méfaits, Raoudha Seibi, de l’Association tunisienne de soutien des minorités, y voit avant tout un moyen de détourner l’attention : “Le discours de haine, l’appel à la violence, l’appel à la haine à l’encontre de nos frères et sœurs subsahariens, ne représente pas la Tunisie, ne représentent pas les Tunisiens. C’est une honte ! C’est vrai que nous subissons tous mais on ne lâchera pas. On ira jusqu’à bout pour remettre l’image de la Tunisie telle qu’elle était. Cette Tunisie qui est connue comme étant une terre d’accueil et non de racisme.”

Samedi (25.02.2023), Raoudha Seibi et des centaines d’autres personnes sont descendues dans la rue à Tunis pour protester contre le racisme et un discours qu’ils ont qualifié de “fasciste” à l’égard des migrants. La veille, l’Union africaine avait condamné les propos du président tunisien sur les migrants et appelé ses Etats membres à “s’abstenir de tout discours haineux à caractère raciste, susceptible de nuire aux personnes.”