En Libye, le Parlement vote une motion de censure contre le gouvernement de transition

En Libye, le Parlement vote une motion de censure contre le gouvernement de transition

Cette démarche a été accueillie « avec inquiétude » par les Nations unies, pour qui « la tenue des élections le 24 décembre doit rester l’objectif primordial ».

Le Parlement libyen a voté une motion de censure contre le gouvernement du premier ministre Abdelhamid Dbeibah, mardi 21 septembre, aggravant les tensions entre les camps rivaux de l’est et de l’ouest et prenant le risque de torpiller les élections de décembre, cruciales pour l’avenir de la Libye, en proie à des violences récurrentes depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.

La motion de censure contre le gouvernement de transition siégeant dans la capitale, Tripoli (ouest), a été votée par 89 députés sur les 113 présents, a annoncé le Parlement. Le vote a eu lieu au cours d’une séance à huis clos en présence du président du Parlement, Aguila Saleh, allié de poids de l’homme fort de l’est, le maréchal Khalifa Haftar. En dépit de la motion de censure, le cabinet actuel ne sera pas remplacé mais devient un « gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes », selon le porte-parole du Parlement.

Cette démarche a été accueillie « avec inquiétude » par la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul). « La tenue des élections présidentielle et parlementaires le 24 décembre 2021 doit rester l’objectif primordial », a martelé l’ONU dans un communiqué. Surtout, la mission onusienne « confirme » que l’exécutif actuel « reste le gouvernement légitime jusqu’à ce qu’il soit remplacé par un autre gouvernement dans le cadre d’un processus ordonné après les élections ».
Une « mascarade »

« Je réaffirme notre détermination à poursuivre ce que nous avons commencé », a réagi M. Dbeibah depuis la ville de Zawia (ouest). Le premier ministre s’est ensuite rendu place des Martyrs, au cœur de Tripoli, où il s’est offert un bain de foule au milieu de dizaines de ses soutiens rassemblés sur la vaste esplanade. Il a salué les députés « honorables qui ont rejeté cette mascarade ». Et, sous les cris des manifestants appelant à la « chute du Parlement », a répondu qu’« avec l’aide de Dieu, il tombera ». M. Dbeibah a également appelé ses partisans à un « grand rassemblement » vendredi au même endroit.

Le Haut Conseil d’Etat (HCE), instance faisant office de Sénat à Tripoli, a quant à lui jugé la « procédure » de censure comme « nulle ». « Notre objectif, c’est la tenue de ces élections. Nous ne souhaitons pas donner d’importance à tout ce qui peut entraver cet objectif », a déclaré son président, Khaled el-Mechri, en visite à Rabat.

Mohamed Eljarh, chercheur à Libya Outlook, a estimé sur Twitter que le vote du Parlement constituait « une escalade majeure » susceptible de « renforcer la confusion et l’incertitude » au moment où le pays se trouve à « un tournant critique ». Après l’embellie du début d’année et l’avènement d’un nouveau gouvernement d’union, la Libye replonge ainsi dans l’incertitude, rendant la tenue des élections très hypothétique.
Lueur d’espoir

Après la fin des combats entre camps rivaux, à l’été 2020, un gouvernement unifié et transitoire dirigé par M. Dbeibah avait en effet été formé en mars pour mener la transition, offrant une lueur d’espoir. Surmontant les années de guerre, il avait obtenu le vote de confiance au Parlement et avait pu prendre ses fonctions sans heurts. Au côté d’un Conseil présidentiel composé de trois membres, il avait été chargé d’unifier les institutions, de sortir le pays d’un conflit internationalisé et de mener à bien la transition. Mais depuis, le Parlement n’a jamais organisé de vote sur le budget du gouvernement, tandis que les divisions ont rapidement refait surface.

Dernier épisode en date : la ratification le 9 septembre d’une loi électorale manifestement taillée sur mesure pour M. Haftar. Signé par le chef du Parlement sans être soumis à un vote, le texte a été accueilli par un déluge de critiques de députés et d’autres instances écartées du processus législatif. L’article qui concentre les critiques stipule qu’un militaire peut se présenter à la présidentielle à condition d’abandonner « ses fonctions trois mois avant le scrutin ». Et « s’il n’est pas élu, il pourra retrouver son poste et recevoir ses arriérés de salaire ».