Une semaine après l’assassinat de Hanane Al Barassi, 46 ans, la société civile à Benghazi, sous le choc, se demande comment continuer de militer pour la démocratie sans risquer de se faire tuer.
Hanane Al Barassi comptait sans le moindre doute parmi les activistes les plus courageux du pays. Elle a été abattue en pleine journée par des hommes armés, sur l’une des plus grandes artères commerçantes de la ville. Elle militait à Benghazi, là où le Maréchal Haftar a fait voler la liberté d’expression en éclats. “Ici, tu n’oses même plus critiquer les autorités dans tes pensées tellement tu as peur” témoigne Salma (nom d’emprunt).
Message pour tous
Hanane Al Barrassi dénonçait les élites corrompues de l’Est du pays, les groupes armés fidèles au Maréchal Haftar à coups de vidéos, en live, sur les réseaux sociaux. “La peur s’est emparée de la ville. Le message qu’adressent les tueurs, c’est qu’ils contrôlent la ville et que tous ceux qui tenteront de les dénoncer, de dire la vérité, de pointer du doigt la corruption, seront abattus comme Hanane. C’est un terrible message qu’il nous adresse à nous tous”. Amin (nom d’emprunt) lui aussi préfère taire son vrai nom pour des raisons de sécurité.
Activiste, lui aussi est mis sous pression par les autorités. Il subit régulièrement des interrogatoires, des intimidations. Le jeune homme raconte que la tombe de Hanane a déjà été saccagée.
Deux fois plus risqué pour les femmes
A l’Est de la Libye, dans la partie du pays qu’il contrôle, il est impossible de dénoncer les actes du Maréchal. Encore moins lorsqu’on est une femme : “C’est deux fois plus risqué encore pour elles. Nous sommes dans un pays extrêmement conservateur. La société a beaucoup de mal à accepter que des femmes militent, se battent pour bâtir une démocratie”. Les tribus ou leur propre famille peuvent refuser leur combat. C’est le cas de Salma : “Un de mes frères me traite de prostituée parce qu’il ne comprend pas qu’une femme puisse sortir, militer. Il ne comprend pas qu’une femme a un cerveau, c’est aussi simple que cela” explique-t-elle. S’ajoute donc à la pression du clan du Maréchal Haftar, celle potentiellement des familles même des activistes.
L’étau se resserre
Le sentiment des habitants désormais est que la situation se dégrade : “La situation actuelle nous rappelle ces jours terribles entre 2013 et 2014 où le nombre d’assassinats quotidiens grimpait jusqu’à 15 assassinats par jour juste pour la ville de Benghazi ! Nous devons à nouveau faire face à une nouvelle vague”. Hanane a dénoncé beaucoup de personnes qui sont actuellement au pouvoir. Des responsables au sein de ce que Haftar appelle l’armée nationale Libyenne, ainsi que des responsables du ministère de l’intérieur. Des personnes au sein du gouvernement également. Elle a dénoncé tous ces gens qui abusent de leur position et qui kidnappent ou tuent les gens dont ils veulent se débarrasser. Elle a décrit comment ils “volent l’argent public”, comment “ils pillent des terres”, résume un habitant de Benghazi. Hanane Al Barassi en est morte.
Comment les activistes peuvent-ils trouver le courage aujourd’hui de continuer à militer à Benghazi ? C’est toute la question qui se pose alors que le processus de réconciliation politique sous l’égide de l’ONU piétine.
Echec
Des représentants Libyens se rencontraient la semaine passée à Tunis avec pour objectifs d’amender des élections et de créer un gouvernement pour tout le pays. Dimanche soir dans la nuit, les 75 délégués se sont quittés sans être parvenus à mettre sur pied un exécutif unifié. Incapables de s’entendre sur les noms de leurs futurs dirigeants, ils reprendront les discussions à distance, dans une semaine.