Des pillages et destructions de villages, des meurtres sans distinction, des viols, mais aussi des organes découpés sur des cadavres… Des réfugiés maliens, ayant fui leur pays, révèlent à l’agence de presse américaine Associated Press une liste de crimes et atrocités commises contre des civils dans le nord du Mali par l’Africa Corps. Ce groupe paramilitaire dépendant du ministère russe de la Défense a succédé aux mercenaires russes de Wagner aux côtés des forces armées maliennes dans la lutte contre les djihadistes.
“Je suis simplement quelqu’un qui est vivant d’apparence comme avant — mais qui n’est pas, en réalité, vivante”. Fatma a tout perdu, même le goût de vivre. Elle fait partie des milliers de réfugiés maliens qui ont fui leur pays à cause des atrocités commises par l’Africa Corps, les paramilitaires russes qui ont succédé à Wagner aux côtés de soldats maliens.
Elle a raconté son calvaire à l’agence de presse américaine Associated Press (AP) qui a recueilli des témoignages de 34 réfugiés maliens à la frontière mauritanienne qui ont décrit des meurtres indiscriminés, des enlèvements et des abus sexuels. Même depuis leur refuge mauritanien, la plupart ont parlé sous couvert d’anonymat par crainte de représailles.
Dans son village de Kurmare, ces “hommes blancs” pillaient et tiraient sur ceux qui fuyaient. Méthodiquement, de maison en maison, ils prenaient les bijoux des femmes et tuaient les hommes. Le fils de Fatma a été tué. Avec sa fille de 18 ans inconsciente à la suite d’une crise, Fatma est restée seule face aux assaillants. Elle ne racontera pas ce qu’ils lui ont fait subir. Désormais, Fatma passe son temps à regarder une photo de sa fille, qui a finalement succombé à ses crises.
C’est un récit similaire dans l’horreur que raconte Mougaloa, éleveuse comme beaucoup de Peuls, une ethnie suspectée d’avoir rallié les djihadistes. Ils sont devenus une cible lorsque l’Africa Corps avec l’armée malienne arrive à la recherche de militants. Mougaloa n’a plus de nouvelles de sa fille enlevée par les Russes. Elle a vu son fils Koubadi âgé de 20 ans battu puis égorgé devant ses yeux.
“Les gens ne savent même pas pourquoi ils sont tués”
Les civils vivent dans la terreur, pris en otage dans le conflit entre les djihadistes d’une part et l’Africa Corps et l’armée malienne d’autre part. “Si vous ne dites pas à l’armée que vous avez vu des djihadistes, l’armée vous tuera”, déclare Mougaloa. “Mais si tu leur dis, les djihadistes te trouveront et te tueront. »
Les paramilitaires ne font pas de détail et commettent des crimes sans distinction. “C’est une politique de terre brûlée”, a déclaré un chef de village malien qui s’est enfui. “Les soldats ne parlent à personne. Quiconque est vu, ils tirent. Pas de questions, pas d’avertissement. Les gens ne savent même pas pourquoi ils sont tués”.
“Il n’y a aucune différence entre Wagner et Africa Corps”
Après le départ du Mali des mercenaires russes de Wagner, à la suite de la mort de leur chef Evguéni Prigojine, Africa Corps a pris le relais au mois de juin 2025 les civils pensaient que les atrocités commises allaient s’achever. Mais ils ont constaté que rien n’avait changé. “Ce sont les mêmes hommes, payés par le gouvernement, et ils poursuivent les massacres. Il n’y a aucune différence entre Wagner et Africa Corps”, a déclaré le chef du village.
Deux réfugiés ont montré des vidéos de villages incendiés par les “hommes blancs” d’Africa Corps. Deux autres ont déclaré avoir trouvé des corps de proches avec des foies et des reins manquants. De tels abus avaient été constatés sur des réseaux sociaux de membres de Wagner qui partageaient des vidéos de cadavres de civils maliens dépecés, découpant des organes et posant avec.
Ce qui a changé essentiellement, c’est qu’à la différence de Wagner, Africa Corps dépend directement du ministère russe de la Défense. Cela signifie que tout crime de guerre commis par l’Africa Corps au Mali est, en principe, attribuable au gouvernement russe, selon un expert interrogé par AP.
L’agence de presse Associated Press note que les morts civils imputés aux Russes ont diminué cette année — 447 jusqu’à présent contre 911 l’an dernier. Mais ces chiffres pourraient ne pas refléter l’ampleur complète, car les gens n’osent pas parler par peur de représailles.
“Il y a beaucoup de gens violés, attaqués, tués. Les familles sont séparées, il n’y a aucun doute là-dessus”, a déclaré Sukru Cansizoglu, le représentant en Mauritanie auprès de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés. Mais “il est parfois difficile de vraiment identifier qui en sont les auteurs”.
Peu d’informations officielles circulent sur Africa Corps. Selon des analystes, leurs effectifs pourraient être de 2000 hommes au Mali. Tous les combattants ne sont pas russes. Plusieurs réfugiés ont témoigné de la présence d’hommes noirs parlant des langues étrangères. Selon un rapport du Conseil européen en relations internationales, Africa Corps recrute en Russie, en Biélorussie et dans les États africains.
