Ouestafnews – La dégradation rapide de la situation sécuritaire au Mali inquiète l’Union africaine (UA). Dans un communiqué, daté du 9 novembre 2025 et consulté par Ouestaf News, le président de la Commission, Mahmoud Ali Youssouf, a exprimé sa « préoccupation » face à la situation. Cette sortie fait écho de voix qui s’élèvent pour dénoncer le silence des États voisins.
« Des groupes terroristes ont interrompu l’accès aux biens essentiels et aggravé de manière dramatique la crise humanitaire pour les populations civiles », déplore le communiqué de l’UA. Selon Mahmoud Ali Youssouf, le blocus imposé par des groupes armés a provoqué une asphyxie économique et humanitaire pour les populations civiles.
Les propos du président de la Commission interviennent alors que le pays vit l’une des pires dégradations sécuritaires de ces dernières années. Depuis quelques semaines, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, a annoncé des blocus sur plusieurs localités dont la capitale Bamako ou des régions stratégiques comme Kayes (point d’entrée depuis Sénégal).
L’UA a condamné des « attaques ciblant des civils innocents » et des « enlèvements », notamment celui de trois ressortissants égyptiens. L’institution régionale appelle à leur « libération immédiate et inconditionnelle » et rappelle que de tels actes constituent « de graves violations du droit international humanitaire ».
Mahmoud Ali Youssouf appelle à une « réponse forte, coordonnée et cohérente » de la communauté internationale contre le terrorisme et l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest. Selon lui, il faut un renforcement de la coopération, du partage de renseignements et de l’appui technique aux pays de la région, conformément aux recommandations de la réunion ministérielle de l’Union africaine, tenue le 30 septembre 2025.
Sur le terrain, la situation continue de se dégrader. Depuis septembre, le JNIM bloque les importations de carburant vers le Mali. Les convois venant du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, principaux corridors d’approvisionnement, sont régulièrement attaqués. Plusieurs chauffeurs et soldats ont été tués dans des embuscades.
Le gouvernement malien, qui a interdit la vente de carburant hors des stations pour couper les circuits d’approvisionnement des jihadistes, voit aujourd’hui sa capitale fragilisée par l’action de riposte des groupes armés.
Les effets se font ressentir : pénuries massives de carburant, coupures d’électricité prolongées, suspension des cours dans les écoles et universités, et ralentissement brutal de l’économie. La population fait face à une hausse des prix et à une dégradation générale des conditions de vie.
Le président de la Commission assure par ailleurs de la « pleine disponibilité » de l’Union africaine à accompagner le Mali et les autres États du Sahel « dans cette phase particulièrement délicate », en apportant un soutien concret à leurs efforts de stabilisation et de développement.
Face à l’aggravation du risque, plusieurs pays occidentaux ont récemment ordonné l’évacuation de leurs ressortissants. Ces pays ont demandé à leur personnel diplomatique « non essentiel » de se retirer du pays.
Dans la capitale, les ambassades évoquent des « files interminables » devant les stations-service et des « difficultés croissantes » pour assurer la sécurité du personnel.
Alors que la mobilisation internationale tarde, certaines voix africaines appellent à une réaction rapide. Dans une tribune publiée le 8 novembre 2025, l’ancien ministre sénégalais de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, interpelle les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) de ne pas attendre « que Bamako tombe pour réagir ». Il estime que la menace dépasse le cadre national malien pour devenir une question de sécurité collective.
Selon lui, l’effondrement du Mali équivaudrait à « un hub jihadiste aux portes du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et de la Guinée ». Il appelle à réactiver la force d’attente régionale et à renouer le dialogue entre la Cedeao, les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) et la Mauritanie pour coordonner une réponse commune.
Depuis 2012, le Mali est en proie à une insécurité persistante alimentée par les groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique. Après deux coups d’État successifs (2020 et 2021) et la rupture avec la France et la Cedeao, la junte au pouvoir peine à contenir l’avancée des groupes armés, désormais actifs jusqu’aux abords de Bamako.
Les récentes attaques dans les régions de Kayes et Diboli, à la frontière sénégalaise, montrent que la crise s’étend aussi vers l’ouest, menaçant directement les pays voisins.
Dans le nord, la situation reste tout aussi tendue. Le 7 novembre 2025, une jeune tiktokeuse malienne, Mariam Cissé, a été enlevée et exécutée publiquement par des hommes armés dans la ville de Tonka, région de Tombouctou (nord). Elle était connue pour ses vidéos de soutien à l’armée malienne. Son meurtre a provoqué un vif émoi sur les réseaux sociaux.
Le blocus se poursuit et action solidaire des Etats de l’Afrique de l’Ouest est désormais plus que nécessaire. Aly Ngouille Ndiaye rappelle : « quand la case du voisin brûle, arrose la tienne ».
